Après un premier séjour de plusieurs semaines dans les camps de réfugiés en Pologne en avril-mai dernier, Christophe CYWINSKI (humain « couteau suisse ») et Médi DONK (photographe) sont repartis le 18 juillet pour rejoindre Ania TATOU (la 3e de l’équipée) à Lviv et partir ensuite donner un petit coup de pouce à la population dans les zones bombardées en Ukraine. Sont prévus la participation à de nombreux projets : livraison, distribution, extractions, orphelinats, réfuges animaliers, logistique et reconstruction de maisons, et quelques emmerdes (ça c’est pour Christophe !). Ils tous les 3 impliqués, chacun dans son pays et sa région, dans le sans-abrisme, la précarité, les catastrophes naturelles, etc … et oui, « pour les quelques mois qui viennent, on a choisi notre combat ».
Ils n’ont aucun moyens institutionnels ni personnels. Une cagnotte en ligne leur permet de payer quelques frais et surtout l’essence indispensable à leurs déplacements.
Cette chronique hebdomadaire relaie leurs témoignages publiés au jour le jour sur leurs comptes FB (textes et photos Christophe Cywinski)
1 août 2022 – Boucha et Moschun
Accompagné par Julian, responsable d’un hôtel, on rencontre a Boucha un garagiste qui souhaite nous montrer sa maison. Ils sont restés de nombreux jours à 5 dans un abri de maximum 7M2. Les soldats russes l’on fait sortir ainsi que son fils sous peine de mettre une grenade dans l’abri. Fouillé et relâché, impossible de sortir, des snipers au bout du jardin. Sa fille peignait pendant les bombardements. Des dizaines de corps sont restés pendant un mois dans la rue avec interdiction des soldats de les enlever sous peine d’être exécutés. Ils exécutaient toute personne qui était dehors. La vie a repris mais les abris et provisions toujours présentes…
Passage à Moschun, au nord de Kiev. Une ville de 700 habitants, perdue dans la campagne. Tout a été gratuitement rasé par les soldats russes. Rencontre avec des volontaires ukrainiens qui essayent d’aider à la reconstruction. Ils ont rien et besoin de tout. L’hiver, ici, c’est -25 ° mini. Même l’église a été mitraillée. Contraste total avec le centre de Kiev où les habitants vont à la plage au bord du Dniepr, 3ème plus long fleuve d’Europe avec 2290 km. Une sale guerre, une barbarie gratuite.
2 août – Gostomel – Centre équestre et refuge d’animaux
Visite guidée du plus gros centre équestre d’Ukraine (dressage et compétitions). 450 chevaux dont un bon nombre a été évacué sur d’autres régions où pays lors des bombardements. La nuit, des dizaines de volontaires venaient nourrir les chevaux. Un grand merci au propriétaire qui approvisionne personnellement un de ses dépôts en nourriture pour les régions du Dombass. On repart avec un petit cadeau : un fer à cheval.
Avis aux amoureux des animaux. Rencontre avec les responsables d’un refuge pour animaux abandonnés en Ukraine suite à la guerre. Au nord de Boucha, Gostomel a été occupé 39 jours par les russes. 509 chiens et 60 chats, 4 tonnes de nourriture par mois. Un refuge privé, créé il y a 23 ans par la grand mère qui y est restée pendant les bombardements. 200 stérilisations par mois. Ils ont besoin de tout pour les animaux, surtout de la nourriture. Ils ont 3 générateurs offert pour pomper de l’eau. Soudainement je me retourne reconnaissant un bruit fréquent… Avec le sourire, Maria m’explique qu’ils ont nettoyé les champs et font sauter toutes les mines à 500 m à la ronde. Ouf, je suis vachement rassuré! Si quelqu’un dans mes contacts peut soutenir une action pour les aider, contactez moi svp. Faites le savoir. Ils ont un taux d’adoption de plus de 75 %. Ils sont top et font des miracles pour nos amis les 4 pattes. Ils ont reconstruit le toit, remplacés les fenêtres détruites, construisent de nouvelles cages, récupèrent un max d’animaux qui errent dans les rues pour s’en occuper. Contactez le max d’associations dans votre coin. Si elles ont peur, pas de soucis, on vient chercher les denrées à la frontière en Pologne et on ramène directement sur place.
3 août – Kiev et jour de pluie …
Kiev, ville de contrastes. Des églises orthodoxes partout, des vieux immeubles communistes et des gratte- ciel de 50 étages. Des centres commerciaux énormes et bcp de personnes qui vendent dans la rue la récolte de leurs jardins. Des monuments magnifiques et des check-points et barricades militaires partout. Des animations la journée et le couvre feu la nuit. Des magasins ouverts et tous les fast-food américains fermés ! Pas un seul SDF rencontré, quel que soit la ville. Visite de la statue de la mère patrie (102 mètres de haut), du musée de l’armement soviétique, des laures des grottes, le plus célèbre monastère d’Ukraine avec ses catacombes (290 000 M2).
Bon, pour ceux qui ont un problème avec la canicule, venez passer des vacances en Ukraine, un endroit sympa pour dormir, à peine arrivé un géorgien me demande dans quelle unité je combats, Heu… unité humanitaire ! Je sors acheter du pain et à 50 mètres des mecs chargent 50 caisses de munitions. Vraiment tranquille le coin .
