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Pour celles et ceux qui suivent cette depuis longtemps, vous savez que j’ai une logique toute personnelle en matière de plan de carrière.

Ainsi, mon CV fait 400 pages et est vendu en librairie. C’est ma carte à jouer, mon billet de sortie. Dans cette optique j’avais signé un contrat avec mon actuel éditeur. Non pour le montant des droits d’auteur ridiculement ridicule. Je suis un peu cruche mais pas à ce point !

Et, miracle… mon bouquin reçoit de bons échos. Naïvement, je me disais qu’ils feraient plaisir à mon éditeur. Aussi. Ben vous savez quoi ? On dirait qu’il s’en bat les noix.

Remarquez, c’est assumé. Il m’avait déjà dit que, comme je ne suis qu’un livre-de-poche, il ne me proposerait aucun salon du livre. Pas assez rentable. Par contre, j’imaginais qu’une auteure qui atterrit dans la presse nationale – et trouve même le soutien d’un blaguiste disruptif de France Inter – offrait une vitrine promo pour pas cher. Un petit partage sur le net, et hop, la pub est assurée ! Gratos. Ben vous savez quoi ? Je crois qu’il n’en a rien à foutre. Ainsi, dix jours après la parution de la pleine page me concernant dans L’Humanité, j’ai envoyé un mail : « Au fait, vous ne partagez pas les retours-presse de vos auteurs » ? No réponse. Pis une heure après, z’avaient mis le truc en ligne. A l’arrache ! Euh ? Je ne demande pas la charité non plus… Du coup, je n’ai pas relancé pour l’article concernant mon titre dans Le Journal du Centre. S’ils ne sont pas capables d’utiliser la presse publiée par Centre France – le groupe dont la maison d’édition fait partie – ben y’a du mal de fait !

A noter que mon éditeur doit être le seul en France – alors qu’il propose un catalogue obèse – à ne pas avoir de véritable site internet. Juste une pôve page Facebook. Ça n’aide guère à promouvoir les auteurs.

Du coup je me demande si, comme moi, l’éditeur a une logique toute personnelle en matière de plan de carrière… Si son ambition n’est pas davantage portée sur le placement des ouvrages en librairie plutôt que sur la vente effective des livres ?

Parce que rien que ce placement suffit à générer – brièvement – du pognon. Du fric qui ne ruissellera jamais jusqu’au porte-monnaie des assoiffé(e)s qui fournissent la matière première : les auteur(e)s.

Je vous explique ma théorie.

Le système fonctionne de la manière suivante : Quand le libraire accepte une nouveauté, cela s’appelle « la mise-en-place ». En échange de l’arrivée d’un livre dans son échoppe, il verse (à titre de provision) un pourcentage du prix du livre à l’éditeur concerné. On m’a indiqué le chiffre de 40%. Donc pour un livre à 10 euros – pas encore vendu – le libraire verse d’emblée 4 euros à l’éditeur. Deux mois passent et le livre n’est pas acheté. Forcément, y’a plus de 80.000 nouveautés par an ! Sauf que contrairement aux autres commerces, le libraire a cet avantage qu’il peut renvoyer l’invendu et être remboursé. Donc il réclame les 4 balles à l’éditeur. Celui-ci le rembourse. Le livre, lui, part droit au pilon.

Mais c’est con, direz-vous ? Eh bien non. Il peut y voir une logique financière.

Si un éditeur sort 10 ou 20 livres par mois. Des ouvrages imprimés entre 500 et 2.000 exemplaires vendus entre 7 et 20 euros. S’il en place 75% par exemple, y’a plein de brouzoufs qui rentrent dans ses caisses chaque mois. Même temporairement. Puis le mois d’après, il recommence avec 10 ou 20 nouveaux livres. Se constituant une trésorerie provisoire mais suffisante, puisque chaque remboursement aux libraires sera compensé par une nouvelle « mise-en-place ». Tenez, dans mon cas, j’avais (aux dernières nouvelles) 1500 livres placés sur un tirage de 2000. Mon bébé coûtant 7 euros, rien que ma pomme a généré dans les 4000 euros de « mise-en-place ». Perso, je ne verrai la couleur d’un éventuel écu que sur les ventes effectives, l’année suivant la sortie de mon chef-d’œuvre. Et même si je vends tout, je n’aurais même pas de quoi me payer un aller-simple aux Bahamas.

Certes j’ignore si les choses se déroulent vraiment de cette façon… J’ai parfois l’esprit tordu, faut bien l’avouer.

N’empêche que cela expliquerait pourquoi les éditeurs inondent le marché de livres invendables… et invendus. En attendant, les auteurs gueulent partout leur ras-le-bol d’être le dindon plumé de la farce d’une industrie soi-disant en crise. Pas pour tout le monde apparemment. Plusieurs éditeurs ne font-ils partie des 500 plus grandes fortunes de France.
Je vous rassure : le mien n’y figure.

Et à ce rythme… ce n’est d’ailleurs pas demain la veille qu’il en fera partie.

(dessin d Antoine Chereau qu’il est toujours aussi beau. Achetez ses albums !)

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