Au fil de mes cogitations, il me vient des questions de plus en plus saugrenues.
Celle-ci en est une. Il suffit d’ouvrir le journal pour savoir que le profit est ce qui occupe les esprits depuis maintenant une paire d’années. Si l’on en croit les femmes et les hommes chargés de gérer nos neurones entre deux plages de pub et qui s’intitulent aujourd’hui journalistes Dieu sait pourquoi, nous ne rêvons que de cours de bourse, de coups tordus et de coups foireux. C’est ce que nous enseignent les innombrables séries télé qui se succèdent sur nos écrans plats où les révolvers tiennent lieu de critique de la raison pure et où les conciliabules de conseils d’administration entretiennent d’intolérables suspenses, et pour lesquelles nous devons avoir une dévotion sans bornes…
En même temps, comme dirait notre nouveau maître à danser, pardon à penser, il faut bien remplir son estomac, se garantir du froid et mettre de l’essence (ou du diesel) dans la voiture. Jusqu’à nouvel ordre, notre corps humain, qui n’a pas évolué à la vitesse de l’éclair contrairement aux récentes conquêtes scientifiques et techniques qui font irruption dans notre espace vital depuis deux ou trois décennies, continue de faire son petit bonhomme de chemin comme s’il pouvait longtemps encore se contenter de deux bras, deux jambes, deux yeux et un estomac et de mollets plus ou moins flageolants…
Heureusement, grâce à quelques esprits éclairés postés à l’avant-garde de l’évolution de l’espèce humaine, dont notre éminente médaille Fields En Marche ! est l’une des plus emblématiques figures, les individus ordinaires que nous sommes n’en ont plus pour longtemps à se prélasser dans leurs médiocres performances biologiques… A bas les papys et les mamies plan plan aux prises avec leurs petits ennuis de santé et leurs baisses constantes de performances.
Qu’ils et elles sachent que la condition humaine n’est pas une partie de plaisir, et que l’ère des baby-boomers soixante huitards hédonistes et insouciants est close, et bien close.
Il est temps de faire place à l’Homme Augmenté et à la Femme Survitaminée. Il est possible aujourd’hui de voir la nuit comme en plein jour, de courir 100 kilomètres sans dormir et d’enchaîner les sommets alpins entre deux traversées de lacs à la nage avec un vélo sur le dos et une équation à résoudre de tête pendant le crapahut… Et certains parlent encore de prendre leur retraite à 60 ans ?
Honte à vous, mesdames et messieurs les profiteurs cyniques et calculateurs, qui comptez sur le nombre pour protéger vos acquis et tentez de retarder l’inéluctable marche du progrès ! Voyez comme les jeunes générations vous regardent avec sévérité et vous reprochent votre indolence coupable et pour tout dire votre complaisante indifférence à leurs difficultés croissantes à s’insérer dans le cours de la vie !
Oui, je vous le dis avec force, le temps est venu de vous exploiter vous-mêmes en donnant de votre personne à la collectivité, dans la joie, la bonne humeur, la bienveillance et la sobriété. Il est temps pour vous de modérer vos appétits. Il ne suffit pas que vous consacriez une part croissante de vos opulents revenus tirés des ces retraites par répartition honnies qui vous enkystent dans une sécurité trompeuse, à subvenir aux besoins les plus élémentaires de vos enfants et petits-enfants. Il faut maintenant retourner au turbin gratuitement sous forme de bénévolat, ou alors laisser la place définitivement à la jeune génération en vous débranchant et soulager d’autant les finances publiques…
Quand comprendrez-vous enfin que le but ultime de la vie sur Terre de nous autres frères et soeurs humain(e)s est la glorification de l’Entreprise, pas n’importe laquelle, non pas le lieu de production de richesses utiles à la collectivité, mais le lieu de collecte de tout l’argent disponible pour le concentrer en une masse indistincte et pour tout dire virtuelle, qui ne peut être diminuée de prélèvements confiscatoires tels que cotisations sociales, impôts et taxes, et surtout salaires, cette amputation intolérable de la formation du profit par des maîtres chanteurs potentiels que sont les travailleurs eux-mêmes, qui prétendent être payés en échange de leur travail !
Comprenez, braves gens, que malgré vos indéniables qualités humaines, qui permettent à la collectivité de fonctionner grâce à vos talents, votre dévouement, votre savoir-faire et votre disponibilité, il ne saurait être question de vous rétribuer sous de tels prétextes…
C’est le sens de l’enseignement constant de nos Docteurs en Economie depuis maintenant une trentaine d’années (répétez après moi) :
IL FAUT BAISSER LE COUT DU TRAVAIL !
IL FAUT BAISSER LES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES !
IL FAUT ALLEGER LES CHARGES !
IL FAUT PLONGER LE TRAVAILLEUR DANS L’INSECURITE
POUR QUE LE CAPITAL RETROUVE SA SERENITE !
Cela dit, certains esprits déraisonnables essaient d’instiller dans l’opinion l’idée que puisque il est de plus en plus difficile de vivre de son travail, chacune et chacun pourrait recevoir de quoi subvenir à ses besoins sans avoir à justifier d’une activité quelconque, en somme découpler le travail du revenu…
Une sorte de revenu garanti, en somme… Une sorte de rémunération d’actionnaire sans détenir d’actions, et puis quoi encore ?
A ces esprits mal informés et pour tout dire, malintentionnés, il n’est qu’une réponse à apporter :
TOUT PRELEVEMENT SUR L’ENSEMBLE DES RICHESSES ACCUMULEES EST UN ATTENTAT AU DOGME DE LA NECESSAIRE ACCUMULATION DES RICHESSES ENTRE DES MAINS DE MOINS EN MOINS NOMBREUSES.
Si vous êtes perplexes devant cette tautologie pourtant aveuglante, reportez-vous au dernier magazine FORBES pour avoir des nouvelles de votre argent mystérieusement disparu. Et gérez comme vous pouvez vos difficultés quotidiennes, en vous réjouissant de la bonne santé de l’industrie du luxe …
Car pour résumer cette situation qui manifestement vous échappe, rien ne vaut la citation de notre vaillant JUPITER qui décidément fait le job avec beaucoup de talent : “JE NE SUIS PAS LE PERE NOEL !”
Fermez le ban…
Andra BARNOIN (68200 Mulhouse)
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