Article repris du site de l’Observatoire des inégalités publié le 24 mai 2019.
Un million de travailleurs vivent avec moins de 855 euros par mois. Avoir un emploi ne protège pas de la pauvreté, notamment pour ceux qui travaillent à temps partiel ou alternent des périodes de travail précaire et de chômage.
Un million de personnes exercent un emploi mais disposent d’un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, fixé à la moitié du revenu médian (855 euros par mois pour une personne seule en 2016). Si on fixe le seuil de pauvreté à 60 % du niveau de vie médian (1 026 euros), on en compte deux millions.
La pauvreté des travailleurs évolue peu en France. Elle a légèrement diminué au début des années 2000, puis est remontée pour atteindre 1,1 million de personnes en 2011 au seuil à 50 % du niveau de vie médian. Après une nouvelle baisse au début des années 2010, elle semble stagner dans les années récentes. De la même façon, le taux de travailleurs pauvres a oscillé entre 4 et 4,6 % entre 1998 et 2016.
Comment est-il possible qu’en France un million de personnes travaillent mais demeurent pauvres ? Il existe pourtant un salaire minimum (Smic) situé à 1 200 euros net par mois et qui peut éventuellement être complété par des allocations. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. Une partie non négligeable des travailleurs sont employés en temps partiel ou par intermittence (CDD, intérim, etc.) et sont loin d’atteindre le Smic sur l’ensemble de l’année. 57 % des salariés au Smic travaillent à temps partiel et 15 % sont en contrat à durée déterminée ou en intérim [1]. Environ 5 % des salariés sont rémunérés à un salaire inférieur au Smic horaire : apprentis, personnes mineures, animateurs de centres de vacances, assistantes maternelles, etc. Enfin, une partie des indépendants ont des revenus mensuels moyens très faibles, largement inférieurs au Smic.
À la faiblesse du revenu du travail peut s’ajouter un facteur démographique, car pour mesurer les niveaux de vie, on tient compte des revenus de l’ensemble du ménage (voir encadré). Un(e) salarié(e) qui doit faire vivre une famille avec un seul Smic se situe largement en dessous du seuil de pauvreté.
La pauvreté des travailleurs s’avère peu sensible à l’extension de la pauvreté qui marque la dernière décennie. Celle-ci touche principalement les autres catégories de population : les jeunes, qui peinent à s’insérer sur le marché du travail, les chômeurs ou inactifs et leurs enfants, et, dans une moindre mesure, les retraités. La précarisation d’une partie du marché du travail et la hausse du temps partiel subi sont en effet des phénomènes déjà anciens qui remontent à la période antérieure (années 1980 et 1990). Ils se sont inscrits dans la durée en évoluant ces dernières années à un rythme plus lent [2], ou en dents de scie [3].
Les dernières données disponibles sur le nombre de travailleurs pauvres datent de 2016. Depuis, la part d’emplois précaires a augmenté [4] et le chômage légèrement baissé. Toute la question est de savoir si les mesures de flexibilisation du droit du travail prises depuis 2015 vont dynamiser l’emploi et permettre à des chômeurs de remettre le pied à l’étrier ou, au contraire précariser encore plus ceux qui sont les plus précaires ? Par ailleurs, l’augmentation de la prime d’activité décidée début 2019, pourrait permettre à des personnes proches du seuil de pauvreté à 60 % du niveau de vie médian de passer au dessus et sortir ainsi du décompte des travailleurs pauvres.
Qu’est-ce qu’un travailleur pauvre ? |
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Un travailleur pauvre est une personne qui
travaille mais dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté.
Si elle vit seule, on compare son revenu après impôts et prestations
sociales au seuil de pauvreté. Si elle vit dans un ménage de plusieurs
personnes, on rapporte les revenus d’ensemble du ménage au nombre de
personnes. Ce n’est pas la rémunération que le travailleur tire individuellement
de son travail qui est prise en compte, mais le niveau de vie de sa
famille. Une personne qui travaille pour un salaire très faible (un Smic
en temps partiel par exemple) ne sera pas considérée comme
« travailleur pauvre » si son conjoint dispose d’un revenu qui permet au
couple de sortir de la pauvreté. À l’inverse, une personne à plein
temps au Smic pourra être comptée comme travailleur pauvre, si son
salaire est la seule ressource pour sa famille. La définition des « travailleurs » diffère selon l’organisme statistique. Dans les données sur les revenus de l’Insee, on considère comme « en emploi » une personne qui travaille au moment de l’enquête. De son côté, l’organisme européen Eurostat comptabilise les personnes qui ont passé au moins la moitié de l’année en emploi. |
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