Ion Zion est une mère de famille, célibataire, avec quatre enfants. Elle a beaucoup voyagé et vécu un peu partout. La cité, la Martinique, les favelas. Polyglotte et nourrie de nombreuses cultures, elle aime les gens et a envie de partager. Ion Zion a aussi connu des hauts et beaucoup de bas. Et en ce moment, c’est la galère.
Le dessin, elle l’a appris « comme ça » : « J’ai su dessiner avant de savoir écrire et j’ai toujours communiqué par le dessin ». Pour Ion Zion, le dessin est comme un exutoire, un moyen de « vivre mieux » et de « dire les choses ». « Je ne dessine pas pour rien, chaque dessin est un cheminement ». A travers cette chronique, Ion Zion nous fait découvrir ses univers et ce qu’elle a à dire : « l’autre côté du décor dans les îles françaises, la justice qui est faite pour les riches, une société qui nous tient par la peur …«
Je me suis retrouvée à 24 ans à vivre dans une favela ou un ghetto, c’est la même chose, en Martinique. Pas le choix car malgré tout c’est mieux que la rue. J’en suis sortie au bout de 9 ans….
J’y ai fait un tour du monde : Brésiliens, Dominicains, Haïtiens, Cubains, Français, Allemands, Anglais… J’en ai rencontré des gens et des histoires, des vies brisées, des cœurs plein d’espoir, des soldats et des guerriers…
J’y ai appris à survivre, à être maligne, le système D, la solidarité, les fêtes improvisées, l’oubli, la peur, …
« J’ai appris à survivre, à être maligne … J’ai vu ce qu’il y a de pire dans l’humain… »
J’y ai vu ce qu’il y avait de meilleur et de pire dans l’humain….ça fait grandir ….ça fait réfléchir.
La première chose que j’ai comprise c’est à me protéger, à lier des alliances simplement pour pouvoir aller et venir sans ennuis : j’ai appris la négociation.
Quand j’en suis sortie, j’ai étudié les ghettos, j’ai lu tout ce que j’ai trouvé pour mieux comprendre encore comment ça fonctionnait… Je continue car cela me touche tout particulièrement.
En 2018, je suis tombée sur un article parlant de l’assassinat de Marielle Franco, une conseillère municipale au Brésil qui luttait entre autres contre les meurtres des enfants des rues, épuration mise en place par l’Etat depuis les années 90. Et j’avais rencontré en Martinique des mères célibataires brésiliennes qui avaient fui avec leurs enfants pour leur permettre de vivre … simplement avoir le droit de vivre, et cette femme Marielle Franco était leur idole parce que c’était une guerrière.
J’y pense souvent, surtout dans mes moments difficiles, et moins ça va et plus j’y pense pour me donner de la force et retrouver la Foi et simplement apprécier de voir mes enfants grandir en paix, rire, apprendre même si mes conditions financières sont déplorables.
Alors j’ai voulu par ce poème [NDRL : à lire ci-dessous] rendre hommage à tous ces enfants des rues du monde qui meurent chaque jour pour rien, dans l’indifférence générale, à cause de la folie des hommes, pour qu’on se souvienne qu’on n’est pas si mal en France malgré tout mais que si nous ne sommes pas d’une extrême vigilance, il pourrait nous arriver la même chose, même en France, sous d’autres formes peut-être mais la conclusion serait la même : voir impuissants nos enfants tomber à cause de la folie des hommes.
MANDOLIMA
« La rue m’appelait Pequena Mandolima,
Mon vrai nom je ne le connais pas, oublié
Comme moi sur un trottoir de la favela
La rue m’as tuée à 8 ans, nuit étoilée
Mon corps vous avez enjambé sans un regard
Avec votre indifférence glacée
« Ma Foi, Un rat du Port en moins » dit la foule de bourgeois
Mon corps est tombé pour une orange et du lard
Repas d’un soir chèrement payé, oui j’ai volé
La rue m’appelait Pequena Mandolima,
je chantais, je dansais sous le plus beau soleil
Mon rire illuminait toutes les ruelles
Saltimbanque chapardeuse Shine Estrella
Mais par une nuit sans lune, infortune
Au marché des 4 vents, valse à contre-temps
Le marchand m’a vu courant vers la steel dune
les bras chargés, coup de feu, suis tombée, sang
Repas d’un soir chèrement payé, oui il m’a tuée. »
Ce dessin représente les richesses des plus pauvres parmi les pauvres, leurs richesses ne sont pas matérielles : elles sont spirituelles, de par leur capacité à s’entraider, survivre, rire quand tout va mal, faire la fête dans les moments de désespoir, savoir se laisser-aller, lâcher prise.
« Les richesses des pauvres sont spirituelles »
Les lois y sont dures mais simples : seuls les guerriers survivent, et les guerriers aident les plus faibles pour en faire des soldats en les guidant et en les protégeant.
Les pauvres sont noirs, blanc et or, ils vivent dans un monde à part, qu’eux seuls comprennent car les règles de survie ne sont pas les mêmes que celles des nantis : d’où une incompréhension réciproque, comme essayer de mélanger l’eau et l’huile : émulsion instable.
Toute ma vie, j’ai essayé de stabiliser cette émulsion par l’amour, le dialogue la compréhension et l’absence de jugement…..il ne faut pas avoir peur de l’autre quel qu’il soit , d’où qu’il vienne, et simplement en étant là, en le conseillant avec bienveillance , en essayant de créer des ponts avec les nantis dont beaucoup sont eux aussi bienveillants , sans tomber dans des clichés, sans a priori, simplement OSER …..et vous savez quoi : ÇA FONCTIONNE !!!
ION ZION (à retrouver aussi sur Facebook)
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