Paroles d’un homme que la société a trop vite classé, jugé, oublié.
Un licenciement… et le début d’un long tunnel
Mai 2008. Le lendemain de la fête du Travail, je recevais ma lettre de licenciement. En arrêt maladie, hospitalisé pour des problèmes de santé, mon employeur avait légalement le droit de me licencier après trois mois d’absence. J’étais un salarié stable, rarement absent. Et pourtant, en un instant, tout a basculé.
Commence alors une longue traversée du désert : des centaines de candidatures, des lettres de motivation, des entretiens… mais aucune suite. Juste des silences, ou au mieux, des réponses standardisées : « Malgré tout l’intérêt que présente votre profil, nous ne pouvons donner suite… »
Rien de personnel. Juste une absence de considération.
Trop vieux, trop expérimenté, pas assez rentable
Pendant deux ans, j’ai multiplié les démarches : candidatures spontanées, recherches quotidiennes via France Travail, lettres, mails, appels. J’ai décroché quelques entretiens… Mais toujours les mêmes retours :
- « Trop d’expérience pour ce poste. »
- « Trop âgé pour l’équipe. »
- « Vous avez occupé un poste à responsabilités, ce n’est pas ce qu’on cherche. »
J’ai pourtant investi en moi-même : j’ai entrepris une formation de quatre mois en logistique, validée avec stages à la clé. J’ai obtenu un CDD de cinq mois. L’entreprise était satisfaite, moi aussi. Mais pas de CDI : le poste est allé… à l’ami du fils du patron.
France Travail : peu de moyens, peu d’écoute
J’ai frappé à toutes les portes. Sollicité des formations supplémentaires, demandé du soutien, proposé des projets. Mais France Travail m’a souvent répondu par des refus :
- Formation refusée pour raisons budgétaires.
- Projet écarté pour manque de débouchés.
- Pas de financement pour une formation de peintre-décorateur… malgré mes cinq années aux Beaux-Arts.
Pire encore, les conseillers changent constamment. Un rendez-vous par an, parfois moins. Et des remarques blessantes : « Monsieur, vous n’êtes pas rentable. » ou « Vous devriez arrêter le bénévolat et chercher du vrai travail. »
Et pourtant, je n’ai jamais cessé d’agir.
Bénévole, engagé, citoyen : mais toujours “fainéant” ?
Depuis que je suis sans emploi, j’ai repris plusieurs formations (quand elles étaient accessibles).
Et j’ai fait bien plus que ça.
3 000 km à vélo, 50 kg de remorque, 35 villes visitées
J’ai traversé mon pays à vélo, 3 000 km avec une remorque de 50 kilos, en passant par 22 départements et en déposant des centaines de CV dans 35 grandes villes de France.
Mais je suis « fainéant »…
Engagé depuis 2016 dans L’Archipel des Sans-Voix
Depuis 2016, je suis bénévole à l’association “Archipel des Sans-Voix”, un collectif qui donne la parole à ceux qu’on n’entend jamais : chômeurs, précaires, invisibles.
Mais je suis « fainéant »
…Je me suis impliqué dans la vie citoyenne :
- Conseiller de quartier pendant un an
- Militant à la CGT des privés d’emploi
- Bénévole au Secours Populaire et au Samu Social de la Croix-Rouge pendant quatre ans
Je reste disponible pour toute personne en détresse, pour écouter, aider, orienter.
Mais je suis « fainéant »…
Le burn-out du chômage existe. Et il est silencieux.
On parle du burn-out professionnel, rarement du burn-out lié au chômage. Pourtant, l’isolement, le mépris social, le sentiment d’inutilité… finissent par peser.
Oui, j’ai fait un burn-out. Pas à cause d’un emploi. À cause de l’absence d’emploi. De la stigmatisation. De l’exclusion. De cette sensation d’être transparent.
7565 candidatures envoyées en 7 ans.
Une pression constante : “Accepte n’importe quoi, c’est mieux que rien”.
Mais si je m’étais résigné, je ne serais plus là aujourd’hui.
Alors, qui est vraiment utile ?
Je pose la question. Qui apporte une vraie valeur à la société ?
- Celui qui consomme, produit, s’épuise, puis s’affale chaque soir devant des programmes insipides ?
- Celui qui insulte anonymement les chômeurs et les immigrés sur les réseaux ?
- Ou celui qui, sans travail, donne son temps, écoute, agit, accompagne les autres, bénévolement ?
Et qui est le vrai parasite ?
Un chômeur actif et engagé ?
Ou un politicien qui s’accorde des privilèges tout en appelant les autres à “se serrer la ceinture” ?
Un banquier qui spécule avec votre argent, fait faillite, et réclame des milliards d’aides publiques ?
Je refuse de survivre. Je veux vivre.
À 50 ans, on me considère déjà comme “senior”, comme un poids. Comme un “cas désespéré”. Mais je refuse de baisser les bras. Je refuse qu’on me nie, qu’on me juge, qu’on m’efface.
Non, je ne suis pas un fainéant.
Je suis un citoyen, un travailleur sans contrat, un être humain digne d’écoute et de respect.
Merci d’avoir pris le temps de lire mon parcours.
Ce n’est pas une plainte. C’est un cri. Et peut-être, le début d’une prise de conscience.
Michel Catoire Fariello – 6 août 2025


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