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Lettre d’un vieil asthmatique au RSA à une jeune et brillante journaliste

Il y a quelques jours, vous m’avez encouragé à vous écrire. Alors aujourd’hui, je m’autorise juste quelques mots pour réagir à la litanie d’articles parus dans les colonnes de votre journal (Le Dauphiné libéré) depuis le début de l’épidémie en France en général et depuis le premier jour de confinement en particulier. Il me semblait “utile“ que je puisse partager mon sentiment avec vous.

 S’il ne m’appartient pas de juger le contenu social de certains articles, il est de ma responsabilité de faire savoir mon avis contraire, dans un souci de faire avancer la réflexion des uns et des autres. Alors que 7 milliardaires français possèdent davantage que les 30 % des plus pauvres, il me semble que la ligne éditorialiste de votre rédaction nous a un peu mis de côté, nous les Pauvres.

Le confinement fait parfois ressortir le pire. Nous sommes bien placés pour le savoir nous toutes et tous qui vivons sous le seuil de pauvreté constamment sans jamais faire réagir la classe politique.

Et pensez-vous que les colonnes de votre journal tiennent compte de la situation des iséroises et isérois qui vivent sous le seuil de pauvreté, sans parler des autres départements de notre Région ? Quelle peut être notre réaction quand jour après jour je dois subir les témoignages de ces gens qui ont une maison au bord de la mer, en montagne ou encore à la campagne et qui évoquent le confinement ?  Et je ne vous parle même pas de ces citadins qui se sont réfugiés dans leurs résidence secondaires pour fuir devant le risque sanitaire et qui envoient des photos de vacance. Et que dire de celles et ceux qui supportent le confinement à Bali ou de l’autre côté de la planète… Pour moi, pour nous cela devient insupportable car, généralement, nous, nous vivons dans de petits appartements souvent avec des enfants. Ça devient insupportable de voir des gens avec des masques quand on n’en a pas. C’est l’inverse des applaudissements de solidarité mais bien un mécanisme de ressentiment, de jalousie et même de plus en plus souvent de haine.

on a pu compter sur nous. L’inverse reste encore à prouver.

Aujourd’hui, l’opinion publique s’étonne de découvrir, entre autres, que les grandes chaines de distributions profitent de la crise pour recruter des auto-entrepreneurs plutôt que de proposer des CDD. Or c’est bien nous les sans grades, les queues de pelotons et les derniers de cordés, nous les travailleuses et travailleurs que jamais personne ne regarde, les travailleuses et travailleurs précaires, les caissiers(es), les éboueurs(euses), les balayeurs(euses) des rues, les aides-soignants(es), et toutes celles et ceux qui font de l’aide à domicile et donc à la personne, et j’en passe car je n’oublie personne ; et bien on a pu compter sur nous. L’inverse reste encore à prouver.

Mais ce n’est qu’un exemple car les filouteries viennent aussi d’ailleurs et souvent des classes dirigeantes qui ne cessent de communiquer à coup de grands atermoiements pour émouvoir à défaut de proposer des solutions. Mais quand on l’a dénoncé par le passé, on nous a traité de fainéants, de lèpre, de sans-dents, de salauds de pauvres.

Pourquoi n’évoquez-vous jamais la situation des laissés pour compte, de ces ménages les plus modeste, allocataires de minima sociaux qui ont été fixé à des montants trop faibles pour vivre ordinairement au prétexte de ne pas “désinciter“ au travail ?

Pourquoi les médias ne font pas attention à ces ménages qui, en temps normal, passent leurs temps à trouver des ressources supplémentaires sous forme de travail informel et qu’avec le confinement auquel nous sommes contraints ce n’est plus tenable ? Mais qui évoquent les familles qui du fait du confinement se trouvent dans des situations de profonde détresse et que s’accumulent les difficultés amplifiées. Les problèmes financiers se greffent sur le mal logement et une précarité existante jour après jour

Un peu moins de 2 millions de foyers au RSA voient leurs conditions de vie s’aggraver. Et nous les pauvres on s’aperçoit que la réalité sociale de nos dirigeants est tellement biaisée par leur ignorance qu’ils sont capables d’envisager des solutions dans le domaine économique mais qu’ils ne savent ni voir ni reconnaître l’exposition des ménages modestes face à la crise à laquelle nous faisons face nous aussi.

Je n’aime pas la comparaison avec le président qui parle de guerre. Il en fait un usage “ad nauseam“ et il se donne des airs qu’il n’a pas, à savoir ceux d’un Georges Clémenceau que même l’Histoire lui refuse dans la mesure où il se comporte comme un tout petit général Gamelin et qu’il ne répand qu’une mauvaise ambiance de ligne Maginot.

Vous connaissez la phrase de Jean Paul Delfino “Gouverner c’est prévoir, et prévoir c’est concevoir les choses avant les autres“. Alors, notre président qui se targue de bien connaître la littérature, devrait s’en inspirer car aujourd’hui sa seule réponse à l’impréparation totale de son gouvernement est le paradoxe. Paradoxe d’un gouvernement alarmiste qui n’a pas commandé de tests ou de masques entre autres ?

Ce n’est pas en noyant le lecteur dans la lessiveuses de bons sentiments, en ayant un vocabulaire dégoulinant de démagogie festoyante, de fausses certitudes et de véritable arrogance que nous le peuples des pauvres, “des petites gens “ nous serons bernés.

La précarité est un tatouage que l’on ne peut enlever.

Plus jamais ça, disait-on en 1918, puis en 2008 au lendemain de la crise économique. Maintenant on nous bassine avec “le jour après“. Sachez Mesdames et Messieurs les dirigeants de tous poils que c’est terminé que le petit nombre fasse travailler le grand nombre et, nourri par ces derniers, les premiers les gouverne. Voltaire appelait cela “l’ordre établi“. Nous voulons autre chose. La précarité est un tatouage que l’on ne peut enlever. Ça devient une aptitude au “ni au plaisir, ni au bonheur », mais bien au manque de liberté.

Pour conclure, Madame, en m’excusant d’avoir été un peu long et vous remerciant de m’avoir lu peut-être jusqu’au bout, je citerai Bernanos : »Je dis que le monde sera sauvé par les pauvres, ceux que la société́ moderne élimine, parce qu’ils ne sont plus capables de s’y adapter et parce qu’elle n’est pas en mesure de les assimiler, jusqu’à ce que leur ingénieuse patience ait, tôt ou tard, raison de sa férocité́. Je dis que les pauvres sauveront le monde : ils feront cette colossale affaire. »

 Merci

Alain Guézou – Président de RSA38 (Recherche pour des Solutions d‘Avenir) qui a 7 ans depuis le 10 avril dernier 

Alain (Grenoble)

Illustration-titre : ChW – « Chemin en tunnel, obscur, mais qui mène à la Lumière »

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