Salut à toutes et tous. Mon ressenti à la sortie de la rencontre avec les services sociaux de la Mairie de Mulhouse est un déni total de la gravité de la situation de leur part.

Alain COUCHOT (adjoint chargé du Logement) et Françoise COULOT (chef du service social), tiennent le même langage que d’habitude, c’est à dire une individualisation extrême des cas de personnes sans abri ou en situation de mal-logement. Quelqu’un qui dort dans un squat insalubre n’est pas un sans-abri, ou qui est hébergé(e) plus ou moins volontiers par la famille ou un tiers, ou qui ne sait où aller pendant la journée, ou qui dort dans sa voiture ? … n’en est pas un non plus. Apparemment, pour madame COULOT, il y a trois (!) véritables sans-abris à Mulhouse, un déséquilibré et deux jeunes qui refusent obstinément toutes les solutions qu’on leur propose.

UN appauvrissement accéléré des personnes dont le revenu du travail ne suffit plus à assurer de quoi trouver un logement

Les autres se subdivisent entre une multitude de catégories qu’il convient de traiter séparément. Le fait que ses services doivent traiter à la chaîne des milliers de cas de personnes en attente de logement, n’est pas un signe suffisamment fort de l’état de délabrement de la société dû à un appauvrissement accéléré des personnes dont le revenu du travail ne suffit plus à assurer de quoi trouver un logement; conséquence directe de « la baisse du coût du travail ».

Et on s’attaque maintenant au salaire différé, autrement dit les cotisations sociales qualifiées improprement de « charges », dont chacun réclame l’abaissement voire la suppression y compris celles et ceux qui en bénéficient le plus. Quand cette descente aux enfers s’arrêtera-t-elle ? Quand le total du salaire plus les cotisation sociales sera égal à zéro ?

On nous parle de places d’hébergement largement suffisantes et pas toujours occupées, du programme « logement d’abord » qui ne va pas tarder à s’appliquer. La délégation que nous formions demandait simplement l’ouverture du nouveau centre d’hébergement d’urgence ce soir-même (6/12), sans attendre la baisse de la température pour y mettre toutes celles et ceux qui n’ont nulle part où aller. La réponse est : « On ne peut pas ouvrir le nouveau centre, les douches ne sont pas finies d’installer ! » D’ailleurs, ça ne servira à rien, il y a assez de places d’ores et déjà dans les structures d’accueil existantes. qui ne sont pas complètement remplies. On se pince. Alors, pourquoi le 115 refuse-t-il du monde dès le début de la matinée ? Pourquoi renvoie-t-il les candidats vers le 115 de Strasbourg, qui lui-même renvoie son trop-plein vers Mulhouse ? On dirait que le sapeur Camembert a reçu carte blanche en Alsace pour creuser des trous qui servent à reboucher les trous précédents …

Une chose est sûre, tous les sans-abri vous le diront, le fait que les animaux ne sont pas admis dans les structures d’accueil fait que beaucoup refusent de se séparer de leur compagnon, et préfèrent passer la nuit dehors avec lui. Et que dire de la remise à la rue dès le matin pour celles et ceux qui ont eu la « chance » de passer une nuit au chaud, avec de nouveau la galère du 115 pour espérer décrocher le pompon la nuit suivante ?

Que dire du rejet de la responsabilité de ces élus sur les associations qui ne sauraient pas prendre en charge correctement ces situations somme toute pas si dramatiques, pour peu qu’on explique aux personnes concernées ce qu’il convient qu’elles fassent pour se sortir elle-même de la mouise ? Et si elles n’y parviennent pas, elles n’ont qu’à s’en prendre qu’à elle-mêmes ? La pédagogie comme remède au logement précaire, fallait y penser ! 

On reste éberlué devant tant de précision chiffrée et de considérations techniques, devant l’habituel défaussement de la commune sur l’Etat, et de l’Etat sur la commune, comme si l’argent nécessaire ne sortait pas des mêmes caisses ..! L’échange a été courtois, surtout grâce à la présence constante d’un policier qui assistait à l’entretien, mais tendu, et les deux jeunes anciens SDF de la délégation ont eu du mal à garder leur calme en face des affirmations tranquilles des deux responsables qu’ils trouvaient manifestement fausses et biaisées.

