Tout le monde n’a pas grandi avec une présence maternelle aimante. Moi non plus. Et même si j’en suis aujourd’hui pleinement conscient, je sais que cette absence a façonné la personne que je suis devenu. Sans cette figure de référence, j’ai appris très tôt à me débrouiller seul, à me protéger et à inventer mes propres stratégies pour affronter les défis de la vie.
Ces apprentissages m’ont parfois servi… mais ils ont aussi créé des habitudes et des réactions qui compliquent mes relations, et parfois même ma manière de me percevoir.
Avec le temps, j’ai vu comment ce manque s’inscrivait dans mes choix, dans mes comportements, dans ma façon d’être avec les autres. J’ai développé une grande autonomie, une endurance remarquable face aux épreuves, mais aussi une méfiance qui se faufile partout, une exigence envers moi-même qui frôle parfois la sévérité, et une difficulté réelle à faire confiance.
Grandir sans une mère aimante laisse des traces que je reconnais aujourd’hui chez moi, qu’elles soient positives ou douloureuses.
Comprendre ces traits a été un point de départ pour mieux me connaître et tirer de mon histoire des forces plutôt que des freins.
Mais grandir sans amour maternel, c’est aussi grandir sans apprendre à poser et protéger ses limites. Je n’ai pas appris à me sentir en sécurité, ni à dire non, ni à exprimer mes besoins sans avoir peur.
Parfois je suis trop conciliant, par crainte du rejet. D’autres fois, je deviens distant, presque hermétique, comme si je devais repousser quiconque s’approche trop près.
Ces réactions ne sont pas un choix : ce sont des mécanismes de protection hérités d’une enfance où la sécurité affective manquait.
L’absence d’amour maternel a réveillé en moi une autre peur, plus profonde que les autres : la peur que les gens finissent toujours par partir. Et cette peur a été renforcée par un père disparu sans laisser de traces, et un beau-père parti trop tôt.
Ces départs, ces vides imprévus, ont laissé en moi l’impression que rien ni personne ne reste jamais vraiment.
Cette peur ne se voit pas forcément. Parfois, elle me fait fuir avant que quelqu’un ne s’approche trop. Parfois, elle me rend trop attaché, comme si me détacher un instant risquait de faire disparaître l’autre.
Au fond, je cherche ce que chacun cherche : me sentir en sécurité, croire que l’amour peut durer. Mais quand ceux qui auraient dû m’offrir cette sécurité n’étaient pas là ou sont partis brutalement, quelque chose s’est fissuré.
Plus tard, faire confiance est devenu bien plus compliqué.
Même aujourd’hui, cette peur reste parfois comme une ombre au-dessus de moi, une ombre qui ne disparaît jamais complètement.
Les modèles d’attachement que j’ai construits très tôt façonnent encore ma manière de vivre mes relations.
Alors oui, je peux être indépendant, prudent, autosuffisant… mais une part de moi aspirera toujours à l’amour qui m’a manqué.
Je le sens dans ma façon de chercher le lien, dans mon besoin profond d’être compris, dans ce pincement silencieux quand j’observe une tendresse maternelle que je n’ai jamais connue. Même en construisant une vie solide, même entouré de personnes bienveillantes, ce manque reste tapi quelque part.
Chaque enfant souhaite simplement se sentir aimé — moi aussi.
Accepter l’amour, aujourd’hui encore, peut sembler compliqué. Une partie de moi se demande parfois si je le mérite vraiment. Les compliments me mettent mal à l’aise, les gestes de gentillesse éveillent ma méfiance. Quand quelqu’un prend soin de moi, mon premier réflexe est de chercher le piège.
Ce n’est pas que je ne veux pas être aimé. C’est simplement que, quand l’amour a manqué très tôt, on finit par croire qu’il est réservé aux autres.
L’accepter devient presque étrange, comme enfiler un vêtement qui ne semble pas fait pour soi.
…le plus difficile n’est pas de trouver l’amour… mais de croire qu’il est réel.
Pourtant, j’y aspire profondément.
Et parfois, le plus difficile n’est pas de trouver l’amour… mais de croire qu’il est réel.
Enfant, j’ai appris que je devais me débrouiller seul. Cette autonomie est devenue un réflexe qui m’a suivi jusqu’à l’âge adulte.
Je demande rarement de l’aide, et lorsque je le fais, je ressens souvent de la gêne ou de la culpabilité.
Je sais que cette hyper-indépendance est un mécanisme de défense, une manière d’éviter la déception.
Mais si elle m’a protégé, elle a aussi parfois rendu mes relations plus difficiles. Les liens se construisent dans le soutien, la confiance, l’ouverture… et quand on a toujours tout géré seul, ces choses-là ne vont pas de soi.
Grandir sans amour maternel peut aussi laisser un sentiment persistant de ne jamais être à la hauteur.
Je me suis longtemps demandé ce qui clochait chez moi. Et même adulte, ces doutes reviennent : insécurité, besoin de reconnaissance, petite voix intérieure qui murmure que ce n’est jamais assez.
Ressentir mes émotions n’a pas été simple non plus. Sans repère bienveillant pour m’aider à comprendre ce que je vivais, elles ont souvent été écrasantes.
Je les ai parfois refoulées, parfois laissées exploser.
Avec le temps, j’ai trouvé mes propres stratégies pour les gérer, mais exprimer mes sentiments de manière saine reste un défi. Et puis il y a la confiance, ce terrain fragile. Je ne me suis pas tout de suite rendu compte à quel point j’avais des difficultés à la donner.
Mais grandir avec une mère distante, un père évaporé sans explications et un beau-père arraché trop tôt, ça apprend à se protéger, à se fier uniquement à soi.
Quand ceux qui auraient dû rester n’ont pas su ou pas pu le faire, croire en la fiabilité des autres devient un apprentissage tardif et laborieux.
L’absence d’une figure maternelle aimante — comme l’absence brutale d’un père ou la perte prématurée d’un beau-père — ne reste pas cantonnée à l’enfance.
Elle se répercute dans ma vie d’adulte, parfois visiblement, parfois en silence.
Mais aujourd’hui, je choisis de comprendre ces traces, non pour m’y enfermer, mais pour apprendre à avancer avec elles, et malgré elles.
Michel C.


















