Chaque jour, Alain adresse à l’Archipel des Sans-Voix un « billet » et parfois des images pour que nous puissions les publier ici en son nom.

Billet 16 –  Mardi 07 Août : Oulx > Exilles
(12 Km – Cumul 323 Km)

Salut et Fraternité,
Dieu que cette journée fut légère. Malgré une très mauvaise nuit due principalement à des rêves sans queue ni tête. Le départ s’est fait de bonne heure et ce dans des conditions les plus heureuses qui soient. Aucune confrontation avec moi-même, juste l’évidence d’être à ma place, que tout était à sa place et surtout je sentais la vie circuler en moi. Et alors c’est un pied, même pas léger mais aérien que j’ai parcouru les premiers kilomètres, l’oreille droite tournée vers le bruit des hommes et la gauche analysant les silences de la nature.

De même qu’on ne sait pas toujours ce que l’on cherche ou que l’on ne sait pas toujours ce qui nous manque, ce matin je l’ai compris car j’ai osé me mettre debout, j’ai osé le premier pas.

Je ne suis pas fier d’être Pauvre, comment peut-on l’être ? Mais je n’en ai pas honte et même je vais vous dire ce statut me permet de continuer à vivre sans me scléroser. Je suis certain que je dois continuer à le dire car le dire c’est m’engager face aux autres, face à moi-même. Cette marche aux confins de la forêt me permet de m’accomplir, même à mon insu et surtout de comprendre qu’il faut se lever et faire un pas en avant pour aller rencontrer celles et ceux qu’un discours bien formaté inquiètent de perdre le moins que rien qu’ils pensent posséder.

L’histoire nous dit que l’on a chassé le pèlerin, et les chemineaux, indésirable, fainéant et donc dangereux comme d’autres aujourd’hui chassent le « faciès « sous des prétextes fort ressemblants. Le silence induit la suspicion, alors il m’appartient de crier non ma colère mais mon plaisir de vivre à côté des autres avec les mêmes devoirs bien sur mais aussi les mêmes droits ce qui est moins évidents….
Je vous embrasse.
Alain

Billet 17 –  Mercredi 08 Août : Exilles > Susa
(12 Km – Cumul 335 Km)

Salut et Fraternité,
Après cette journée d’hier, belle sur tous les plans, il me semblait difficile qu’aujourd’hui puisse rivaliser … Et ben, ne me demandez pas de choisir. Petite étape vite avalée ce qui m’a laissé du temps d’aller visiter l’Abbaye bénédictine de Novalesa, haut lieu de la culture carolingienne et dont le silence des lieux et la beauté du site m’ont contraint à m’asseoir et à poser mon sac.
Depuis Charlemagne, ça commence à dater, des hommes se relaient ici pour chercher du sens à la vie et pas que, aux étoiles aussi et à Dieu cela va de soi. Pour trouver une part de vérité, ils ont pris le risque de venir là, aux pieds des montagnes pour mener une démarche absolue, à contre sens déjà pour l’époque.

N’est ce pas encourageant pour nous qui sommes des militants de prendre quelque part la suite de ces hommes. Cela m’encourage, dans une société qui laisse tant de gens démunis d’être, à mon petit niveau, un homme debout. Le fait que j’ai été capable de repartir chaque matin, quel que soit le temps, sac au dos, pour faire mes vingts ou trente kilomètres sans savoir ce qui m’attendait plus loin prouve que je suis un Homme comme vous toutes et tous et que les uns et les autres nous faisons notre chemin tous les jours. Nous prenons nous aussi des risques dans une époque où tout est fait pour nous surprotéger, nous garantir jusqu’à l’asphyxie. Et tant pis si ce n’est pas toujours bien compris, ce n’est pas grave.

Vous savez entre ces vieux murs je n’ai jamais autant mieux respirer.
Je vous embrasse
Alain

Billet 18 –  Jeudi 09 Août : Susa > Avigliana
(30 Km – Cumul 365 Km)

Salut et Fraternité,
Fin de la dernière-avant journée et si’l est encore trop tôt pour dresser le bilan de ces trois semaines de marche, il est une certitude :« c’est sûr, je reviendrai ». Non pas parce que je n’ai pas en poche le fameux diplôme de fin de pérégrinations jusqu’à Rome, mais bien parce que je ne suis pas encore arrivée à Rome.

Je ne suis riche de rien, même pas de souvenirs qui sont ailleurs, sur le chemin, dans les rencontres, mais par contre je sais que je suis apte à recommencer l’aventure du chemin. À rentrer de nouveau dans le dédale du temps que représente le simple fait mécanique de mettre un pied devant l’autre et ce sans se poser de question.

Pavie m’attend pour repartir.
Rome m’attend pour me délier du chemin comme d’un serment. Et si je pense qu’il y a toujours un peu de capitulation dans un retour, même programmé car contraint, en ce qui me concerne je ne considère pas, honnêtement, que c’est une défaite, même acceptée.
Je vous embrasse
Alain
PS – quelques photos de mon logis ce soir, un ancien monastère qui date de 1515 !!!!!!!

*** Chronique à suivre … pas à pas ***

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