Aujourd’hui, nous allons évoquer un sujet vieux comme le Monde.

Je sais que nous vivons au XXI ème siècle, mais dans le Monde d’Après, il reste quelques traces du Monde d’Avant, et pas qu’un peu. Il faut comprendre, aussi : on ne raie pas d’un trait de plume trente siècles d’Histoire, et le passé ne se laisse pas faire table rase comme ça, quoi qu’en dise la chanson à succès du père Eugène Pottier, qui n’a pas fini de faire sa tournée d’adieux internationaaaale…

Donc, nous allons parler de cette poule fabuleuse qui a traversé les siècles et hanté les nuits de tous les Harpagons de la Planète avec sa propension à pondre des oeufs en or, là où ses congénères sont à peine fichues de fournir des oeufs destinés à passer à la casserole…

En fait, elle a toujours existé cette cocotte aurifère, et elle a toujours pondu ses pièces d’orfèvrerie avec une régularité de métronome…Mais alors, comment se fait-il que personne ne l’ait jamais rencontrée, et qu’elle ait pu si modestement passer inaperçue ?

Eh bien, c’est tout simple : la poule aux oeufs d’or, ne sait pas qu’elle pond des oeufs en or ! Comment est-ce possible me direz-vous, que cette gourde ne s’aperçoive pas qu’elle a une mine d’or sous le derrière ?

Pour une raison très simple : là où l’oeuf se fraie un chemin, la poule n’a pas d’yeux. Et là où ses yeux sont situés, la poule ne voit pas ce qui se passe dans son… dos.

Tout ce qu’elle sait, la poule, c’est que de temps en temps, elle ressent comme une grosseur qui embarrasse son croupion et qui lui distend les intérieurs. Et puis tout à coup, elle éprouve comme un grand soulagement et se sent à nouveau légère comme une plume d’oiseau de paradis…

Mais ce qu’elle ne sait pas, la poule, c’est que sur ses arrières, un petit bonhomme rondouillard à chapeau et cigare bondit prestement et subtilise le précieux objet qu’il fait aussitôt disparaître sous son huit-reflets. A la place, il exhibe un magnifique oeuf en plâtre qu’il présente sous le bec de la malheureuse avec un air déçu et mécontent : “Et voilà ! Encore un oeuf à repriser les chaussettes ! Ca ne me paie même pas les grains de maïs OGM dont je te régale et qui me ruinent le portefeuille ! Si au moins de temps en temps tu me pondais de quoi faire une omelette, on pourrait partager un moment de convivialité managériale ! Mais non, madame s’obstine à ch… du plâtre, alors que d’autres, peut-être, ont la chance de récolter chaque jour, un pur objet en métal précieux dont l’alignement fait si joli sur leur cheminée !”

La coupable, honteuse et confuse de fournir un travail d’aussi piètre qualité à son patron, est à cent lieues de se douter que c’est sur sa cheminée à lui, que s’alignent les jolis oeufs en or massif de 24 carats qui font la gloire de sa maison et la beauté de son salon…Regardez les photos d’intérieur de la Trump Tower, dans “Gala”, si vous voulez vous faire une idée…

Et ça fait au moins trente siècles que ça dure ! On a retrouvé sur les murs des temples égyptiens, un hiéroglyphe figurant une poule qui semble bien donner passage à un objet ovoïde brillant comme le soleil et pesant comme une plaisanterie sur les blondes, pardon les Belges, oups ! Sur les minorités de faible taille et en surcharge pondérale à mobilité réduite, malentendants et bigleux comme des taupes pour faire bon poids…

