Après un premier séjour de plusieurs semaines dans les camps de réfugiés en Pologne en avril-mai dernier, Christophe CYWINSKI (humain « couteau suisse ») et Médi DONK (photographe) sont repartis le 18 juillet pour rejoindre Ania TATOU (la 3e de l’équipée) à Lviv et partir ensuite donner un petit coup de pouce à la population dans les zones bombardées en Ukraine. Sont prévus la participation à de nombreux projets : livraison, distribution, extractions, orphelinats, réfuges animaliers, logistique et reconstruction de maisons, et quelques emmerdes (ça c’est pour Christophe !). Ils tous les 3 impliqués, chacun dans son pays et sa région, dans le sans-abrisme, la précarité, les catastrophes naturelles, etc … et oui, « pour les quelques mois qui viennent, on a choisi notre combat ».

Ils n’ont aucun moyens institutionnels ni personnels. Une cagnotte en ligne leur permet de payer quelques frais et surtout l’essence indispensable à leurs déplacements.

Cette chronique hebdomadaire relaie leurs témoignages publiés au jour le jour sur leurs comptes FB (textes et photos Christophe Cywinski)


13 août 2022 – départ pour le Dombass

Salut. Je parts demain dans le Dombass avec des mecs géorgiens de la légion internationale. Comme d’hab, un petit voyage tranquille. Je vais essayer de faire le maximum d’interviews et vidéos sous contrôle …. que je publierai sur ce journal. P

15 août – Kkarkiv

Tout ce qui suit est relayé avec l’autorisation du commandant de Kharkiv (c’est lui en photo … avec moi).

Aujourd’hui 15 août 2022, nous nous rendons sur une des places principales de Kharkiv dont un des bâtiments a été bombardé il y a peu. Devant le bâtiment, des bénévoles travaillent. Que font-il ? Ils nous expliquent fabriquer des filets de camouflages militaires avec du matériel de récupération pour aider comme ils peuvent les soldats ukrainiens. Ils sont fiers de ce qu’ils font et souhaitent que l’on montre la solidarité du peuple Ukrainien avec son armée.

Il faut garder en tête que la ville est dangereuse. Cette nuit, il y eu 11 bombardements sur la ville. C’est comme cela tous les jours. On m’interpelle sur la centrale nucléaire de Zaporidja. On est tous du même avis, on court à la catastrophe nucléaire, on est situé à 300 km de la plus grosse centrale nucléaire d’Europe. Elle reçoit régulièrement des tirs de roquettes. Seule une pression énorme de tous les pays du monde sur la Russie pourra éviter le pire.

Nous étions au courant des tirs sur Kharkiv et une personne âgée nous explique qu’elle habite un village qui a reçu une roquette. Nous nous rendons sur place car nous sommes proches. Une véritable tragédie. Une maison et un immeuble sont détruits. On nous accueille avec beaucoup de méfiance. La présence de russophone est importante. Et là, on découvre le pire : un centre d’accueil de SDF et de personnes handicapées. Ils ont reçu 2 roquettes cette nuit à 3h du matin, 5 personnes sont gravement blessées. Ce centre a été mis en place depuis plusieurs années par l’église du coin, non orthodoxe. Des personnes dans la précarité absolue. Tout de suite je remarque une des personnes handicapées, 2 jambes amputées. Elle est par terre avec des genouillères et aide à déblayer les gravats. Un bénévole cuisine en extérieur car leur cuisine a été détruite. J’essaye toutes les langues mais suis obligé de passer par une application internet. Ils ne parlent que le russe. A côté de nous un cratère énorme. C’est chargé d’émotions pour moi car je suis très sensibilisé à l’aide aux SDF. On nous montre le reste d’un dortoir où essayent de se reposer des personnes âgées. Les regards sont livides. L’atmosphère est très lourde et malsaine dans ce village. Tout le monde est suspicieux, il faut faire attention à chaque comportement ou propos. Les mots me manquent pour vous d’écrire la situation. Ils n’ont nulle part où aller, aucune aide hormis quelques bénévoles de cette église. Ils appellent à l’aide. N’importe quoi car ils n’ont plus rien. Les hôpitaux ont été bombardés, ils ne peuvent plus se soigner ou même se déplacer.

Après avoir vécu beaucoup de temps (en avril et mai de cette année) dans les camps de réfugiés à la frontière polonaise et maintenant en Ukraine, c’est difficile à digérer. On a vu des destructions, des horreurs, et avons recueillies des témoignages directement sur le terrain. Je ne lâche pas les « potos », même à l’autre bout du monde. On DOIT aider. Pendant que j’écris, on a été bombardé 6 fois sur Kharkiv. Les alertes sont permanentes. De mes propres yeux, j’ai vu passé un missile près de là où je loge, c’est chaud. On n’a plus les moyens financiers d’aider sur place et on risque d’être coincé. Qu’importe, on aidera !

