7/08/2017

Quel que soit ton âge, le chômage a la fâcheuse tendance à t’infantiliser.

Car du moment où tu pointes chez Pôlo, tu te retrouves téléportée le jour de ta rentrée scolaire en sixième quand tu apprenais que ta prof principale était une vieille peau et que le seul élève que tu connais dans ta classe était celui qui balançait ton goûter dans les chiottes pendant tes années de primaire.
Bref, tu flippes. Mais tu veux faire bonne figure.

Il y a un an, juste après mon licenciement économique, j’avais donc d’abord bien rangé mon bureau qui est habituellement un bordel sans nom. Puis après j’avais fait tout bien mes devoirs, pour que Pôlo me mette dans les bons élèves et ne me colle pas au coin à la première occasion.

A l’époque je m’étais dit que je serais débarrassée de cette régression acnéique au moment de trouver un boulot.

Et bien pas du tout.

Car à la veille de commencer mon CDD, je suis toujours dans mes petits souliers. D’abord parce que je me retrouve dans le grand bain après 13 mois sans avoir vraiment bossé. Et même si je me dis que comme le vélo, le rythme revient vite, j’appréhende le jugement de mon patron.

Car la clé est là : le jugement.

Ce qui fait que tu te sens comme un môme alors que tu approches pourtant le demi-siècle. Tu as d’abord attendu le jugement de ton employeur après l’entretien d’embauche. Même chose après un déjeuner pour préparer ce remplacement de cinq mois. Et encore idem après les échanges avec la salariée dont tu vas prendre le relais. Mais cette attente de jugement ne s’arrête jamais. Car va venir la période de deux semaines d’essai où ton contrat (déjà pas si long) peut prendre fin… Et même arrivé au bout de ce délai, tu appréhenderas encore et encore ce jugement. Un avis qui peut, à la fin de ton CDD, t’enfoncer encore plus ou t’ouvrir d’autres portes.

Alors, en bonne gamine de 48 ans, je me suis rendue chez le coiffeur pour avoir l’air sérieux et déterminé. Puis j’ai acheté un joli bloc-notes (celui avec des spirales, mon préféré) pour les interviews à venir. Vérifié que mes stylos fonctionnent bien et bachoté la thématique de l’hebdo dans lequel je vais œuvrer. Histoire de me rassurer comme je l’avais fait, il y a trente-cinq ans, au moment de franchir les portes du collège.

Y’a pas à dire, le chômage, on n’en sort pas grandi.

(dessin du chatoyant Philippe Geluck)