Les dernières recherches archéologiques sont formelles : cette Poule sacrée est bien la même que celle qui se fait escroquer chaque matin par son PDG-Premier-De-Cordée du XXI éme siècle : elle a sans doute suivi Cléopâtre sur sa galère jusqu’à Rome, puis après quelques siècles de bons et loyaux services dans les caves du Vatican, a été emportée comme butin de guerre pendant l’invasion napoléonnienne, et fait la fortune d’un ventru à favoris et pantalon à carreaux, ancêtre du capitaine d’industrie navigateur en eaux troubles contemporain, qui perpétue pieusement la tradition de la transmutation de l’Or en Plâtre et du Travail d’Orfèvre en Machin Pourri à Obsolescence Programmée. (MPOP)

Dernièrement, la Poule abusée depuis si longtemps, a eu quelques doutes sur la persistance de sa misère au regard de la succession de florissants éleveurs de poules qui pétent la forme et semblent ne pas beaucoup souffrir de la mauvaise qualité de sa production plâtrière…

Heureusement, le Dieu Marché, qui voit tout et entend tout,  a envoyé un songe prémonitoire à l’heureux propriétaire du croupion aurifère : devant l’air suspicieux et vaguement menaçant du volatile, qui semblait songer sérieusement à prendre sa carte syndicale, se dressa soudain, tel un prédicateur en sa chaire, un Economiste de Grand Renom qui connaît l’art et la manière de rendre obscur ce qui est clair, désignant le haut pour parler du bas et tournant la tête à droite pour indiquer la direction de la gauche, le tout enveloppé de formules cabalistiques que seuls les initiés aux subtilités de l’”En-Même’Temps”, comprennent…Il finit sa péroraison par l’évocation du Grand Ruissellement à venir, mais il faut être patient…Dans un ou deux millénaires peut-être…

Vaincue par tant de connaissances ésotériques rassemblées dans une seule tête, la pauvre poule trimillénaire baissa les yeux, ferma le bec et poussa consciencieusement pour accoucher de son 3000×365 = 1,095,000 ème oeuf d’or massif 24 carats depuis sa venue au monde…Sans compter les années bissextiles…

Une fois l’obstacle franchi et l’orifice refermé, la poule ressentit une grande fatigue et une grande douleur, comme un déchirement à son croupion. Elle se dit qu’elle se faisait vieille, et qu’à défaut de la laisser partir à la retraite, il faudrait peut-être qu’on lui répare son outil de travail, quoiqu’il fournisse des objets de si piètre qualité…Mais il lui semblait que plus le temps passait, plus le diamètre de l’oeuf grossissait…

On lui mettait peut-être des hormones de croissance dans le maïs pour augmenter sa productivité et sa compétitivité, ce qui est normal après tout, si on veut que l’entre-preneur de risques ait un bon retour sur investissement malgré la piètre qualité…etc……

Et puis, elle songea fièrement que finalement, elle comprenait quelque chose à cette économie qu’on lui présentait comme si mystérieuse, et elle en fut toute ravigotée. Alors, elle se souvint qu’elle vivait déjà au-dessus de ses moyens, qu’elle était endettée jusqu’aux cent mille prochaines années, et que faire réparer son croupion creuserait encore le trou de la sécu …!

Et elle serra les fesses, et repartit pour un quatrième millénaire …

André BARNOIN dit « Dédé » (68 – Mulhouse)

Si vous souhaitez réagir à cet article, n’hésitez pas à laisser un commentaire (tout en bas de cette page). Vous pouvez aussi lancer un débat sur un sujet de votre choix sur le Forum de ce journal.

 

Et puisque vous êtes ici…
… nous avons une faveur à vous demander.
Ce journal en ligne, gratuit et accessible à tous,
dans lequel chacun peut s’exprimer librement,
dépend quasi exclusivement des adhésions à l’association
et des dons de ses lecteurs et sympathisants.
Il est réalisé par des bénévoles et est à but non lucratif,
Si toutes les personnes qui lisent et apprécient nos publications contribuent financièrement,
l’existence du journal sera pérennisée.
Même pour 1 € par mois, vous pouvez soutenir www.adsv.fr
et cela ne prend qu’une minute.
Merci.
Soutenir ICI le Journal POUR et PAR les Sans-Voix