ILS ressentaient dans leur être l’abîme qui sépare les institutions chargées d’organiser leur vie

Ils se revoyaient eux-mêmes à la rue, exposés à toutes les violences et vexations de l’autorité publique et ressentaient dans leur être l’abîme qui sépare les institutions chargées d’organiser leur vie et eux-mêmes en butte à l’ignorance volontaire de ces mêmes institutions de la souffrance qu’ils ressentent dans leur chair et dans leur esprit. Il y a des solutions à l’étude, certes, qui vont s’appliquer bientôt, mais pas ce soir, là, on est pris de court, vous le savez bien, ça ne fait que trois semaines que vous lancez des signaux d’alerte, on n’a pas eu le temps d’y réfléchir…

Manifestement, et je le dis tranquillement, les services sociaux de la Mairie, comme d’ailleurs tous les services publics en charge de ces questions de précarité sociale, n’ont pas pris la mesure du malaise et de l’exaspération qui se font jour dans la société tout entière et il ne suffira pas de continuer à jouer avec les mots et les concepts pour retarder encore longtemps l’explosion qui menace dans tout le pays, et particulièrement chez celles et ceux qui souffrent de toutes les formes de mal-logement. Il ne suffit pas de considérer que quelqu’un qui a passé une nuit dans un centre d’hébergement n’est pas un sans-abri, puisqu’il a été abrité temporairement, pour que la colère s’éteigne et que celles et ceux « qui ne sont rien » rentrent dans le rang …

Pour ma part, chacun le sait, j’ai été élevé dans le respect des personnes et des institutions qui selon moi sont nécessaires à l’existence d’une société civilisée, autrement dit je ne suis pas un anarchiste, loin s’en faut. Mais encore faut-il que les institutions, et donc les personnes qui ont en charge de les faire vivre, ne se moquent pas du monde à ce point.

On ne peut pas vanter les mérites de l’efficacité en toutes choses, et laisser empirer pendant des années la situation sociale de tant de gens qui produisent de la richesse et n’en voient jamais la couleur; qui perdent leur travail pour cause d’opportunité boursière et sont sommés de se remettre au boulot et vite avec des conditions de travail dégradées; qui sont menacés d’expulsion pour hausse de loyer et baisse de salaire, mais restez cool, les gars, y a un plan « logement d’abord » qui est en route …

Sans compter la rénovation boboïsante du DROUOT qui va régler le problème des mal-logés en leur faisant voir du pays dans des logements dégradés d’autres quartiers. Vous avez aimé les taudis du Drouot ? Vous adorerez ceux de la ZUP en attendant leur gentrification ! Et ne parlons pas de la vente par appartements de l’ancienne maternité du Hasenrein ! Des logements sociaux ou pire un centre d’accueil d’urgence au pied du Rebberg ? Vous n’y pensez pas j’espère !

Apparemment, dans les bureaux de la Mairie, on ne craint ni l’intensification du travail, ni le risque de mise à la rue pour perte de salaire (la baisse du coût du travail ne semble pas avoir atteint certains services publics chargés de faire tenir le reste de la population tranquille). J’en parle d’autant plus à l’aise que j’ai été fonctionnaire pendant 24 ans et que je sais ce que c’est que la sécurité de l’emploi et des conditions de travail.

Alors disons-le tout net, heureusement, il y a les gilets jaunes… Vous avez cru que le feu allait s’éteindre tout seul ? Caramba, encore raté ! Grâce à votre petit numéro d’évitement des cornes en furie, j’ai soudain compris que la solution des problèmes qui sont posés à la partie la plus fragile de la population n’est pas de votre ressort. Votre rôle est de les faire patienter jusqu’à la limite du possible, et là, vous réussissez fort bien, l’efficacité est au rendez-vous, bravo, vous avez bien mérité votre prime de Noël !

Et moi, vous m’avez rapproché un peu plus de la désobéissance civique.

Je sens que ce n’est pas le moment de demander une subvention à la mairie, au département, à la région ni à l’Europe; je vais essayer sur Mars, ils ne sont peut-être pas encore au courant ?

Cordialement à toutes et tous,

André BARNOIN dit Dédé, de Mulhouse (68)  abarnoin@gmail.com   06 30 80 32 19

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