Ion Zion est une mère de famille, célibataire, avec quatre enfants. Elle a beaucoup voyagé et vécu un peu partout. La cité, la Martinique, les favelas. Polyglotte et nourrie de nombreuses cultures, elle aime les gens et a envie de partager. Ion Zion a aussi connu des hauts et beaucoup de bas. Et en ce moment, c’est la galère. Le dessin, elle l’a appris « comme ça » : « J’ai su dessiner avant de savoir écrire et j’ai toujours communiqué par le dessin ». Pour Ion Zion, le dessin est comme un exutoire, un moyen de « vivre mieux » et de « dire les choses ». « Je ne dessine pas pour rien, chaque dessin est un cheminement ». A travers cette chronique, Ion Zion nous fait découvrir ses univers et ce qu’elle a à dire : « l’autre côté du décor dans les îles françaises, la justice qui est faite pour les riches, une société qui nous tient par la peur …« 


CONTE de NOÊL

Vous connaissez la petite marchande d’allumettes, un conte de Noël, l’histoire d’une enfant livrée dans la ville, errant dans sa solitude pour y vendre des allumettes à de riches passants chaudement emmitouflés, les bras chargés de présents, se hâtant sous la neige pour y retrouver leur famille, la chaleur d’un bon feu de cheminée, la table pleine de victuailles et de friandises colorées et enfin déposer sous le sapins lumineux et prospère les cadeaux tant attendus.

Elle, pauvrement vêtue, grelottant de froid, de faim, ivre de fatigue décide de simplement s’asseoir dans un coin, contre le muret du pont. Alors elle craque, elle craque une première allumette … et la magie de Noël lui permet de voir à travers cette petite lueur. C’est l’histoire d’une petite fille qui choisit la lumière et la chaleur de chaque petite allumette qui lui reste pour y voir une dernière fois le sourire de sa grand-mère disparue, ce soir, pendant la nuit de Noël, chaque lueur lui redonnant cette chaleur humaine, ce souvenir des jours heureux, calmes et paisibles.

Seule sous la neige, son corps s’engourdit, ses doigts aussi mais elle choisit encore le réconfort éphémère d’une lueur d’espoir, blottie dans la nuit contre un mur froid … Même si elle ne sent plus rien, ni le froid, ni la faim, même si elle n’entend plus les pas des gens pressés s’enfonçant dans la neige, même si elle ne voit plus les flocons virevolter autour d’elle, elle s’endort.

On la retrouve le lendemain de la nuit de Noël gelée, entourée de petites allumettes carbonisées, le sourire aux lèvres et le visage paisible… Si belle, si jeune, si pure. Triste conte pour un soir de Noël …

Durant mon enfance, chaque année ma grand mère me lisait ce conte le soir de Noël. Durant mon enfance, chaque année, elle me mettait sur ses genoux, blottie tout contre elle. Je revois la broche modern-style et les deux grandes nattes noires entourant son visage qu’elle portait, je jouais toujours avec, elle me laisse faire … Je sens encore son parfum. J’entends toujours sa voix grave et calme. Ce moment était un moment où j’étais juste dans une bulle : rien n’existait autour, je ne voyait que les perles de la broche et sa voix. Durant mon enfance, chaque année ce conte me faisait pleurer. Durant mon enfance, chaque année elle me disait : « Tu ne seras jamais seule, je serais toujours là, tu ne seras jamais une petite marchande d’allumettes, vois ta chance … parce que je suis là. Alors n’en veux pas à tes parents de t’avoir oubliée, tu m’as trouvée et moi aussi. Tu es la plus belle de mes rencontres et c’est ça la magie de la vie. »

J’ai mis longtemps à comprendre … Les leçons de vie qu’elle essayait de me transmettre chaque jour, tout le temps. D’abord qu’il y a toujours plus malheureux que soi. Ensuite que le temps n’existe pas si on le décide. Et enfin qu’il y a toujours du merveilleux si on sait le voir. Parce que ce moment m’a laissé et à tout jamais le son de sa voix, la vision de sa broche et son odeur. Mais je ne me souviens plus de son regard ni de son sourire …

J’espère qu’ils garderont mon odeur et le son de ma voix

Alors chaque année à Noël, je mets mes enfants autour de moi, tous blottis les uns contre les autres, pour sentir leurs odeurs d’enfants joyeux et je leur raconte un conte … Les temps changent, les contes évoluent et je ne suis pas ma grand-mère alors chacun de mes enfants choisit un mot : le plus extravagant, bizarre ou incongru qu’ils puissent trouver et je construis un conte en y incluant chacun des mots choisit par eux … Que de rires avec mes contes du monde à l’envers.

J’espère qu’ils garderont mon odeur et le son de ma voix.

WINTER MOON ©Ion Zion

ION ZION (à retrouver aussi sur Facebook)

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Porte-voix-BLEU-seul-300x258.jpg.

Si vous souhaitez réagir à cet article, n’hésitez pas à laisser un commentaire (tout en bas de cette page). Vous pouvez aussi lancer un débat sur un sujet de votre choix sur le Forum de ce journal.