J. est travailleuse sociale depuis une dizaine d’années. Elle a choisi ce métier par passion, poussée par une envie, une volonté d’aider autrui et d’accompagner pour donner une chance. Voici son regard sur son quotidien et ses jeunes qu’elle accompagne : un véritable plaidoyer pour la jeunesse.
Je suis une travailleuse sociale depuis plus de dix ans auprès de jeunes adolescents et jeunes adultes. Je vais à la rencontre des jeunes dans la rue, via un dispositif appelé « la prévention spécialisée* », pour aider ceux qui ne vont plus vers les dispositifs de droit commun.
Tous les jours, je les reçois, les écoutes, les soutiens, les aide du mieux que je peux avec les moyens que j’ai. Car les dispositifs existant pour accompagner ces personnes sont de plus en plus rares.
La précarité, je la côtoie en permanence. Les jeunes passent par des états d’abattement et de désespoir. Et je peux vous le dire : ils sont courageux, ils se battent pour éviter de dormir dehors et pour trouver du travail. Mais ce sont surtout des missions d’intérim auxquelles ils peuvent prétendre, car les CDD et les CDI sont rares. L’intérim, ce sont des missions à la semaine, qui se répètent jusqu’à durer un an ! Un procédé qui ne leur permet pas de trouver un logement.
Alors où dormir ?
Faire le 115 ? Le service est saturé et il n’y a souvent aucune possibilité. Ce qui les conduit à ne jamais savoir où dormir le soir. Des hôtels sont parfois proposés mais ils sont souvent situés à l’autre bout du département. Reste alors à dormir dans les gares ou dans la rue. Le dilemme de ces jeunes se résume alors à choisir (si on peut parler de choix) entre arriver à l’heure au travail ou dormir au chaud et arriver en retard, au risque de perdre la mission. Des cas comme celui-ci ne sont pas anecdotiques.
Je me sens si souvent démunie face à ces situations . Quoi dire ? Quoi faire ? Comment ces jeunes peuvent-ils croire en l’avenir et en notre société ?! Pourtant ces jeunes SONT l’avenir.
Malheureusement, les départements ont décidé de revoir et réorganiser cette « prévention ». En d’autres termes, ils réduisent les financements et mettent en concurrence les structures associatives à la recherche du moins cher.
Vous aurez compris ce que cela veut dire : moins de travailleurs sociaux.
Les conditions de travail et la qualité des services se dégradent. De nombreux jeunes et moins jeunes ne peuvent plus être accompagnés ni protégés, alors même que les équipes sur le terrain sont à bout.
Alors les jeunes n’intéressent-ils plus personnes ? Pourtant il me semble que c’est avec eux que nous devrions construire la société de demain.
Joelle B.
(*)La prévention spécialisée est une action d’éducation visant à permettre à des jeunes en voie de marginalisation de rompre avec l’isolement et de restaurer le lien social. Cette démarche concerne aussi bien la prévention des inadaptations sociales que la prévention de la maltraitance, de la délinquance ou des conduites à risques. La prévention spécialisée relève des missions de l’aide sociale à l’enfance placée sous la responsabilité des départements. […] Concrètement, les éducateurs de prévention, généralement des éducateurs spécialisés, vont au devant des jeunes dans leurs lieux de rencontre, principalement dans la rue. Ils sont, de ce fait, régulièrement appelés « Éducateurs de Rue ». (Source : Ministère de l’intérieur).