Cette chronique « Echos des confins » est ouverte à toute personne désirant s’exprimer ici publiquement quel que soit ce qu’elle désire exprimer, sortant ainsi de son cercle habituel. Adressez-nous vos textes-photos-vidéos avec vos coordonnées à l’adresse-mail suivante : journal@adsv.fr
Ma rencontre avec le Covid-19
Je n’écris pas ces quelques lignes relatives à ma « rencontre » avec le Covid poussé par une pulsion d’exhibition… Sans préjuger de l’intérêt de ce que je m’apprête à écrire, je me dis qu’il n’est peut-être pas inutile face à cette maladie largement inconnue et étrangement protéiforme dans ses symptômes de témoigner de certaines particularités de son évolution surtout quand celle-ci vous a paru assez différente de ce qui est le plus souvent décrit, du moins dans les alertes télévisées ou radiodiffusées.
Les symptômes de la maladie ont duré chez moi trois semaines.
Première semaine, à dater du 13 mars : fièvre à 38 pendant huit jours, avec vives douleurs au niveau des reins et désordres intestinaux. Rien de trop inquiétant. Pas une gripette toutefois. Une grippe qui frappe fort. On en a vu d’autres !
Seconde semaine : aucun symptôme pulmonaire, même pas une petite toux mais, brutalement, 39.6 de température moyenne, avec affaiblissement progressif, comme une extinction indolore des fonctions vitales qui va jusqu’à empêcher l’ingestion de toute nourriture consistante sans pour autant qu’apparaissent les nausées parfois induites par le Covid. Aucun dépistage par ailleurs avant qu’un médecin d’un centre Covid, alerté par un raclement du côté du poumon gauche, ne me fasse admettre aux urgences.
Au CHU d’Angers, j’ai été soigné par une pneumologue qui, malgré un scanner alarmant des poumons au bord de l’embolie, a écarté l’intubation pour privilégier oxygénation par le nez et antibiothérapie à fortes doses ….
Elle semblait rejoindre l’avis d’un urgentiste de Brooklyn plongé dans la pandémie (à voir sur le Net) qui insiste sur le fait que le Covid a été d’emblée mal qualifié … Ce n’est pas, selon lui, une pneumopathie mais une maladie inconnue de l’oxygénation du sang qui fait que, à New York, les habitants commencent par s’éteindre en douceur comme dans un Boeing à 9000m d’altitude (ce sont ses propres mots) dont on aurait ouvert les hublots. Après seulement, s’amorce la véritable dégradation pulmonaire que l’intubation, étant donné l’état de faiblesse, peut accélérer jusqu’à provoquer la mort …
En abordant le Covid comme une pneumopathie, d’après ce soignant américain, on prend un risque majeur. J’insiste sur ce témoignage venu de New York car c’est exactement ce que j’ai vécu, selon une évolution de la maladie très éloignée des messages de prévention diffusés sur les ondes en France (ce qui tendrait à prouver la variabilité des formes du Covid).
comme une chandelle qui s’éteint
Avant mon hospitalisation, je me suis vu « partir » en deux jours, entre le 11ème et 13ème jour de la maladie, comme une chandelle qui s’éteint, sans plus aucune douleur, sans gêne respiratoire, refusant même d’appeler le SAMU. A la personne qui m’ a sauvé la vie en me forçant à monter dans sa voiture pour rejoindre un centre Covid, je répétais obstinément ne pas vouloir mourir seul à l’hôpital comme si déjà j’avais renoncé à la vie dans un glissement progressif et insensible vers la mort …
Depuis, j’ai trouvé quelques ressemblances entre cette expérience d’une résignation morbide étendue sur deux jours environ et celle que vous fait traverser, en quelques heures, une hémorragie interne où le sang fuit, emportant au loin la vie, sans autre alarme qu’une intense fatigue, et sans vous laisser assez de lucidité pour « comprendre » (il y a dix ans, j’ai fait une très grave hémorragie interne qui m’autorise ce rapprochement).
C’est au CHU que je me suis mis à tousser, de cette manière sèche, répétitive et spasmodique si souvent décrite comme « LE » symptôme du Covid. Pas un seul toussotement avant. A ce moment, le souffle a commencé à me manquer au point de ne plus dormir pendant trois jours tellement j’avais l’impression que mes poumons perdaient en volume et que l’air ne passait plus. Pour « surmonter » un peu, j’écoutais des chansons ( Barbara) et de la musique (Passion selon Saint Matthieu, sonates de Beethoven par El Bacha) sur mon portable que « ma sauveuse » avait judicieusement glissé dans ma poche avec son chargeur … mais sans les écouteurs.
