Il est un besoin fondamental que nous partageons toutes et tous. Quelles que soient les conditions de notre vie, quels que soient notre âge, notre genre, notre classe sociale, notre niveau de revenus, notre confession, que nous soyons avec ou sans emploi, étudiants, retraités… nous avons toutes et tous besoin de manger. Idéalement tous les jours. Une alimentation qui réponde à nos besoins nutritionnels, émotionnels, sociaux. Une alimentation qui nous lie à nous-mêmes et aux autres dans le respect de nos droits culturels.
Aussi, nul ne peut de façon soutenable depuis sa naissance jusqu’à sa mort répondre à tous ses besoins en alimentation. Cela n’est pas seulement impossible… cela n’est pas non plus souhaitable. Car l’alimentation nous ouvre aux autres, aux partages, à la convivialité, à la gourmandise.
Et si à partir de ce besoin primordial, qui nous lie au monde du vivant, nous construisions un droit à l’alimentation ?
Et si nous avions là, à partir de ce droit à l’alimentation, le levier nécessaire pour expérimenter une démocratie authentique ? Une démocratie alimentaire qui viendrait interroger de loin en loin tous les aspects de nos vies pour les rendre désirables pour chaque personne et pour l’ensemble des communautés humaines, voire même au-delà, en prenant soin des vivants, humains et non humains tout en restaurant notre patrimoine environnemental…
Le droit à l’alimentation est un droit humain fondamental reconnu par le droit international. Il protège le droit de chaque être humain à se nourrir dans la dignité, que ce soit en produisant lui-même son alimentation ou en l’achetant.
Si aujourd’hui en France, les personnes en situation de précarité peuvent trouver de nombreuses voies pour être protégées de la faim, en aucun cas, cela ne répond à un authentique droit à l’alimentation.
L’alimentation est un fait social total qui touche toutes les dimensions : nutrition (santé physique et mentale), organoleptique (plaisir de manger), social (on mange en famille, entre amis, avec des collègues) et droits culturels.
En france depuis plus de cinq ans à présent, de nombreuses organisations locales et nationales se rencontrent régulièrement pour travailler à un projet politique de Sécurité sociale de l’alimentation. Ces organisations posent le constat que le contexte de crises successives et multiples est alimenté de façon structurelle et continue par nos modes d’organisation. Les problématiques auxquelles nous faisons face sont systémiques et macroéconomiques : accentuation et aggravation des phénomènes de précarisation et des inégalités sociales, bouleversements climatiques et incapacité individuelle et collective à mener des actions notables en faveur de la réduction des iniquités sociales et favorisant la protection de notre environnement et du climat. Aujourd’hui, en 2025, le nombre de personnes ayant recours à l’aide alimentaire augmente. De nouvelles couches sociales y sont contraintes comme les étudiants et même des salariés précarisés. Malgré elle, l’aide alimentaire est devenue la caution morale d’un système agro industriel mortifère qui nous assigne dans une impasse.
Partant du constat que les réponses se doivent de dépasser la « collection » des petits gestes et être à la mesure des problématiques : les réponses seront donc systémiques et macroéconomiques. C’est de là qu’est né le projet de Sécurité sociale de l’alimentation.
Il se fonde sur un socle commun composé de trois piliers : l’universalité, la cotisation sociale et le conventionnement démocratique.
L’universalité est la condition pour construire un droit. Une politique à destination des seules personnes en situation de précarité serait par définition discriminante et stigmatisante. La cotisation sociale a démontré dans l’expérimentation de La Sociale entre 1946 et 1967 – mais encore aujourd’hui avec le régime local de santé complémentaire d’Alsace-Moselle – la puissance transformatrice et émancipatrice de la cotisation sociale en dehors de tout patriarcat du patronage comme de l’Etat. Lorsque les personnes décident par et pour elles-mêmes, elles ont été à même de penser et d’investir pour la création des CHU (centres hospitaliers universitaires). Ainsi tout en garantissant la solvabilité de la patientèle, elles ont su également placer sous sécurité sociale la production de soins de santé et la fabrication de médicaments. Enfin, la démocratie alimentaire serait cet espace où les mangeuses et les mangeurs pourront délibérer, décider et allouer les moyens nécessaires pour contribuer par eux-mêmes au maintien, au développement et à l’émergence des systèmes alimentaires désirables pour eux-mêmes. La démocratie alimentaire, s’inspirant de la Convention Citoyenne pour le Climat, se propose de construire une connaissance de cause de ce que sont les systèmes alimentaires, de ce qu’ils induisent sur la santé humaine, la santé des écosystèmes, les droits humains. Cet espace de dialogue, dans une démarche scientifique, est le levier dont se saisissent de nombreuses initiatives un peu partout en France pour mener des expérimentations aspirant à une Sécurité sociale de l’alimentation.
Et si nous avions là les premières marches d’une révolution copernicienne ? Une révolution sans arme, ni larme. Une révolution à la fois conviviale et possiblement gourmande !
Pour aller plus loin : http://www.srfood.org/fr/droit-a-l-alimentation, www.securite-sociale-alimentation.org, Nicolas DA SILVA, La Bataille de la Sécu (livre), et Gilles PERRET, La Sociale (film documentaire)
Somhack LIMPHAKDY – Présidente de l’association « Pour une Sécurité sociale de l’alimentation – Alsace »
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