Stéphanie DUBUS

Les 2 et 3 mars dans les Bouches-du-Rhône ont eu lieu des avant-premières du film « J’veux du soleil » de François Ruffin et Gilles Perret. Au total, ce sont plus de 2000 personnes qui ont assisté aux quatre séances sur Marseille, Gardanne et La Ciotat.

Lors de ce week-end, j’étais bénévole pour Fakir, le journal de François Ruffin. J’en fais partie depuis la sortie de « Merci Patron » en 2016. Nous étions quelques personnes à tenir un stand pour la vente des journaux et des livres du député-reporter.

La première projection a débuté. J’entends des cris, des applaudissements, les réactions des gens qui regardent le film. Ne l’ayant pas vu moi-même, je me demande ce qui peut bien déclencher tant d’exclamations.

Elle est d’une pudeur, d’une dignité déconcertante.

De la table, j’ai l’impression d’être à côté d’une salle de concert, et qu’une star de la chanson s’y produit. Cela attise ma curiosité. Je rentre dans la salle de projection. Je découvre Marie sur l’écran, filmée simplement qui dévoile sa colère, sa misère, sa vie, sa précarité avec le sourire d’une émotion qu’elle tente de cacher. Elle est d’une pudeur, d’une dignité déconcertante.

Marie représente toutes ces mères « Gilets Jaunes » qui ne s’en sortent plus, qui ont peur de ne plus pouvoir offrir d’avenir à leurs enfants. Qui sait ce que peut faire une mère désœuvrée ? Une mère aux abois ? N’importe quoi pour sauver ses enfants. L’émotion est palpable dans la salle qui déborde de ces gens qui se trouvent depuis quatre mois sur les rond-points de France.

Le film se termine sur la chanson du groupe Au p’tit bonheur, « J’veux du soleil » comme un hymne à toutes ces personnes qui souffrent depuis des années en silence et qui trouvent, enfin, le courage de hurler leur ras-le-bol, de crier leurs souffrances.

… je sors mon appareil-photo et je sais ce que je vais faire : récolter les impressions des gens après le film, en faire un montage et le diffuser …

Je retourne à la table, je sors mon appareil-photo et je sais ce que je vais faire : récolter les impressions des gens après le film, en faire un montage et le diffuser pour qu’un maximum de gens voient le film. Plus il y aura de monde qui verra ce film, plus les gens se rallieront à la cause des Gilets Jaunes. Et ceci ne peut se passer que par des médias intermédiaires, par toi, par vous, par moi.

A la Ciotat, je rencontre Laurence, je lui demande ses impressions sur le film, elle refuse d’être filmée, elle est encore trop dans l’émotion pour pouvoir parler face caméra. Elle est pleine de larmes qui coulent encore sur son visage. Laurence est infirmière, aime son travail, et l’a toujours fait avec une force et un amour incroyables. Mais aujourd’hui, elle ne peut plus, c’est fini. Ses chefs lui demandent de s’occuper de deux étages, elle n’a pas le temps, elle ne peut pas s’occuper correctement de ses patients quand c’est la base de son métier, ce pourquoi elle l’a choisi. Elle me raconte qu’au rond-point elle a trouvé des amis, des gens qui la comprennent, ceux qui sont dans la même situation qu’elle. Des gens qui travaillent dans des conditions déplorables, qui empirent de jour en jour. Elle est tellement heureuse de les avoir trouvés.

Plusieurs autour d’elle la soutiennent, l’appellent avec des surnoms bourrés d’affection et de complicité et lui rappellent qu’elle n’est pas seule. Ce groupe de 10 personnes qui s’est formé autour de moi déborde d’amour, de sincérité et de bienveillance.

Et là, je pense à ce gouvernement qui reste sourd depuis quatre mois et qui pire, les assène de : vous êtes des casseurs, des complotistes, des extrémistes, des fascistes, des antisémites. Ce gouvernement qui les accuse d’avoir fait fermer des commerces depuis trois mois, d’être la cause de tous les maux de la France.

Ce gouvernement qui ne sait leur répondre qu’en les tabassant, les gazant de lacrymogènes, les éborgnant, les mutilant.

Les gilets jaunes sauvent des vies.

Comment font-ils pour encaisser toute cette violence ? Comment font-ils pour ne pas abandonner ? Je les regarde et je leur dis ; « je ne sais pas quoi vous dire », je me sens tellement impuissante face à leur désarroi. C’est tellement d’émotions, de peines, de douleurs, ce qu’ils vivent. Malgré tout, ils sont souriants, heureux d’avoir retrouvé la fraternité, d’avoir quitté le virtuel de leurs ordinateurs pour de vraies relations humaines. Parce que le gouvernement fait une véritable erreur, c’est tout le contraire qui se passe sur les ronds-points de France. Les gilets jaunes sauvent des vies. Combien de ces personnes qui vivaient leurs problèmes dans la solitude avant ce mouvement ? Combien de ces personnes croulant sous les factures, les impayés, le surendettement, le travail qui ne paye plus, et même s’il paye, des conditions de plus en plus déplorables et invivables, affrontaient seuls ces difficultés? Une entraide existe entre eux, cela saute aux yeux. Je les regarde droit dans les yeux et je leur dis : « Vous avez sauvé des vies, vous avez sauvé des gens du suicide. Vous avez sauvé une vie, des vies, peut-être des dizaines, des centaines. Vous devez être fiers de vous, du combat que vous menez pour plus de justice sociale, pour plus d’équité.»

Parce que, qui sauve une vie, sauve l’humanité toute entière !

Stéphanie DUBUS

Tournage et montage : Stéphanie DUBUS (La Ciotat)

SORTIE EN SALLE le 4 Avril 2019

« J’veux du soleil » Bande annonce officielle du film

« J’VEUX DU SOLEIL ! » Bande-annonce non-officielle


Si vous souhaitez réagir à cet article, n’hésitez pas à laisser un commentaire (tout en bas de cette page). Vous pouvez aussi lancer un débat sur un sujet de votre choix sur le Forum de ce journal.