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Bienvenue dans le monde des pauvres, quel que soit le nom que la société et la bureaucratie administrative et de la recherche leur donne : du 17 mars au 11 mai 2020, une courte majorité d’entre vous aura eu un aperçu, pendant ces deux mois, ce que nous vivons.

Le confinement et la structure de la mortalité met à nu, sans fard ni masque ni divertissement, la réalité de l’étau des inégalités et des rapports de domination sociale.

De plus, il met à jour ce que les pauvres connaissent et expertisent depuis longtemps et qui conduit à l’échec des politiques sociales qui déclarent lutter contre les inégalités et parfois viser, ce n’est pas toujours le cas, leur disparition : traitement en silo, mise en concurrence des générations (le critère de la participation électorale joue à plein) et des misères, la réalité de la hiérarchie que la société, la bureaucratie administrative et associative ont établi depuis longtemps

« Vivre pleinement chaque jour, … apprécier toutes les expériences et sensations qui s’offrent à [moi] avec la soif de vivre et le sens de l’émerveillement d’un enfant » dit Saul Alinsky.

C’est un programme pour toute une vie mais est-il à la portée de tout le monde quand le destin choisit pour nous l’éventail de nos avenirs possibles ?

Nous expérimentons gratuitement … ce que 10 millions de pauvres pratiquent de façon continue

Nous expérimentons gratuitement la sobriété forcée, contrainte, subie, la retraite spirituelle, un retrait en nous-mêmes. Beaucoup, en temps ordinaire, paient cher avec une mise en scène à prétention spirituelle et psychologisante, ce que 10 millions de pauvres pratiquent de façon continue, le contrôle social soupçonneux en plus et pour beaucoup en ce moment sans les béquilles accessibles le plus souvent avec le filtre du travail social.

A Sartre l’aveugle prétentieux et qui s’est tant trompé volontairement, je préfère Raymond Aron et Albert Camus, ce fils de femme de ménage illettrée, du pays qui est le mien.

En temps ordinaire, des marchands habiles spéculent et prolifèrent sur le marché de la sobriété heureuse, ruse de dominants et de profiteurs pour fermer l’accès à un mode de vie avec plus de confort, d’aménités et de mobilités (physique, culturelle, …).

Que faisons-nous de ce confinement, personnellement et collectivement ?

Pour moi, c’est un moment où je reprends mon souffle, où je reprends mes affaires en attente, pour avancer demain, mieux et plus loin. Mais notre diversité conduit à des vécus divers.

autant de facteurs de discriminations qui produisent et aggravent les inégalités

Taille de l’espace de vie, environnement, présence d’enfants, ressources relationnelles avant l’enfermement, ressources numériques, ressources culturelles et intellectuelles, … autant de facteurs de discriminations qui produisent et aggravent les inégalités qui existaient préalablement.

Pour les groupes dont je suis, c’est le temps de penser ce que nous ferons demain, comment et avec qui, quelles alliances. C’est aussi une période propice à questionner la sincérité, la mienne et celle des autres, ne serait-ce qu’au travers d’un premier geste : qui pense à moi et qui s’inquiète de ce que je deviens ? Combien de pauvres sont-ils en train de s’affaiblir et vont mourir avant et après le 11 mai 2020, seuls ? Quels agrandissements pour les carrés communs des cimetières ?

Ceci sera le résultat issu de la combinaison de notre sobriété forcée quotidienne (de notre dénuement variable) et de la situation qui nous prive des solutions-béquilles fermées pour cause de risque de diffusion du virus.

Que l’on soit seul ou membre d’un groupe, c’est le moment de vérifier si son projet est toujours d’actualité.

  1. Que faisons-nous de nous-mêmes ?
  2. Que faisons-nous des personnes rassemblées ?
  3. Que faisons-nous du crédit formé depuis toutes ces années ? Quelle action, après ?
  4. Les élections municipales seront bouclées d’ici la fin d’année. Que proposons-nous aux mondes rassemblés dans nos organisations ?
  5. Comment allons-nous nous retrouver : ceux pour qui cet enfermement sur le fil est le quotidien et ceux pour qui ce ne sera qu’une parenthèse, une expérience pour rencontre littéraire et autre évènement mondain ?
  6. Quelle politique publique de la relation est -elle possible ? La considération, l’attention, le soin, le « care » en seront-ils les fondements ? A quoi bon parler de cohésion sociale, de cohésion territoriale, de mixité sociale, de diversité ? Aurons-nous enfin une discussion sincère et franche qui nommera et reconnaîtra la réalité de vécus juxtaposés, en particulier de la sobriété contrainte et subie ?
  7. Et puisque nous ne sommes que des personnes humaines, un temps de fête ne pourrait-il pas à la fois marquer la sortie du confinement et inventer un espace de discussion de notre pays en archipel ? Et si à la sortie, notre projet commun était de refaire une société qui met en œuvre ses principes et son projet : vivre en démocratie autour du choix, retour au binôme confort pour certains et sobriété forcée pour beaucoup ou de la mesure pour tout le monde ?

« Il y a une vie après la naissance » dit Saul Alinsky.

Après avoir dégager la feuille, que décidons-nous d’écrire ?

10 avril-2 mai 2020

Pierre-Louis (Grenoble)

Illustration-titre : ChW – « Chemin en tunnel, obscur, mais qui mène à la Lumière »

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