J’ai rencontré deux PARSA hyper-actifs…

Ils s’appellent Pierre-Louis et Alain. C’est Pierre-Louis qui a inventé l’appellation PARSA pour nommer toutes celles et ceux qui, comme eux, sont des Personnes Allocataires du RSA. « Revenu de Solidarité Active » et non « Rente Sociale Assurée », comme trop souvent ils en sont accusés. Par contre c’est Alain qui a donné le nom de l’association “ Réflexions pour des Solutions d’Avenir “ : RSA 38

Et le sens de la solidarité active, ils l’ont chevillé au corps. Croyez-moi ! Grenoblois, ils représentent avec d’autres, les PARSA du département, dans toutes les instances de concertation dont les textes prévoient la participation de « personnes concernées » (autre formule pour parler des allocataires).  Instances qui attribuent et retirent le RSA, qui pensent les politiques sociales du département et de l’intercommunalité, qui traitent les cas particuliers, etc.

En 11 ans de participation assidue, en tant que « chômeurs de longue durée, allocataires du RSA, » ou encore en tant que « travailleurs pauvres chargés de famille », ils connaissent par cœur toutes les lois, règlements, chiffres, anomalies, juris-prudences, concernant le RSA, le droit au logement, les transports, les aides sociales, la débrouille solidaire, etc.  Ils ont participé activement, avec tous les autres acteurs concernés, à la création de la brochure qui présente le RSA. Ce qui se fait dans ce département, sert souvent de laboratoire à des actions ailleurs en France. Ils ont marché en 98 contre la précarité avec le mouvement des chômeurs. Ils ont soutenu les allocataires qui luttaient contre la contrepartie demandée par certains départements (obligation de bénévolat) et qui ont gagné.

« Nous sommes les chevaliers Normand et Breton qui comme dans la légende arthurienne, combattons les dragons de l’injustice… », dit Alain.

Pour mieux peser, ils se sont organisés depuis 10 ans en association : RSA 38. La seule association de PARSA en France, encore à ce jour. A partir de là, ils agissent, sans relâche, dans la durée. Avec leurs seuls moyens propres, pour réfléchir ensemble, se castagner parfois, mais toujours agir de manière concertée et cohérente, en toute indépendance. Tous les sujets prennent du temps, des années parfois. Mais ils ne lâchent pas. Ainsi, ils ont obtenu par exemple, un changement du système d’abonnement solidaire aux transports urbains pour qu’il soit plus adapté aux PARSA (5 ans de lutte). Ils font porter des questions orales à l’Assemblée nationale et au Sénat, pour favoriser la connaissance et la prise de conscience sur des injustices dans l’application des lois ou dénoncer des béances juridiques. 

Mieux, ils proposent des solutions, qui évitent parfois à tout le monde de se bloquer dans des situations inextricables. Ils tiennent en même temps à rester poil à gratter là où tout paraît calme… Tant de cas particuliers, non prévus par les lois, ou pour lesquels les lois sont en contradiction, ou mal appliquées, ou différemment interprétées, ou clairement injustes…

Ils osent faire des projets

Et pire… Ils osent faire des projets. Par exemple, actuellement ils remuent ciel et terre, pour intéresser la CAF, le conseil départemental, le ministère de la justice, et autres partenaires, … à leur idée de créer un espace de rencontre sécurisée entre enfants et parents séparés. L’idée fait son chemin lentement… un lieu est trouvé… C’est énorme, un projet comme ça. Mais ils vont y arriver. Ils ne lâcheront pas, c’est clair.

Avec tout cela, ils sont devenus compétents dans leur domaine ! ils connaissent tout le monde et ils sont connus, voire redoutés… de tous les décideurs du territoire départemental. Leur parole est respectée parce que c’est celle de ceux qui vivent ce dont ils parlent. Et ça, personne ne peut le faire à leur place. Alors, ils sont invités partout, devenus incontournables dès lors qu’on parle de ce qui concerne les PARSA… Ils sont aussi sollicités pour intervenir dans des colloques, formations, autres associations. Tout cela avec leur seul RSA… 

Ce qui ne parle pas de leur quotidien avec un tel revenu… la débrouille permanente… avec ses interruptions de versement… ses lendemains incertains… l’éducation des enfants à assurer… la santé qui flanche…la fatigue qui taraude….

Et franchement, ça laisse perplexe, cette situation où les décideurs ont besoin d’eux, en tant qu’allocataires du RSA, alors qu’ils sont censés agir pour qu’ils puissent sortir du RSA… et cette situation où eux-mêmes agissent bénévolement, alors qu’ils sont censés s’insérer professionnellement, mais qu’à leur âge ils n’ont guère de chance de retrouver un job… c’est bizarre de les savoir si actifs et experts en restant PARSA…

Alain m’explique :  « Il est essentiel de dire que nous avons l’un et l’autre fait une croix sur nos ambitions professionnelles respectives, pour vivre comme celles et ceux que l’on représente. Survivre et endurer les mêmes injustices au quotidien que celles que plusieurs millions de personnes connaissent en France, c’est quelque part être là pour que les nantis dorment parfois mal. »

 

En tous les cas, il faut les rencontrer, pour se rendre compte de tout ça !…

Diane Bossière

 

 

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