» Moi j’adore pas ( sic ! ) le mot de « pénibilité », parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible « .

Devinez qui a prononcé cette sentence définitive commençant volontairement par une tournure fautive pour faire « peuple », mais se voulant néanmoins pleine de sagesse et de vérité ? Oui, je sais que vous le savez, c’est juste pour partager avec vous un moment de connivence, que nous admirions ensemble l’étendue de la pudeur présidentielle face aux réalités un peu déplaisantes que nous côtoyons tous les jours, mais auxquelles il ne s’est toujours pas fait … On ne peut pas être doué en tout, et certains sont manifestement cancres en empathie et en aptitude à se mettre à la place de l’autre.

C’est presque trop facile. On dirait qu’il le fait exprès pour faire bisquer celles et ceux qui n’ont pas le bon goût de s’extasier devant ses qualités exceptionnelles de premier de la classe, le premier de cordée.  

Mais je crois que c’est plus fort que lui. Je ne voudrais pas caricaturer, mais je pense que son passage à la banque Rothschild* ne l’a pas aidé à approfondir la philosophie de Paut Ricoeur qu’il a fréquenté sur le tard, et dont je dois dire, à ma grande honte, que je n’ai pas lu une ligne mais dont je me doute bien que son oeuvre ne porte pas sur l’art et la manière de maximiser les profits en plaçant les petits avoirs des petits milliardaires hexagonaux dans des entreprises à vocation philanthropique d’exploitation soutenue des travailleur(euse)s qui vont tous les matins au turbin le sourire aux lèvres et la fleur au fusil.

… le grand débat qui ne manque jamais de suivre l’une ou l’autre déculottée présidentielle

La maîtrise du vocabulaire : C’est tout ce qui reste au roi quand il est surpris tout nu : Interdire à ses sujets de prononcer le mot « NU », sous peine de LBD et de gaz lacrymo, et prière d’attendre qu’il aille se rhabiller afin d’animer le grand débat qui ne manque jamais de suivre l’une ou l’autre déculottée présidentielle …

Vous avez aimé le « je n’ai pas de baguette magique » lancé aux ouvriers désespérés de WHIRLPOOL, après avoir sorti de son chapeau les milliards du CICE. Mais pas pour les pue-la-sueur qui vont perdre leur travail, pour leurs licencieurs, afin qu’ils créent plus vite des boulots de merde pour remplacer les emplois détruits et inverser cette sacrée courbe du chômage, boulots qu’ils ne créent pas d’ailleurs, ou si peu …

… puisqu’il n’y a pas d’argent ! Dans les caisses de l’Etat s’entend. Dans les paradis fiscaux, c’est autre chose …

Par quel sortilège ? Mystère, puisqu’il n’y a pas d’argent ! Dans les caisses de l’Etat s’entend. Dans les paradis fiscaux, c’est autre chose, mais vous vous doutez bien que ça n’a rien à voir, tous les économistes sérieux et rompus à la novlangue vous le diront.

Vous aimerez tout autant « J’aime pas le mot « violences policières ». Je préfère «  Jojo le Gilet Jaune l’a bien cherché  » et  » cette dame est retraitée, elle n’était pas en train de faire ses courses  » Quoi ! Une retraitée qui manifeste son mécontentement au lieu de faire du crochet avec ses copines ! Et elle s’étonne d’être victime d’une « non-violence » policière ? Qu’elle s’estime heureuse ! Elle aurait pu tomber sur Benalla en mission spéciale d’observation des jets de canette sur la carapace en kevlar des robocops non-violents de la Fanfare des Gardiens de la Paix !

Vous voyez comme le vocabulaire peut être violent ! Comme il est urgent de lui faire la peau, et de le retourner comme une peau de lapin, dont on fait les gants de velours bien utiles pour enrober les mains de fer !

Vous remarquerez que le vocabulaire est dangereux surtout quand il suggère avec insistance qu’il va falloir mettre la main à la poche. Si le travail était pénible, alors il faudrait adoucir les conditions de travail pour qu’il le soit moins, ou pas du tout, on peut rêver. Oui, mon bon ami utopiste, vous avez raison, en principe, mais c’est une fausse bonne idée, car hélas, le principe de réalité nous enseigne qu’adoucir les conditions de travail, c’est amoindrir la productivité, et je vous rappelle que nous sommes dans une économie ouverte, et les esclaves du sud-est asiatique nous font une concurrence féroce avec leur farouche volonté de produire en une journée autant que l’ouvrier français en une semaine et pour dix fois moins cher, car notre travailleur gaulois a hélas perdu le goût de l’effort !

Et n’oubliez pas que ce que l’on donne au travailleur ici ou là-bas, est soustrait au légitime appétit de l’actionnaire, qui de ce fait sera tenté d’aller placer ses petites économies ailleurs, là où le travail est mois cher, et l’impôt plus léger ! Moralement, on n’a pas le droit de refuser pareille aubaine, comprenez-le une fois pour toutes nom d’un chien ou je me délocalise avec la caisse ! Demandez à Christophe Barbier, l’homme à l’écharpe rouge en bandoulière, il vous expliquera cela mieux que moi .

… le travail n’est pas pénible, le Maître des Mots a interdit l’usage de cet adjectif associé au mot « travail » …

Et puis ce n’est pas vrai, le travail n’est pas pénible, le Maître des Mots a interdit l’usage de cet adjectif associé au mot « travail », vous vous mettez en infraction avec la Pensée Présidentielle, complexe et limpide en même temps, mettez-vous bien ça dans la tête !

Un dictionnaire ne suffirait pas à citer tous les exemples de mots piégés qu’il a fallu déminer afin d’en faire des éléments de langage présentables sur les plateaux de télévision et les cours d’école lors des campagnes électorales, comme celle qui se pointe à l’horizon et qui risque d’être croquignolette, pour peu que les qui ne sont rien se persuadent qu’ils et elles valent quelque chose, dans les urnes au moins autant que dans la rue… Toujours un problème de vocabulaire, comme vous voyez…

Je suis trop feignant pour chercher d’autres exemples dans la littérature surabondante qui foisonne sur Internet où une petite phrase chasse l’autre en permanence. Moi aussi, j’ai perdu le goût de l’effort.

Alors bon dimanche, et bon déminage du vocabulaire. C’est un travail pénible, mais payant à la longue.

* « Banque Rothschild » : N’y voyez là aucun antisémitisme, chers Gardiens de la Mémoire de la Shoah, dont je ne conteste pas l’Existence, ni l’ampleur ni l’horreur indicible, rassurez-vous ! Mais ce n’est pas moi qui ai choisi le nom de la banque, et j’aurais pointé avec autant de verve son passage dans une banque Suisse, ou Lyonnaise, voire Générale ou Agricole, ou Qatarie, si notre Maître du Langage avait choisi d’y faire ses grands débuts.

André BARNOIN dit Dédé, de Mulhouse (68)

Banquier et prêt allégé (Dédé)

En complément de cette chronique de Dédé sur « la peur des mots », nous vous invitons à écouter Franck Lepage nous expliquer le POUVOIR des MOTS. Instructif et édifiant..

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