Un nouveau texte et des peintures, à partager par l’Archipel des Sans-Voix – Flora de Negroni

Mon esprit dort, engourdi, je n’entends au loin que le frémissement endolori du monde qui ressasse la maladie.

Je ne pense plus, il n’y a plus rien à penser, seuls restent présents les rituels télévisés sur le Covid. Nous sommes tous désunis, isolés dans nos refuges, nos corps loin les uns des autres, des hommes meurent dans le froid à des frontières lointaines, on frémit de douleur en les sentant si affaiblis là-bas.

Pourtant uniquement de vagues sons s’élèvent, c’est le silence, mais le silence où rien jamais n’advient. Nous sommes endoloris dans le silence. On ne peut plus rien dire. Il n’y a plus de mots. Il n’y a plus de pensées. Il n’y a plus de révoltes. J’écoute dans le silence un cours sur Spinoza, j’aime, mais tout glisse sur moi, à quoi bon, me dis-je en sourdine.

Nous sommes tous lointains et désunis et le froid de l’hiver, j’attrape quelques feuilles dans le jardin, je souris à une voisine de loin, nous sommes tous désunis, nulle révolte, nulle pensée, le silence qui ne dit rien ; comme le dirait Spinoza, il faudrait remplacer notre tristesse qui nous fige, par une joie, des joies qui nous feraient à nouveau nous mouvoir, une joie qui nous réunirait même désunis ; serait-ce peut-être le sentiment de l’espace infini, l’atemporalité de ce moment comme une ouverture sur l’espace infini, renouer avec la lumière et l’espace, nous abreuver de la lumière, et nos yeux alors même lointains clignoteraient de petites étincelles quand on se verrait, remplis du secret de l’espace, remplis du secret de la lumière. L’espace ouvert à nous comme une brèche, au temps oublié.         

Dans ce moment obscur pourtant tant de lumière.

Je t’aime chère humanité lointaine.

« Hors des ténèbres, parfois tourmentées dans son sommeil, des jets d’étincelles en fontaines bleues jaillissent à vue, révélant un secret, d’innombrables secret gardés. » Poèmes. D.H. Lawrence

Flora de Negroni