Le blog d’isabelle Vilela le 22/03/2017, sur huffingtonpost.fr
Je vais bientôt être au chômage comme 800 de mes collègues et les candidats à la présidentielle s’en fichent. A moins d’un mois du premier tour de l’élection présidentielle, la petite bonne femme énergique comme me décrivent mes collègues a pris un gros coup sur la tête.
« Un chômeur n’a pas choisi d’être au chômage, il faut donc d’abord se mettre en situation de recréer le maximum d’emplois dans notre économie », ces mots d’Emmanuel Macron résonnent comme des coups de massue dans ma tête.
Et les mails de l’assistant parlementaire de Benoit Hamon ne nous rassurent plus.
Mim emploie à ce jour 1078 salariés CDI (+ 400 CDD/mois en moyenne) et exploite 233 magasins en propre + 90 magasins affiliés implantés sur toute la France.
Depuis le 23 novembre dernier, j’ai du mal à trouver le sommeil. Je suis comme le temps de mars. Une femme giboulée. Un coup je souris et je crois que nous allons sauver notre marque et nos emplois. Un coup je pleure avec mes collègues quand un administrateur judiciaire ou pire un tribunal nous condamne à mort.
A Bobigny, ce mardi 21 mars, devant le tribunal de commerce j’ai cru que le supplice ne s’arrêterait jamais. Nous les Mim et Mimettes comme on aime s’appeler (Les femmes sont très majoritaires 98% chez nous et nous sommes restées très jeunes d’esprit), nous étions certaines qu’après 4 mois de redressement judiciaire nous allions limiter la casse. Nous serions en quelque sorte une belle première réussite pour les programmes des candidats à l’élection présidentielle qui veulent TOUS sauver l’emploi.
Notre comité d’entreprise avait voté à l’unanimité pour un plan de reprise, celui de la Compagnie du Clémenty. Ce plan prévoit de sauver 92 % de nos emplois permanents. Il relance notre marque après les erreurs des anciens propriétaires qui ont planté notre boîte en baissant la qualité, en augmentant les prix pour mieux se servir et en profiter comme nos fournisseurs.
Les administrateurs judiciaires comme nous, avaient fini par être convaincus par cette offre. Ils nous l’avaient dit.
Et patatras, un procureur de la République détruit ce plan d’un trait de manche, requiert la liquidation partielle avec une conséquence immédiate de 800 emplois perdus.
Et là je ne comprends plus rien. Je ne sais plus dans quel pays je vis. Je prends en plein visage tout ce qui fait que nous n’avons plus vraiment confiance dans nos hommes politiques. Ils parlent et au moment des faits il n’y a plus personne. Nous avons écrit à tous les candidats, un seul nous a répondu Benoit Hamon.
Alors je vais vous raconter ce qu’un petit bout de bonne femme énergique pense de tout ça. J’aime mon job et ma boite. J’aime bien ces rapports chaleureux que nous avons entre collègues au siège à Thiais à deux pas de Rungis comme celles des 330 magasins répartis dans toute la France. Certes Mim ce n’est pas du Chanel, on n’appartient pas non plus à LVMH, aucun Karl ne crée pour nous. Mais, on aime bien nos petites collections (pour peu que nos patrons ne les tirent pas vers le bas). Depuis 10 ans, on essaye de rendre jolies, les femmes les plus modestes. Et moi j’aime ça.
J’ai deux garçons. L’un a 17 ans et l’autre 6 ans. Le grand est passionné de voitures thermiques radio-commandées. Le plus petit de jeux vidéo. Et je tourne dans ma tête comment leur annoncer que ce sera plus dur demain à les aider à vivre leur passion. Je ne suis pas la seule dans ce cas. Beaucoup d’entre nous sont mères de famille. Dans moins d’une semaine, le 28 mars le tribunal de commerce de Bobigny va nous condamner pour des raisons que lui seul comprend. Et nous devrons serrer plus que de raison notre ceinture.
Hier soir, Emilio (le grand) m’a vu arriver à la maison défaite. « Alors tu as perdu ton emploi », m’a-t-il interrogé. J’ai filé dans la chambre pour éviter une réponse que je refuse encore aujourd’hui.
Les 9 millions d’euros de marchandise que le repreneur s’était engagé à apporter dès la première semaine seront pour d’autres. Eh oui Mim vend des vêtements et pas des euros en cash. Son plan de reprise certifié par les grands noms de la finance retournera dans les cerveaux de ceux qui l’ont conçu. Le coût social ne sera pas de 70 emplois. Mais Madame le Procureur aura préféré ne pas donner une chance à un financement par la marchandise et une rentabilité retrouvée dès le premier mois.
Et moi, j’irai à Pôle Emploi. Nous serons 800 à prendre ce chemin. 276 travailleront dans les seuls 71 malheureux magasins restants et notre marque disparaîtra. Je ne sais pas bien comment je vivrai étant donné que le secteur du textile en France traverse une période difficile (Vivarte, Tati, Mark and Spencer).
Nos candidats à l’élection présidentielle continueront à parler du chômage, de sauver des emplois et ils n’auront rien fait pour dire au tribunal de commerce de Bobigny : « Laissez les Mim et les Mimettes vivre. Donnez-nous le repreneur que nous avons choisi ».