Un article paru sur le site de l’Observatoire de inégalités le 11 octobre 2018
L’Observatoire des inégalités publie avec le Compas le premier Rapport sur la pauvreté en France. Un document de référence sur l’état de la pauvreté, rédigé en toute indépendance et dans un langage clair.
Vous lirez ci-dessous quelques extraits de la présentation du rapport par Noam Leandri, président de l’Observatoire des inégalités (retrouvez l’intégralité de son texte ICI)
L’objectif de ce rapport : proposer un document de référence sur l’état de la pauvreté, rédigé en toute indépendance afin d‘interpeller l’opinion publique la plus large.
… l’exagération est souvent contreproductive et se retourne contre ses auteurs au détriment de la solidarité envers les personnes précaires. …/…
… Les données qui figurent dans ce premier rapport doivent servir de base à un débat éclairé. À l’heure où l’on fustige avec mépris le « pognon de dingue » [2] qui serait dépensé pour les plus démunis, il est temps de remettre les pendules à l’heure : de mesurer avec précision l’état de la pauvreté, d’évaluer les difficultés des plus démunis, de montrer ce qui s’améliore et ce qui se détériore…./…
… nous refusons tout autant qu’on se voile la face devant l’ampleur des difficultés de populations qui, dans l’un des pays les plus riches au monde, n’accèdent pas aux normes minimales de consommation, et qui vivent dans des conditions de vie indignes dans une société moderne. …/…
Trop de promesses non tenues
L’évolution de la pauvreté est l’un des indicateurs les plus alarmants suivis par l’Observatoire des inégalités depuis quinze ans. La société française souffre. Non pas de ne plus avancer, mais de l’écart entre les discours et les actes. Des promesses non tenues. …/…
Que retenir ?
* Premièrement, la remontée de la pauvreté à partir des années 2000 constitue une rupture dans l’histoire sociale de notre pays. La France est l’un des pays qui amortissent le moins mal le choc pendant les crises économiques comme celle amorcée en 2008, même si une grande pauvreté persiste.
** Deuxièmement, la pauvreté offre des visages très différents, des mères seules aux immigrés, en passant par des jeunes sans qualification ou des personnes âgées. Les politiques publiques doivent en tenir compte.
*** Troisièmement, nous nous intéressons aux trajectoires : il n’existe ni trappe à pauvreté dans laquelle les individus tomberaient à tout jamais, ni reproduction mécanique entre parents et enfants. Pour autant, la progression des inégalités de revenu et d’éducation tend de plus en plus à figer les situations.
À partir de ces constats, ce rapport en appelle à des politiques de lutte contre la pauvreté (voir notre article « De quoi les pauvres ont-ils besoin ? ») d’une autre envergure que celles qui ont été envisagées jusqu’à présent, adaptées à la diversité des situations.
… Au fond, la question est bien de savoir si nous voulons une société du chacun pour soi ou une société de la solidarité, valeur largement partagée. L’enjeu n’est pas mince. Sauf à mettre en place très vite des politiques qui agissent en profondeur, on voit mal ce qui pourrait empêcher la progression des tensions sociales dans notre pays.
Noam Leandri est président de l’Observatoire des inégalités
La pauvreté, fille des inégalités |
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La pauvreté est l’une des inégalités les plus visibles. Entre 2006 et 2016, le nombre de pauvres a augmenté de 630 000 [3] au seuil à 50 % du niveau de vie médian alors qu’en même temps la richesse nationale s’est accrue de 7 %, soit de 170 milliards d’euros. Ce n’est pas un paradoxe mais la conséquence d’une distribution inégalitaire des revenus qui témoigne de l’absence de ruissellement des richesses concentrées en haut de la pyramide. « Il parait que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c’est une crise. Depuis que je suis tout petit, c’est comme ça » : la plaisanterie de Coluche n’a jamais été aussi exacte.
Être pauvre, c’est être exclu d’une norme sociale à un moment donné, sur un territoire donné. On ne peut pas comprendre la pauvreté si on ne la replace pas dans le contexte global des inégalités. Les pauvres le sont d’autant plus que toute une partie de la population s’enrichit de manière considérable, accède aux bonnes filières scolaires, part en vacances et consomme à tout va. Beaucoup trop souvent, on s’apitoie sur les plus démunis, mais on refuse de voir que leur situation résulte aussi de l’accaparement de la richesse par les plus aisés. |