Rencontre avec 2 street-medics français, on organise les contacts demain et on fera au mieux. Peut-être un entrepôt de matériels médicaux à convoyer. ADSV est présent. Juste une demande pour les potos, on est sur place, on peut faire, aidez-nous.

16 août – Kkarkiv

On rencontre par hasard 2 street-médics français qui sont dans le même hôtel que nous. Hallucinant, ce sont 2 de mes contacts FB ! On aide une organisation locale à préparer des repas. C’est la dernière fois que je me tape 200 oignons à découper !!! Et … je me dis, pourquoi pas appeler le responsable pour récupérer un peu de nourriture pour le camp de SDF ? Top chrono : 2 heures plus tard ils nous fournissent 15 repas complets qu’on passe déposer là-bas. Et boum d’autres contacts de nos 2 street-médics ont aidés à faire des kits médicaux dans un entrepôt pour des militaires. Boum, 4 heures après on charge la voiture de tous les médicaments, bandages, compresses, etc… ainsi que des produits d’hygiène que l’on estime nécessaire, et hop c’est reparti pour les livrer. C’est pas grand chose au regard de ce qu’ils vivent mais on a fait au max de nos possibilités.

Malheureusement, au passage, on constate que l’école du village à été bombardée.

17 août – Kkarkiv

Grâce à des soldats géorgiens engagés dans la légion internationale (des mecs en or), nous obtenons un contact direct à Kharkiv de quelqu’un impliqué dans l’humanitaire. RDV est pris et on se rencontre sur un parking. Toujours aussi facile, personnes ne parle anglais ! Par la suite on va revoir plusieurs fois cette personne qui fait beaucoup sur place pour les civils comme pour les militaires. Kiril est boxeur et entraîneur, il nous emmène dans son club. Tout a été détruit, des impacts de balles partout. Au vu du déclenchement de la guerre, il décide rapidement avec ses potes boxeurs de monter en zone critique (on est à 15 km de la ligne de front). Dès le début, ces sportifs se sont engagés à aider les personnes sous le feu des bombes et des tirs des russes. Sans aucune hésitation, ils organisent des collectes de nourriture, de médicaments et vont les distribuer directement aux habitants. Avec quelques voitures et camionnettes prêtées, ils évacuent tous ceux qu’ils peuvent. Il nous montre une vidéo de leurs dernières extractions. Les Russes sont à moins de 2 km et massacrent tout sur leur passage. Ça tire dans tous les sens et pourtant, avec un courage énorme, ils embarquent le maximum de personnes pour les évacuer, slaloment entre les voitures calcinées et les tirs de roquettes pour sortir de la ville.

Kiril a 24 ans, un sportif qui avec ses potes du club a pris tous les risques. Beaucoup de personnes leurs doivent la vie. C’est pas des rigolos comme certains journalistes d’une grande chaine française que nous avons rencontré à côté de notre hôtel et qui tout le quartier qui a été détruit pendant la nuit, avec de nombreux morts et blessés. Eux, ils faisaient un live, avec gilets pare-balles pour montrer qu’ils étaient sous le feu ennemis. Moi, j’étais à 2 mètres en t-shirt, café et clope à la main en train de papoter avec des habitants .

Kiril nous explique son organisation et nous montre son ancien entrepôt pour stocker (une série de garages). Il a tout fermé pour se baser à Lviv. Mais pourquoi donc ??? Beaucoup de marchandises arrivent à la frontière polo-ukrainienne et … s’évapore ensuite dans la nature. Un convoi humanitaire de 60 véhicules est parti pour approvisionner Kharkiv. Seuls 3 véhicules sont arrivés à destination ! Voilà pourquoi il veut coopérer en direct avec les interlocuteurs et pas des ONG ou associations qui collectent des centaines de milliers d’euros et …. ça disparaît ! Il a été très touché par nos modestes actions, même si la ville est grande, tout le monde connaît tout le monde et toutes nos activités sont vérifiables. On se revoit pour un café le soir, on ne peut pas trop trainer, le couvre feu est à 22h00. On se fait pilonner depuis des jours, des combats de rue et tirs réguliers de kalachnikov.

Avec ses amis sportifs ils ont décidé de s’occuper des enfants en donnant des cours de boxe gratuitement comme thérapie, c’est génial mais tout son matos à été détruit, il improvise. Son petit club s’est transformé en organisation caritative. Il a intégré un groupe de 70 fondations ukrainiennes qui aident la population. Il rêve, une fois la guerre finie, de pouvoir ouvrir un club de boxe en France. Dès mon retour en France, je vais lancer un appel à toutes les fédérations sportives et clubs pour les aider. J’espère que la chaîne de la solidarité ne s’arrêtera pas à commenter les vacances du président français sur un jet-ski …. ! Bises de Kharkiv.