4 août – Vasylkiv
Rencontre avec Natalia Balasynovych et son chat , maire de la ville de Vasylkiv proche de Kiev, 50 000 habitants. Garnison et aéroport militaire dans la ville. Ville attaquée et bombardée le 26 février 2022. Ils ont repoussé l’attaque et empêché les soldats russes de rentrer dans la ville. Malheureusement, ils ont subit de gros dégâts. Le collège qui formait les gamins a été détruit et d’autres immeubles également. Ils ont besoin d’aide, l’école peut se faire seulement par internet via Zoom. La journaliste locale nous accompagne et traduit en anglais. Ils souhaitent se jumeler avec une ville française pour échanger. Pendant qu’on discute, la maire appelle sa fille qui est en France. Tous les élu(e)s sont le terrain, jean, t-shirt, basquettes. La ville accueille 5000 réfugiés d’autres régions. Rencontre sur le terrain de Bogdan, député de la région. Ils préparent un terrain pour installer des conteneurs d’habitations (250) dans 2 semaines. Tout est offert gratuitement par la Pologne.
5 août – Vasylkiv
Retour dans la ville de Vasylkiv pour une distribution alimentaire aux réfugiés organisée par la ville et les militaires. Bogdan, le député, nous accompagne. Autorisation officielle pour les photos. La ville a distribué plus de 20 000 colis grâce aux dons d’associations. Merci à eux, un travail fantastique.
Visite d’une ferme à côté de Vasylkiv, 2500 hectares, des centaines de bœufs, vaches et moutons. Par chance, les chars russes sont passés devant sans la détruire. Accompagné par une prof d’anglais qui parle moins bien l’anglais que je comprends l’ukrainien ! Une exploitation agricole certifié équivalent Bio, éco-responsable. Elle s’auto-finance complètement. Elle vend un peu à la Lettonie et à l’Égypte mais son gros marché était les supermarchés en Ukraine et les boucheries haut de gamme. La fermeture de beaucoup de magasins a fait gravement chuer leurs ventes. Ils cherchent d’autres pays pour exporter, avis aux acheteurs français, je vous organise la visite. Ils produisent eux même la nourriture pour leurs animaux. Ils achètent seulement le sel en Pologne car la production ici est situé dans le Dombass donc impossible a rapatrier. Ils sont très organisés et énergiques. Ils veulent seulement pouvoir vendre. Les boeufs font entre 800 kg 1200 kg. 800 vaches et boeufs, 250 moutons. Ils ont racheté en 1986 une ancienne laiterie pour la transformer. Il nous expliqu que quand la guerre l’invasion a démarrée, il a laissé le choix à ses 20 employés de partir se mettre à l’abri en étant payé, ou de rester. Pas un seul employé n’a voulu quitter son poste. Quel force et courage, respect.
6 août – Kiev
Ballade au centre des expositions de Kiev, 286 hectares, 189 bâtiments… construit en 1958 par les soviétiques, il est resté un centre d’activités culturels, concerts, expo, beaucoup d’attractions pour les enfants. Au passage, je discute avec les responsables de la fondation Trinity (fondation ukrainienne), 30 bénévoles. Depuis le début de la guerre, ils se débrouillent pour se faire sponsoriser en nourriture, préparent un colis alimentaire pour les soldats sur le front. Toute personne qui souhaite les soutenir peut écrire avec son nom et prénom un mot pour le soldat qui recevra le colis. Bravo à eux, le soutien moral est aussi important .
7 août – Tcherniv
Arrivé à 20 km de Tcherniv, ville proche de la frontière Biélorussie qui a été attaquée et hop, demi-tour au check-point. Les militaires nous expliquent que la principale route viens d’être bombardée. On leurs laisse au passage des colis alimentaires remplis de bonnes choses pour améliorer leur quotidien. Très sympas, ils ont hallucinés de voir 2 civils français sur un terrain de guerre. Il y a une solidarité énorme.
Réflexion du soir, tranquille dans un hôtel à 15 euros la nuit, 150 militaires et étudiants perdus, comme d’habitude alerte bombardement. Mon pote m’envoie un message d’alerte depuis le centre commercial où il est. Tout le monde a peur et évacue. Je suis au téléphone et (j’avais pas vu un haut parleur dans la chambre), ZUT, la TV ukrainienne s’est mise en route : message d’alerte, cassez vous de l’hôtel !!! Je comprends rien, casse-croute et douche tranquille. Je descends fumer une clope et… tout le monde est en alerte, les femmes et enfants sont sur le parking et on me demande comment je peux rester aussi serein. Réponse, de toute façon, si ça tombe, autant avoir le ventre plein et garder le sourire ! Les étudiants de Kharkiv réfugiés ici ne peuvent plus se financer des nuits d’hôtel, demain c’est la rue pour eux. Si quelqu’un dans mes contacts peut leurs payer quelques nuits d’hôtel le temps que je leur trouve un Plan B, ce serait super. Sinon c’est « dehors » ! Pour rappel, ici couvre feu à 23h00 et aucune aide financière.
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