Il s’appelle Fayçal JELIL. Sur son compte X (ex-Twitter) il se présente comme « Archiviste des vies décentes ». Il y publie de courts portraits de personnes rencontrées au hasard de ses activités pour les mettre en lumière, les sortir de l’invisibilité. En cela il rejoint totalement les buts de l’Archipel des Sans-Voix. Des portraits de parcours de vie, jamais rectilignes, souvent inspirants, toujours plein d’humanité. Il a souhaité rejoindre l’Archipel pour y être relayé.


Youss 38 ans

Abandonné à la naissance par ses parents, il connaît ses premiers mois de vie dans un orphelinat au Sénégal, puis il est adopté, à l’âge de 3 mois, par une famille française expatriée. Arrivé en France à l’âge de 5 ans, Youss connaît une scolarité très difficile : à 14 ans, il décroche totalement et quitte l’école sans diplôme et sans formation. S’en suit une période très longue de délinquance et quelques expériences professionnelles. Il est condamné une première fois. Lors de son incarcération, il obtient son premier diplôme : le CAP pâtisserie car il aimait faire des gâteaux. À sa sortie, après quelques expériences dans de grandes maisons, ses « vieux démons » comme il dit sont encore bien présents. De nouveau, il devient un très grand délinquant et sera condamné, cette fois-ci à 7 ans de prison plein. Il est sorti, il y a 6 mois, et ce jour il démarre son nouveau travail dans la restauration en tant qu’employé polyvalent. Aujourd’hui, il « kiffe » sa vie et s’est promis de ne plus faire de bêtises.

Je lui souhaite toute la réussite dans son nouveau travail, et une bonne réinsertion dans la société civile. Hommage à tous ces employeurs qui donnent une chance aux sortants de prison. Youss avait raconté en toute transparence son histoire à son employeur lors de son entretien.

Conseil : croyez en vos rêves et ne vous laissez pas influencer.

Anna, 95 ans

Fille de juifs polonais, Anna naît en 1929 en France. Très jeune, ses parents l’a confie à une nourrice ; ce qui était courant à l’époque. Pendant la Seconde guerre mondiale, ses parents sont déportés et ne reviendront jamais. Anna reste chez cette famille française qui la protège, la cache, l’éduque avec sa petite sœur. Elle réussit toute de même à faire des études dans la comptabilité et la dactylographie tout en travaillant dans la ferme de cette famille.

 À la sortie de la guerre, elle rejoint un oncle qui avait récupéré son affaire saisie pendant l’occupation. Anna y travaille sans relâche pour s’occuper aussi de sa sœur, 7 ans plus jeune. De fil en aiguille, elle cumule des expériences et est embauchée chez un fabricant de vêtements. Là, elle gravit les échelons jusqu’à devenir la directrice. Un jour, le propriétaire annonce sa retraite en proposant à Anna de racheter son entreprise avec des facilités de paiement sans l’intervention de la banque. Anna accepte et relève le défi. Durant des dizaines d’années, elle sera à la tête de cette affaire et ses 35 salariés. Elle a toujours respecté les ouvriers car comme elle le rappelle « je sais ce c’est d’être ouvrier : je l’ai été. »

Anna a aussi été un temps actrice notamment dans le film de Pascale Bailly « Dieu est grand, je suis toute petite » avec Édouard Baer, Julie Dépardieu et Audrey Tautou, dans lequel elle tient le rôle de la maman d’Édouard.

Une vie. Des vies. On pourrait l’écouter pendant des heures. Ce travail de transmission de cette période est fondamental d’autant que ces anciens ne sont plus nombreux…

Longue vie à Anna.

Fayçal JELIL, archiviste des vies décentes

(Retrouvez les autres portraits réalisés par Fayçal, avec l’onglet en bas de page « PLUS DE L’AUTEUR »)


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