Interview du commandant du régiment Kraken, basé à Kharkiv

Après avoir discuté longuement avec des soldats géorgiens de la légion internationale (très méfiants au début, nous également), on se rend compte que l’on a en face de nous des hommes en or, tous âgés. Ils sont en permission quelques temps pour se reposer. Grâce à eux, nous obtenons la possibilité de rencontrer directement le commandant du régiment Kraken, basé à Kharkiv. Après un voyage très long, on arrive sur place. La ville est fantomatique. Nous le rencontrons rapidement une première fois et on se donne RDV le lendemain pour une interview sur le terrain. Pour rappel, Kharkiv est sous le feu des bombes tous les jours, à quelques dizaines de km de la frontière russe. Une ville de 3 millions d’habitants, il n’en reste plus que 700 000. Elle est riche en industrie, universités, culture. C’est un contraste saisissant par rapport à Kiev. L’atmosphère est complètement différente. Pourtant, la vie continue, les enfants jouent dans les parcs, des commerces sont ouverts. L’interview se fait à côté d’un immeuble détruit.

CC – Quelle est votre statut dans l’armée actuellement et quel sont vos responsabilités ?

Cdt – « Je suis un des commandants du régiment Kraken qui a été fondé au démarrage de la guerre afin de combattre les envahisseurs et protéger la population. Au jour d’aujourd’hui, la plupart de mes équipes sont sur la ligne de front dans le Dombass. Je coordonne à partir de Kiev les opérations. Nous n’avons gardé sur place que les fonctions support, type logistique et les soldats blessés au front pour les soigner. »

CC – Notre organisation donne la parole aux sans voix. Surtout dans un objectif de solidarité et humanitaire mais toutes les personnes, y compris les militaires ont la possibilité de s’exprimer sur notre media français indépendant. Quel message voulez-vous faire parvenir aux français ?

Cdt – Avec beaucoup d’humilité et d’humanité, il nous remercie personnellement d’être venu directement sur le terrain pour donner la voix aux sans-voix, montrer la réalité du terrain. Il remercie les quelques bénévoles français qui sont venus aider et remercie la France de participer d’une façon ou d’une autre à leurs combats. Pour rappel, nous sommes au pied d’un immeuble récemment détruit, au centre-ville de Kiev ou de nombreux civils sont décédés. Je vous laisse juge des photos et vidéos jointes à cette publication. C’est pas du montage, juste ce que vit la population et les militaires tous les jours.

CC – Le pays a été durement touché par l’invasion russe, comment réagi la population a Kharkiv ? Est ce qu’elle soutien les militaires ukrainiens, sachant que 50% parlent russe ?

Cdt – La moitié de la ville ne parle que russe. Beaucoup de suspicions, c’est difficile. La population essaye de continuer de vivre normalement malgré les alertes et bombardements.

CC – Avec votre aide et un accompagnement, pouvons-nous faire des interviews de personnes qui vivent toujours dans le métro et leurs donner la possibilité de parler ?

On a zappé cette question car un imbécile faisait le malin dans l’immeuble en face détruit, je ne sais pas ce que le commandant lui a dit, mais il l’a calmer rapidement.

CC – Est-ce que l’aide internationale arrive concrètement à Kharkiv pour aider les habitants et les militaires que vous dirigez ?

Cdt – Une grande partie de l’aide s’évapore…. normal que les personnes en ont marre de voir des images de guerre.

CC – D’après vous, quel est le meilleur moyen de montrer aux Français les atrocités effectués par les soldats russes à Kharkiv ?

Cdt – Vous pouvez prendre les photos et vidéos que vous voulez. Je pense que nous avons suffisamment documenté sur le terrain les atrocités de l’armée russe. On montre la réalité sans censure.

CC – De nombreux soldats que vous dirigez sont actuellement au front, comment réagissent leurs familles, enfants ? Peuvent-ils communiquer, par quels moyens ?

Cdt – Comme partout, nos soldats communiquent avec leurs familles via le web. Zoom, télégramm, Messenger, etc… Merci à Léon Musk pour son aide. Toutes les zones sur le front ont été équipées du système Starlink qui permet via satellite aux soldats et civiles d’avoir internet.

CC – Nous pourrions, si vous donnez votre autorisation, ouvrir dans notre media français, une chronique qui permettra, sans censure, à une personne de votre équipe, de publier en France, les témoignages de soldats. Nous ne faisons pas de politique, pas de religion, etc… Nous sommes juste un moyen de vous exprimer. C’est vous qui décidez.

J’aimerai bien mais….

Je lui réexplique notre démarche de l’association Archipel des sans voix, donner la voix, des artistes, peintres, Sans abris, personnes handicapées, des sportifs. Il n’est pas obligé de communiquer sur le côté militaire. La France est une nation de culture comme l’Ukraine, on peut aussi parler gastronomie mon cher commandant


Retrouvez ci-dessous les chroniques précédentes :

#1 : 21 au 31 juillet

#2 : 1 au 7 août

#3 : 8 au 14 août

Information au lecteur : suite à la survenue d’évènements non conformes à notre éthique, l’auteur de cet article a été exclu de l’Archipel des Sans-Voix. en date du 1/06/2023.

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