Alain Guezou, président co-fondateur de l’association RSA38 (Recherche pour des Solution d’Avenir en Isère) rechausse ses sandales de marche et remet son sac sur le dos en ce mois d’Août 2020, pour rejoindre Paris à pied, au départ de Grenoble. Sa démarche se veut militante pour sensibiliser au sort des plus démunis et aux incohérences kafkaïennes auxquelles ils sont soumis tous les jours. RSA38 et l’Archipel des Sans-Voix agissent de concert pour porter ces voix trop inaudibles et impliquer davantage les populations aidées dans les décisions et mises en oeuvre des politiques sociales.
Alain partagera sur ce journal ce que sa pérégrination lui inspirera, au gré de ses humeurs et des moyens de communication disponibles. Ses principales étapes seront Grenoble (départ) – Cluny – Vezelay – Paris (arrivée)
Vous êtes quelques-unes et quelques-uns à me demander de vous resituer la marche que je commence, à destination de Paris. Alors, je vais essayer.
En août 2012, l’un d’entre nous s’immolait par le feu dans l’indifférence et le mensonge des responsables politiques de l’époque. Alors, je me suis levé et mis un pied devant l’autre pour faire entendre la voix de celles et ceux que l’on enferme dans des réglementations et des procédures injustes et trop souvent incompréhensibles. Je suis partisan de croire qu’agir, même en marchant, simplement, finira par réveiller en nous cette part archaïque de révolte que tous les bien-pensants veulent nous enlever au nom des sacro-saints ratios comptables qui gouvernent notre société.
En juillet 2016, parce qu’elle recevait une modeste pension pour l’une de ses filles handicapées, une maman, seule, de deux jeunes enfants cessa de recevoir le RSA et ses autres allocations familiales. À part lui dire de demander une pension alimentaire au papa de ses enfants, celles et ceux qui sont là pour nous accompagner dans nos détresses, ne lui ont apporté aucune solution. Émilie n’avait plus que l’allocation enfant handicapée belge pour survivre – 398 euros. Elle s’est donnée la mort en se défenestrant un dimanche matin. Alors, j’ai repris mon sac, remis mes chaussures et suis monté à Bruxelles pour rencontrer la commissaire européenne en charge de la lutte contre la pauvreté.
Et bien ces deux dé-marches ont apporté non seulement un changement dans les mentalités de celles et ceux qui subissent le RSA mais aussi et surtout une évolution, certaine, dans la perception des personnes concernées par « les services sociaux ». A travers le prisme de l’association RSA38 que j’ai co-créé, l’accompagnement des personnes à sortir, par leur mobilisation, leurs efforts, leur confiance retrouvée, de leur situation de pauvreté́ représente aujourd’hui moins une dépense qu’un investissement social. Cette logique d’investissement social doit également permettre d’éviter le maintien des personnes dans cette situation de survie avec les allocations.
Alors pourquoi repartir en 2020 ? Les raisons ne manquent pas. Je vous en donnerai trois principales à mes yeux.
La première : l’association RSA38 – Réflexions pour des Solutions d’Avenir en Isère – fête cette année ses sept ans. Sept années à porter haut, mieux et toujours faire la promotion de la citation de Nelson Mandela : « Tout ce qui est fait pour moi, sans moi, est fait contre moi. »
La seconde : vivre dans un état de pauvreté use plus rapidement tant sur le plan moral, intellectuel mais surtout physique. Et, entre nous, je crois que je suis arrivé au bout. Alors je voudrais mettre mes dernières forces dans un ultime combat avant de passer à autre chose. Prouver à nos responsables politiques que donner la parole aux travailleurs pauvres est aussi un investissement pour toute la société française qui peut s’honorer de croire en l’employabilité́ de chacune et chacun et d’ainsi ne laisser personne sur le bord du chemin.
La troisième : Marcher avec mes pas pour rejoindre les vôtres. Marcher ensemble, portant nos colères, mais aussi notre humanitéé. Marcher ensemble, pour porter nos voix, présenter nos idées, nos solutions. Marcher pour montrer qu’au-delà des discours, nous préférons des paroles singulières et que doivent cesser les discours lisses à force d’être trop consensuels. Marcher avec vous pour faire des pas vers d’autres chemins.
parce qu’ils croient savoir, ils veulent régenter nos vies
Si je ne suis pas nu, je suis culotté et je marche aussi pour toutes celles et tous ceux qui ne le peuvent pas ou qui sont trop fatigué par le quotidien pour se lever et aller interpeller celles et ceux qui croient savoir. Et parce qu’ils croient savoir, ils veulent régenter nos vies et celles de nos enfants. Moi, je veux les faire descendre de leur piédestal depuis lequel ils règnent et leurs montrer ce que sont nos vies. C’est dans ce partage de vécu que l’on peut espérer trouver des solutions et mettre fin au non-respect des droits des travailleurs pauvres à qui on oppose encore trop souvent des devoirs.
Pour conclure, j’espère avoir répondu à vos attentes, si ce n’est pas le cas n’hésitez pas à me le faire savoir. Je penserai à vous. Promis.
Bene Valete.
Alain