A l’appel de l’Archipel des Sans-Voix, j’ai posté cette contribution sur le FORUM de ce journal pour que chacun puisse y réagir et que nous puissions tous en débattre, et qu’au final ces idées soient intégrées dans la synthèse qui sera transmise au #GrandDébat et à la Fédération des Acteurs de la Solidarité.
Pour ceux qui n’iront pas visiter le Forum, voici ces propositions.
Suite à l’appel de l’ADSV de mettre en place une discussion ouverte vis-à-vis du Grand Débat National, je réponds par une série de propositions. En revanche, ces propositions sont pour le moins structurelles, c’est-à-dire qu’elles ont comme modalités de transformer des habitudes, des politiques, des structures mis en place depuis parfois longtemps. Ainsi elles ne sont négociables qu’avec une force politique capable de les penser et les optimiser. La première partie du menu est un volet social, la deuxième un volet fiscale.
Pourquoi ? Dans un premier temps car étant moi-même en précarité, le logement est quelque chose de fragile (12 millions de français dans le mal-logement). D’autre part car le Grand Débat National émane d’une crispation de la fiscalité en France, et de ce fait, elle touche tout le monde.
Les propositions sont présentées comme un buffet à volonté. C’est-à-dire qu’il y a des mesures à différents échelons, du plus simple au plus complexe, politiquement parlant. Ainsi, chacun selon son désir militant peut y trouver appétit, de l’entrée jusqu’au dessert, en picorant ce qu’il préfère.
La mise en bouche
1. Interdire l’expulsion
Interdire l’expulsion en hiver c’est bien, mais on meurt également à la rue en été…
Alors contre les idées reçues, l’expulsion ne permet pas de faire des
économies ! C’est l’expulsion qui est toujours plus coûteuse que le
maintien au logement. Et pour cause : les frais sociaux et médicaux, le
coût de l’expulsion notamment avec la force publique, le coût des
services pour les sans-abris etc. Les estimations des expérimentations
menées en Autriche et en Allemagne montrent qu’un euro dépensé dans la
prévention des expulsions, permet d’économiser 7 euro de dépenses
d’hébergements d’urgences et d’insertion sociale. Aux Pays-Bas, un euro
investi dans cette prévention permet d’économiser 2,20 euros.
Ainsi nous devons explorer ces expérimentations avec un véritable dispositif d’aide, de prévention, et d’orientation pour les personnes en grande difficultés financières. De plus, l’encadrement des loyers par l’État serait indispensable afin d’empêcher les augmentations massives de baux dans les plus grosses villes, relayant ainsi des couches de populations loin des zones d’activités économiques, les rendant par ce procédé invisibles…
L’entrée
2. Construire par an 100 000 logements sociaux et très sociaux.
Le mal-logement touche des millions de personnes en France. Encore
aujourd’hui des centaines de milliers de personnes ne vivent pas sous le
même toit régulièrement, ou sous aucun. Ainsi une politique de logement
pour les plus démunis est indispensable.
La création de logement économe comme le fait la Fondation Abbé Pierre
en partenariat avec le privé et l’État est intéressant. Cela permet de
diminuer la dépense énergétique annuel car il n’y a pas besoin de
chauffage, l’isolation du bâtiment est renforcée, toutes les menuiseries
sont équipées d’un triple vitrage et la production d’eau chaude
sanitaire est complétée par des capteurs solaires. Ainsi, des personnes
et famille avec des faibles revenus peuvent y loger et se
(re)construire.
Plat principal
3. Oui au logement d’abord, non à l’hébergement d’urgence
L’hébergement d’urgence (HU) est certes indispensable pour toutes les
personnes sans-domicile, cependant il est coûteux, peu efficace dans
les solutions contre l’errance, à court terme empêchant de travailler
dans la durée les difficultés des personnes, autant affectives, sociales
qu’économiques. Ainsi, il faut réfléchir à un plan de Logement pour
remplacer progressivement l’HU.
L’exemple Finlandais est intéressant, depuis 30 ans, le nombre de
sans-abris est passé de 20 000 personnes à 6644 personnes, soit 3 fois
moins. La Finlande a abandonné ses centres d’accueil de nuit pour
construire ou rénover des nouveaux logements avec un investissement dans
leurs constructions mais également dans la formation des professionnels
et dans du matériel médical.
