Depuis août dernier, je parcours les chemins sur mon vélo, je traverse ma ville sur mon plus fidèle destrier. Pour mon métier.
Depuis des années, je suis aide-soignante, j’ai été animatrice pour personnes atteintes de pathologies de la mémoire et j’ai une belle expérience des soins, du handicap mais aussi de l’enfance. J’ai une tendresse très particulière pour les personnes âgées, nos anciens.
Chaque jour, je leur apporte mon soutien pour les actes de la vie quotidienne, toilette, soins, ménage, courses, entretien du lieu de vie, repas, parfois pour de l’administratif. Je parle beaucoup, je les fais rire, je partage des idées, des envies, des recettes, on évoque leurs douleurs, leurs joies.
Parfois, lorsque je quitte leur domicile, ils sont derrière le rideau à me regarder partir avec un petit sourire ému.
Je brave la route sur mon vélo, la pluie froide roulant sur mon visage, le soleil chauffe ma peau, et je transpire régulièrement.
Je croise des personnes abîmées, parfois aigries par une vie compliquée, j’échange un sourire, une anecdote. Ils remarquent ma coiffure, mes vêtements colorés, ma fatigue parfois.
Ils m’encouragent, me soutiennent, s’attachent. Ils reconnaissent mes pas dans l’entrée alors que leurs yeux n’y voient plus. Ils m’appellent « petite » malgré mes 48 ans.
Il y a des jours plus gris où ils me disent attendre la mort, que leurs corps endoloris les lâchent.
Il y a des jours où ils m’engueulent comme leur fille qui aurait fait une « bêtise », et puis il y a ceux où ils me serrent tendrement dans leurs bras. Souvent ils réajustent mon bonnet, mon écharpe pour ne pas que j’ai froid.
Il y aussi les odeurs : de café frais le matin, de soupe, de savon de Marseille, et parfois moins délicieuses, de leurs corps qui s’abîment par la maladie, les effluves dont je tairais l’origine par pudeur et respect pour eux.
Il y a des rires forts, des partages intimes, des souffrances tues, des sentiments qui les traversent.
Je lis d’un coup d’œil leur état du jour, je reste calme, polie, ferme, douce, bienveillante, efficace… Mes gestes sont précis et rapides car je me dois de les aider au maximum dans un temps souvent restreint.
Je reste discrète, mais investie. Je prends sur moi, je fais de l’humour.
Je porte parfois lourd, d’émotions fortes, de douleurs trop insupportables, des corps très abîmés, mes muscles travaillent autant que mon cerveau.
Il arrive qu’ils me demandent comment va le monde, ils ne sortent plus que pour les rendez vous médicaux pour certains. Ils me racontent leurs chimiothérapies, leurs interventions, mais aussi leurs fêtes de famille, me montrent les photos de leurs petits enfants, de leur femme décédée, de leur maison d’avant.
Je voyage avec eux, parfois j’essuie une larme discrète.
Je suis auxiliaire de vie, je parle au nom de mes collègues, des femmes, des hommes discrets et nécessaires ! Nous avons beaucoup de travail, nous sommes seuls et pourtant tout les jours au contact des gens.
J’aime ce métier très fort.
Je suis indépendante, je dois me débrouiller, m’adapter, être créative, me dépasser. J’ai besoin d’être très active physiquement, et intellectuellement et surtout, de développer des relations humaines de qualité.
Être au contact de la maladie, de l’âge me rappelle chaque jour combien la vie est un cadeau ! Vieillir fait partie de l’ordre naturel des choses, même si notre société cache nos anciens.
J’aime mon métier, j’aime la vie, j’aime le contact !

Claire (de Colmar)

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