Je suis une maman solo, en couple avec un autiste, et y a pas de case pour ça.
À l’heure où on nous présente l’autisme quasi comme une particularité « drôle » et étrange sans en montrer les conséquences, à l’heure des séries TV sur le sujet et des grands engagements de l’État, il me semble important de rappeler que la vérité de notre société en ce moment c’est par exemple ce que je vis tous les jours.
Chaque matin je me réveille en me demandant pourquoi… et puis après je me souviens que je sais pourquoi… Pourquoi je suis dans une situation de précarité telle que celle-là ? pourquoi personne ne se soucie de moi ? pourquoi j’élève mes enfants seule face à l’ignorance de la société et de mon environnement ?
J’ai fait un choix… celui d’aimer plutôt que fuir …
J’ai fait un choix… celui d’aimer plutôt que fuir… j’ai rencontré le père de mes enfants il y a 8 ans… j’ignorais… il jouait si bien le jeu… et puis le temps passant, des incompréhensions… des mensonges… un gouffre financier… de l’irresponsabilité… mes économies qui venaient combler son absence… ma fille était née… et les choses empiraient, son comportement était celui d’un odieux personnage… et pourtant il semblait si perdu et souffrant intérieurement… il m’avait promis la lune, j’allais me retrouver à la rue avec ma fille… au moment où je l’ai rejoint j’ai fait le choix de la famille plutôt que celui de la carrière professionnelle. Je suis venue « m’enterrer » dans un trou de verdure… et je voyais chaque jour ma vie se déliter de plus en plus… vous me direz que cela arrive à plein de gens… des femmes qui souffrent y en a plein les rues… oui c’est vrai… mais lui il avait vraiment l’air de ne pas se rendre compte de grand chose…
Un jour, lasse de ses mots et de son incapacité à réagir… lasse des courriers d’huissiers, j’ai cherché un boulot et je suis partie avec ma fille à une cinquantaine de kilomètres… pour que nous ayons un toit et que nous puissions manger… car non seulement il ne gérait rien, mais il ne faisait pas ses papiers, ne payait ni loyer ni manger mais trouvait le moyen de s’acheter des bonbons ou autres futilités… je suis partie mais je ne l’ai pas abandonné, je l’aimais… je l’aime… de loin j’ai toujours été là et je le suis toujours…
Surdoué !
Un jour de discussion j’ai eu un éclair de lucidité… Surdoué… une mémoire exceptionnelle, incroyable même… Surdoué… Il est allé faire le test qui a mis en évidence sa « surdouance » mais aussi ses troubles de l’attention…. je savais bien qu’il ne faisait pas exprès… et puis cela n’expliquait toujours pas son « inhumanité », son absence d’empathie, son irresponsabilité, ses comportements inappropriés… eh oui autiste… !!! Il est autiste… il donne si bien le change que c’est invisible, quasi imperceptible… la plupart des gens le considère juste comme un connard… mais pas comme un autiste, et pourtant… il a entendu qu’il était différent… il a accepté de se faire aider mais par qui ?
L’aventure continue… je suis seule avec un homme qui a toute l’apparence du connard mais qui en fait est atteint d’autisme… il n’a pas d’amis… sa famille ignore cela et semble me prendre pour une dingue ou en tous cas… ignore la situation dans laquelle nous nous trouvons… sa situation s’étant aggravée, il vient vivre chez moi avec notre fille… j’assume tout financièrement car il n’a fait aucun papiers et est dans une situation catastrophique qu’il ne mesure même pas… au quotidien nous vivons avec une personne apathique, absente, peu sympathique, tournée sur elle-même, qui a des troubles du comportement, des attitudes déplacées et des crises autistiques régulières… et je suis seule avec ça… je travaille à temps partiel et j’ai peu de moyens… il est compris dans mon super panel de la CAF comme membre de ma famille mais sa situation me met dans une difficulté incroyable…
« Mettez-le dehors et vous retrouverez une meilleure situation. »
Je demande aux services de la CAF de l’aide, la réponse est sans appel : « Mettez le dehors et vous retrouverez une meilleure situation« … j’interpelle des médecins qui me disent « mettez le dehors, vous allez vous enfoncer« … je fais des pieds et des mains pour qu’il soit diagnostiqué et pris en charge… deux ans de galère… avec un homme inconscient à côté, qui, lui, autiste, ne fait aucune démarche et est particulièrement insupportable d’autant plus vu sa situation… il ne supporte pas la frustration… pas de boulot pas d’argent veut dire frustration… pas de reconnaissance égal frustration… pas de repas comme il veut (moyens financiers limités et vie de famille) égal frustration… un rythme de vie de famille pas adapté à lui… les réveils d’un enfant de 3 ans sont trop tôt au vu de ses troubles du sommeil etc. etc. Ingérable… et je suis seule avec tout ça… autour de moi tout le monde est unanime : « Fuis-le », quitte-le »… le mettre dehors ? et ??? Je compte les centimes pour acheter à manger… et tout le monde s’en fout… il paraît que je me suis mise toute seule dans cette situation… je suis surdiplômée je n’ai qu’à prendre mes gosses, et partir pour un boulot bien mieux payé et trouver un autre mec qui lui gagnera de l’argent et m’aidera… oui c’est vrai concrètement, c’est la vérité mais comment dans ma tête je pourrais me sentir bien en faisant un truc pareil ? alors je suis là, je le porte et l’accompagne sans même qu’il s’en rende compte… après de multiples aventures je finis par trouver un psychiatre qui nous écoute… au début il ne me croit pas… puis il accepte de le revoir… et enfin… dossier MDPH, reconnaissance de handicap, curatelle renforcée… ouffff… me voilà soulagée… j’avais lu sur Internet qu’il existait des sortes de thérapies, qu’il pouvait s’améliorer, que peut-être nous pourrions avoir une vie de famille un peu atypique mais meilleure que celle que je subissais… j’espérais..; mais le verdict est tombé… il est très autiste et très intelligent, son intelligence est au service du masque de son autisme et nul ne pourra faire mieux que ce qu’il fait déjà… donc c’est impossible… il est invivable à vie… entre temps j’ai eu un petit garçon, mon accouchement a été un cauchemar, il a duré 6 jours avec un autiste à côté de moi sans empathie bloqué sur son écran d’Ipad qu’il regardait inlassablement pour compter les écarts de contraction… à pleurer… et personne pour me soutenir, juste des personnes pour juger à côté…
y a pas de case pour ça
Quelques mois plus tard en négociant avec la tutrice elle finit par entendre qu’il faut lui trouver un logement, je fais les démarches et il a enfin un chez lui…
au-delà de toutes convenances sociétales, au-delà de toute norme sociale j’ai choisi l’amour… seul l’amour peut expliquer un tel engagement une telle rage… et pourtant chaque jour je suis acculée de factures, l’empilement des soucis financiers me lasse… je suis maman solo de deux enfants en couple avec un autiste sous tutelle inconscient du monde et de ses contraintes ou obligations vivant séparément… et y a pas de case pour ça… on parle d’inclusion mais très honnêtement avec tout ce que j’ai vécu j’ai envie de dire que très souvent ce serait mieux de laisser tomber de courber l’échine et de rentrer dans les cases… de me séparer, de trouver un mec « normal » qui m’aidera à tout assumer et tout porter et en route… fi de tout le reste… malheureusement je sais qu’au fond de moi je ne pourrais y trouver la paix… la paix a le prix que je paie chaque jour… celui de « hors case »…
Louise (Pseudo)
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