Ainsi, on devrions suivre cette démarche, toutes adaptations admises,
avec un accompagnement pluri-professionnel pour les personnes à la rue
qui y sont logées. Ce point 3 est au lien avec le numéro 2 sur les
logements économes.
La Salade
4. Rétablissement d’une véritable taxation sur le capital / sur la grande richesse
La fuite des riches est une illusion libérale qui s’est trop facilement ancrée dans nos esprits.
Avant la réforme la fuite représentait 170 millions par an . Avec la
modification de l’ISF, c’est 4,5 milliards par an sans aucun garantie
d’investissement. En supprimant une partie de l’ISF, on perd donc en une
seule année (4,5 milliards €) ce que nous perdions en 26 années avant
la réforme (170 millions par an). Son rétablissement est donc une
question de cohérence et de justice.
La suppression de la taxe sur les dividendes (1,8 milliard €) dont Édouard Philippe a promis de rembourser les actionnaires (5,7 milliards € en 5 ans). Ainsi que la mise en place de la Flat Tax sur les revenus du capital (1,3 milliard €) avec les 11 milliards de diminution d’impôts pour les entreprises d’ici 2022 ne sont que des exemples de cadeaux fiscaux qui seront répercutés sur les ménages par diminution de la dépense sociale et publique. C’est pourquoi, l’État se doit d’imposer une véritable taxation sur les revenus du capital et sur les dividendes afin de sectionner la grande richesse à la gorge, et ne pas demander toujours au même, les ménages des classes populaires et moyennes de trinquer.
Afin de faire passer la salade et sa vinaigrette un peu trop pimentée…
Le trou normand
5. Répartir plus justement l’impôt sur le revenu.
L’impôt est bafoué, décrédibilisé alors qu’il permet que nous
puissions vivre en collectivité. C’est ce qui permet d’instruire, de
rendre un service à la population, de rendre la justice, d’investir, de
développer les territoires, à donner des prestations sociales et aides
sociales…
Or s’il est aujourd’hui méprisé, c’est parce qu’il est injuste. Il faut
donc recréer une véritable politique fiscale. Ainsi au lieu des 5
tranches d’impôts actuels, il faudrait les doubler (10 ou aller jusque
14) pour répartir plus justement l’impôt sur le revenu et la csg. En
conséquence chacun payera selon ses moyens avec un taux beaucoup plus
adapté.
Le fromage
6. Une véritable lutte contre la fraude et l’évasion fiscale
Entre ceux qui font le tour des pays avec leurs passeports et
nationalités différentes comme un self service pour payer moins
d’impôts, et ceux qui arrivent à frauder par des mécanismes divers, le
préjudice s’évalue aujourd’hui à 80 milliards € par an. De plus, lorsque
que Macron allège le dispositif contre l’évasion fiscale (Exit Tax), on
sait que la bataille est déjà perdue.
C’est pourquoi il faut partir à la chasse des fraudeurs, de ceux qui
cachent leurs argents dans les paradis fiscaux. L’État doit augmenter
les moyens du FISC avec notamment un plan de recrutement des
contrôleurs. Faire sauter le verrou de Bercy et protéger les lanceurs
d’alerte. Ceci financera la meilleure répartition de l’impôt (point 5).
Le dessert
7. Seuil de richesse
La misère des pauvres ne vit que grâce à l’opulence des riches.
On a réussi à mettre un seuil de pauvreté décrétant qu’en dessous d’un
certain niveau de ressources, des mécanismes institutionnels devaient
être mis en place pour aider la personne en détresse. C’est une question
de justice sociale. Cependant cela devrait également marcher dans
l’autre sens. Il est indécent qu’une personne puisse gagner en un mois
ce qu’une autre gagne en une année. Ainsi, il est important de mettre en
place un seuil de richesse. Au dessus de lui, une taxe de 100 % d’impôt
sera mise en place. Par exemple si on fixe un seuil à 10 000 € mensuel
(1 % de la population), les personnes qui touchent au-dessus seront
taxées à 100 % par un impôt redistributif qui pourrait également
financer la répartition de l’impôt sur 10 tranches (point 5).