A l’heure où j’écris ces lignes, nous sommes le samedi 23 mars. Il reste 9 jours avant la fin de la trêve hivernale. Le lendemain, c’est le 1er avril, jour des mauvaises blagues. Il paraît aussi que c’est le jour où on peut ressortir les plantes, qui ne risquent plus le gel. A condition qu’il ne gèle pas, on ne sait jamais avec ce réchauffement climatique…

Cette année, à Mulhouse, on va faire original. Cette année le 1er avril à Mulhouse, on ne remet pas les sans-abris à la rue, enfin celles et ceux qui n’y sont pas déjà … Et on met à l’abri celles et ceux qui n’ont pas trouvé de place au chaud. On fait une mauvaise blague aux fatalistes, aux déclinistes, aux pisse-froid pour qui le malheur des autres n’est pas grave, pourvu que ça ne soit pas le sien.

Regardez bien cette photo : elle montre un endroit dangereux où quelques utopistes se sont donné rendez-vous pour tenter de tordre le bras au destin. Pas nombreux, les utopistes. Pas assez nombreux, à vrai dire. Beaucoup de Gilets Jaunes parmi les utopistes, principalement venus du Kaligone, à qui il faut rendre hommage pour leur détermination, leur vigueur et leur endurance à secouer le cocotier. Mais d’autres militant(e)s aussi, syndicaux, associatifs ou politiques, qu’il ne faut pas oublier …

Cependant, s’il faut être majoritaires pour avoir raison, alors nous avons eu tort. C’est la loi du sport, tu essaies, tu perds, tu as tort. Mais tu as eu raison d’avoir essayé.
Cette fois, il faut marquer l’essai. Mettre tout le monde à l’abri sur un territoire, c’est une noble cause, plus noble en tout cas que changer et rehausser les bordures de trottoir ou repaysager une énième fois le parc devant l’hôtel du même nom.

J’entends déjà les commentaires : mais c’est impossible ! Il y a le règlement, il y a les sous, il y a les lignes budgétaires, il y a le guichet du Département, celui de la Mairie, de l’Agglo, de la M2A, de la Commission Européenne, de la Confédération Jupitéro-Martienne sans compter la CAF et Pôle Emploi, manque plus que celui de la SPA… chacun son guichet et les pauvres seront bien gardés…

Et puis il y les  dégradations, tous ces demi-sauvages qui ne savent pas sonner à une porte qu’on ne leur ouvrira de toute façon pas, mais il faut respecter le protocole … Et puis il y a l’appel d’air, et il y a les électeurs, que vont-il penser de ce laxisme, cette façon de gaspiller les sous qui reviennent en priorité aux banques et aux milliardaires ? Ah, le qu’en dira-t-on !

On se croirait au XIXème siècle, au bon temps de la bureaucratie tant décriée, mais si ardemment pratiquée…
Pourtant, on a des cartes en main. Il y a à Mulhouse des centaines d’associations, regroupant des milliers de bénévoles qui ont poussé et prospéré sur le terreau de la misère, au fur et à mesure que les usines fermaient et que l’on s’habituait lentement à l’idée que le progrès avait une marche arrière, et que demain pouvait être pire qu’aujourd’hui… Terrible résignation qui nous a fait accepter tout et n’importe quoi, surtout n’importe quoi.

Alors, de quoi s’agit-il ? Il s’agit de mettre à l’abri, d’abord dans un lieu provisoire toutes celles et ceux qui ne savent où aller. Bien sûr ils ne sont pas tous dans la même situation et n’expriment pas les mêmes besoins. Mais les associations savent les prendre en charge, chacune dans son domaine, et savent mobiliser leurs militant(e)s pour que tout se passe au mieux. Question de cohérence et de synergie, internet et le téléphone ne sont pas faits pour les chiens..

Regardez mieux la photo : il y a des tentes devant un bâtiment vide, en bon état, chauffé, éclairé et alimenté en eau. Ce bâtiment a servi trois mois, du 14 décembre 2018 au 14 mars 2019 à abriter 35 personnes dans 6 ou 7 chambres, dans des conditions d’hygiène et de sécurité impeccables. Et puis comme d’habitude, il a fermé, plus de sous qu’ils disaient. De la charité à durée déterminée. C’était bien, ça a mis plus de gens à l’abri, bravo à la municipalité qui a fait la preuve que quand elle veut, elle peut.
Mais il est grand, ce bâtiment. Dans une autre vie pas si lointaine, il était conservatoire de musique, et apparemment il remplissait bien son office.

Alors il peut reprendre du service tout de suite. Neuf jours pour mettre des lits, monter des cloisons provisoires, amener des tables, des chaises, des bureaux, des ordis, de quoi faire la cuisine en grand, pour organiser les tours de bénévoles, pour l’accueil et  la répartition des résidents…
Et on s’organise. On s’en fout de la fin de la trêve, on  s’en fout des règlements quand ils entravent au lieu de faciliter, la guerre contre la misère continue … On monte des projets avec les gens, on les accueille, on les écoute, on les laisse s’organiser, ça sait des choses les gens même à la rue. C’est même capable d’occuper des emplois, et même d’en créer pour peu qu’on s’inspire de la stratégie des territoires zéro chômeurs …
Voilà, c’est du Dédé tout craché, un chien dans un jeu de quilles au milieu d’un magasin de porcelaine, poussé par l’urgence et bouffé par l’émotion … Quelquefois utile, de laisser parler ses tripes …

Je sais, pour avoir participé à certains, qu’une foule de contacts et de réunions ont eu lieu autour de ce problème, et que de nombreux acteurs ont maintenant envie  que Mulhouse devienne une Ville Zéro SDF.  Ça aurait de la gueule pour l’image de marque, « Mulhouse, première ville Zéro SDF de France », non ? Et puis ça trancherait avec la com’ de toutes ces collectivités qui vous parlent d’avenir radieux tout en s’accommodant de la misère galopante qu’on planque sous le tapis …

Mais avec mon légendaire sens de l’organisation, je risque fort de semer plus de confusion dans ces instances que d’efficacité… Alors, il est plus prudent qu’ils et elles fassent sans moi … Vous vous connaissez, vous avez l’habitude de gérer, alors rencontrez-vous et agissez, vite.
Je voulais seulement que l’on parte d’un moment fort, celui où on décide toutes et tous ensemble que plus personne ne dormira dans la rue à Mulhouse à partir du 1er avril

Le samedi 30 mars, le DAL appelle à une grande manifestation contre la mise à la rue. Soyons nombreux, très nombreuses à y participer.
Montrons que laisser dormir les gens dans la rue dans un pays soi-disant développé et civilisé, est une anomalie et une abomination.

Dernière chose : et mon climat ? Et mon pouvoir d’achat ? Et ma retraite ? Et ma sécu ? Rassurez-vous ! Une collectivité soudée autour des plus faibles, c’est une société solidaire pour tous ses membres, qui lutte contre la fatalité et la dégradation de ses conditions de vie.

Alors, à bientôt pour de nouvelles aventures !

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André BARNOIN dit Dédé, de Mulhouse (68)

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