Ce poème adressé à l’Archipel des Sans-Voix par René Leroy de Toulouse a déjà été publié le 11 janvier dernier. Il a touché « en plein coeur » un engagé de l’association, qui l’a mis en musique et en images. Avec l’accord enthousiaste de l’auteur, nous le partageons à nouveau ici avec vous.

Une angoisse profonde absente son avenir
Une immense détresse qui lasse ses désirs
Il regarde le ciel et pense en un instant
A ceux qu’il a connu, il est seul maintenant.

Et son doute s’installe en ce moment ultime
Il redresse la tête pour rechercher des cimes
Il se sent si petit et tant de différences
Le sépare aujourd’hui de sa lointaine enfance.

Il demande aux nuages qui défilent sur lui
Qu’aurais-je bien pu faire pour ne pas être vieux
Il se met à genoux et il s’adresse à Dieu
La réponse est austère et le mouille de pluie.

Les larmes des nuages sont rarement salées
Tout au fond de son être il se sent humilié
C’est une fin de vie qu’il ne peut partager
Il ne peut plus se battre mais il doit assumer.

Cet être solitaire sent couler les torrents
Qui surfent sur la vague du plaisir indolent
Il sent cette menace son souffle haletant
Qui conduit à l’enfer inéluctablement.

L’enfer n’est pas les autres, c’est même le contraire
Étayant son discours cherchant les souvenirs
Il se parle en lui-même et ce dernier soupir
En plainte silencieuse se dilue dans l’éther.

En perdant son emploi à plus de cinquante ans
Au début prêt à tout il a perdu la foi
Le vide s’est refermé autour de son néant
Il ne peut assumer : Il est en fin de droit.

Sa lutte sans espoir se terminera là
Ces CV insipides quitteront pole emploi
Car après le pouvoir il est dur d’accepter
D’être devenu : rien, dans cette société

Debout sur la margelle sur le pont des minimes
De Garonne qui coule, il ne voit que purin
Recherchant une excuse à sa pensée ultime
Il sait lui que ce jour sera sans lendemain.

Dans son dernier trajet, il retrace un instant
Tout ce que fut sa vie, ses passions, ses amours
Enfonce dans la rivière ce que furent ses jours
Terminant son histoire sur un rocher sanglant.

René LENOIR (Toulouse)