Sofien Murat, Rédacteur en chef à L’Agence² des quartiers,de Villiers le Bel (95). Merci infiniment pour ce bel article du fond du cœur 💖.

Un article paru dans « Au Fil des Quartiers » en janvier 2021


Franck Salmon

Sans-abri depuis plusieurs années, Franck Salmon a connu de nombreuses galères. En dépit des difficultés qu’il vit quotidiennement, cet homme de 50 ans fait son possible pour aider les personnes à la rue. Portrait d’un combattant.

Au téléphone, son sourire s’entend dans sa voix aussi douce que joviale. Malgré les difficultés qu’il traverse au quotidien, Franck Salmon, sans domicile fixe, garde le moral et l’envie de faire bouger les choses pour les gens de la rue.

Avec Olivier, son compagnon d’infortune, ils ont trouvé refuge dans une petite tente dans le parc municipal de Téteghem, dans la banlieue de Dunkerque, dans le Nord. 6m² dans lesquels on trouve un duvet, une petite plaque à pétrole, une radio, des masques et de la nourriture. « Si je suis encore là aujourd’hui, c’est uniquement grâce à la solidarité des personnes au grand cœur que je rencontre », raconte Franck, sans ne jamais se plaindre.

À 50 ans, ce grand gaillard originaire de Seine Saint-Denis a connu toutes les adversités : séparation, perte de son emploi de grimpeur élagueur, dépression, alcool, prison et la rue. « Depuis ce jour, j’essaye lentement de remonter la pente. Je suis coincé car impossible de retrouver un emploi à cause de mon casier », confie l’homme qui a passé près de dix années à vivre dehors.

Parfois, la colère se fait sentir. Un soir, las de la solitude, Franck poste un message sur les réseaux sociaux « Je suis obligé de me bourrer la gueule tous les soirs pour que le temps ne soit pas trop long, et réussir à faire une nuit complète. » Cet isoloir du soir, c’est terrible.

Fin décembre, un immense élan d’entraide a permis à Franck d’obtenir une place dans le camping municipal des gens du voyage de la ville. Cette situation va lui permettre de poser sa tente en toute sécurité et de pouvoir rester propre, le temps que les élus locaux essayent de lui trouver une solution pérenne, notamment faire réactiver ses aides sociales, comme le RSA. La magie de Noël, en quelque sorte.

« Pour de nombreux sans domicile, la rue appelle la rue. Toute ma vie a été bousculée par l’ alcool. C’est dur la solitude », ajoute Franck. Malgré ses déboires, il est très mobilisé pour la cause des personnes précaires et des plus vulnérables. Sur Facebook, il gère les groupes « Femmes SDF à la rue » et « Réseau de soutien aux SDF ».

Urgence sanitaire pour les SDF

Chaque hiver, la situation devient extrêmement plus préoccupante pour les personnes à la rue : manque de place d’hébergement, saturation du 115, grand froid. À cela, s’ajoute la crise sanitaire liée à la Covid-19, faisant des sans-abris, les oubliés des plans d’urgence. La Fondation Abbé Pierre estime que près de 300 000 personnes sont Sans Domicile Fixe en France, Franck se montre extrêmement alarmiste sur cette situation. « La situation actuelle fragilise davantage les SDF qui ont de plus en plus de mal à faire la manche » avant de poursuivre : « La Covid est le dernier des soucis des gens de la rue. Ce qu’ils veulent avant tout, c’est pouvoir se nourrir et rester propres. Pour cela, ils prennent de nombreux risques ».

Face à cette réalité, le cinquantenaire est pessimiste sur l’avenir. « Je pense que l’extrême pauvreté va continuer de se creuser. Imaginez des familles entières dans la rue… » On espère une prise de conscience politique.

Aider les sans-abris

Pourtant, Franck, marqué par une grande résilience, veut continuer à y croire et pense aux SDF. Il travaille depuis plusieurs années au développement d’une application visant à aider les personnes au ras du sol sur l’ensemble du territoire : Housing-First-Operator.

Il est simplement parti du constat suivant : devant le manque de solution d’hébergement du 115, il faut donner l’opportunité aux citoyens volontaires d’agir sans attendre l’action politique. Son idée consiste à lancer une sorte d’alerte 115 citoyen solidaire sur chaque opérateur internet : « Le particulier reçoit une alerte géolocalisée de son domicile et a la possibilité de répondre à la demande de la personne sans abri. » Pour cela, il faut que chaque personne dispose d’une connexion internet et d’un smartphone, ce n’est pas toujours le cas mais on peut y arriver !

Franck espère mettre rapidement en place ce projet. Pour cela, il compte s’appuyer sur toutes les personnes souhaitant y participer. « On ne pourra s’en sortir que par la solidarité. Je suis convaincu du pouvoir d’agir des citoyens ».

Son projet : #housing_first_operator_2019💖

Sofien Murat