Allez savoir pourquoi, j’ai eu une brusque envie de revoir sur Youtube tout ce qui était disponible au sujet de la Révolution Française : Les années lumières, Les années terribles, Danton, avec conférence d’historiens à suivre … La maladie peut vous pousser dans d’étranges marottes, où le spectacle de la mort se multiplie et devient presque familier … Pardon à mon voisin de l’autre côté du mur qui toussait tout autant sans trouver non plus le sommeil. Pardon, qui que tu sois, si « Il pleut sur Nantes » ou « ça Ira » ont bercé tes nuits de leurs paroles incongrues.
J’ai eu peur aussi et j’ai cru qu’on allait « m’endormir » pour m’intuber. A chaque visite, avec douceur et aussi fermeté, contrebalançant par une parole précise et patiente l’impression de distance créée par le masque et les lunettes de protection, le docteur Mazet, la pneumologue qui me soignait, me répétait de ne pas m’inquiéter … A ses yeux, la toux, asphyxiante et douloureuse, ne représentait pas un symptôme alarmant. « Je ne vous donnerai même pas un sirop,comme aux enfants ! Pour vous, ce serait plus dangereux qu’autre chose ». L’équipe médicale entière était focalisée sur la mesure de la saturation du sang, toutes les deux ou trois heures et sur ma réaction à des doses impressionnantes d’antibiotiques classiques. Au bout de trois jours, on m’annonçait que j’étais sorti d’affaire et qu’on me gardait trois jours supplémentaires sous oxygène par mesure de précaution.
Les mots de remerciement et de gratitude paraissent ici dérisoires ; c’est toute une équipe (je pense aux deux femmes de ménage qui ont nettoyé ma chambre, sans cesser de bavarder et de plaisanter avec moi, avec pour seules protections le masque et la sur-blouse – ni charlotte, ni lunette- alors que depuis le premier jour je devais faire moi-même ma vaisselle pour diminuer leur temps de présence et leurs interventions) autour du docteur Mazet que j’aurais dû pouvoir étreindre. Les circonstances ne le permettaient pas.
Quand je vois le traitement dont j’ai bénéficié, à partir d’une radio des poumons puis d’un scanner dont on n’a pu m’empêcher de deviner l’état alarmant (« risque sérieux d’embolie » selon les urgentistes qui m’accueillent en salle collective après la radio, je perçois malgré leur discrétion la conversation chuchotée. Les brancardiers ont alors fait au pas de course le trajet qui me transportait en pleine nuit des urgences au scanner, en s’excusant de passer par les extérieurs pour raccourcir les distances malgré un froid glacial, je me dis que le docteur Mazet faisait sur la maladie le même diagnostic que ce médecin urgentiste de Brooklyn.
c’est pour nous tous une source d’espoir
Depuis j’ai entendu plusieurs autorités médicales françaises affirmer qu’on avait beaucoup appris en un mois sur la dangerosité d’intuber des malades trop affaiblis par la chute d’oxygénation du sang, ce qui est une façon pudique de reconnaître qu’en voulant trop bien faire, on a parfois aggravé les choses pendant les deux premières semaines. Sans doute place-t-on moins de patients en réanimation parce que le protocole de soins qui, visiblement, était déjà celui mis en oeuvre par le docteur Mazet au CHU d’Angers, prévaut.
Dans l’absence d’un véritable traitement et d’un vaccin, ces changements de stratégie face au virus me paraissent, en ces circonstances dramatiques et incertaines, le signe heureux d’une médecine qui cherche, expérimente et trouve. Et c’est pour nous tous une source d’espoir.
François-Marie (Angers)
Illustration-titre : ChW – « Chemin en tunnel, obscur, mais qui mène à la Lumière »
Si vous souhaitez réagir à cet article, n’hésitez pas à laisser un commentaire (tout en bas de cette page) après vous être enregistré (dans la barre de menu > onglet « je participe » > rubrique « s’inscrire pour intervenir« .
Si vous souhaitez débattre, vous pouvez lancer un débat sur un sujet de votre choix sur le FORUM de ce journal.
Si vous voulez être publié dans ce journal, adressez vos textes, images et vidéos à l’adresse mail : journal@adsv.fr
Si vous voulez être informé par mail de chaque nouvel article publié, laissez un commentaire et cliquez la case » Prévenez-moi de tous les nouveaux articles par e-mail » (tout en bas de cette page).
Si vous voulez soutenir ce Journal POUR et PAR les Sans-Voix, offrez l’équivalent du prix d’1 café chaque mois aux Sans-Voix. Pour en savoir plus, cliquez ICI.
A BIENTÔT …