Pour une démocratie libératrice

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Il y a de cela presque deux ans nous avions mené avec mes ami·e·s d’Alternatives et Autogestion une réflexion en vue des municipales de 2020. Nous n’avions pas de pensées électoralistes hégémoniques sous le coude ; nous n’avions que nos idées, nos valeurs à proposer à celles et ceux qui voulaient nous écouter.

Nous partions du principe que l’animation de la cité, c’est l’affaire de l’ensemble des personnes qui y travaillent, dorment, mangent, rêvent, se révoltent parfois, luttent, espèrent, vivent, etc. … En un mot, c’était notre affaire. Nous avions rassemblé des documents, des réflexions diverses et variées, des expériences vécues, et constaté que le monde allait très mal et que la démocratie était un mot souvent vide de sens.

Face à ce constat nous affirmions qu’il fallait passer du statut de « sujet » à un rôle d' »acteur » qui s’engage et prend en mains sa destinée. Notre réflexion s’adressait à la fois aux habitants des grandes villes, mais également aux petites localités où, à notre avis c’est souvent plus facile et où une expérience réussie pouvait servir d’exemple. Nous avions pour cela en tête l’aventure autogestionnaire et de démocratie active que j’avais menée moi-même avec d’autres pendant presque un quart de siècle à Lutterbach, une commune de 6.000 habitants à quelques kilomètres de MULHOUSE.

Fort de ce constat nous nous sommes posé trois questions successives :

  • Avec qui allons-nous faire ?
  • Comment allons-nous procéder ?
  • Qu’allions-nous proposer ?

À la première question nous avions répondu : avec les organisations politiques et citoyennes qui nous semblaient être en adéquation avec nos valeurs, et également et surtout avec les non organisés ;

À la deuxième la réponse était également très simple : nous envisagions d’inviter les représentants des organisés et les autres à une rencontre pour discuter de cette proposition et programmer le travail qui en découle en leur demandant de relayer cette information à leurs militants, leurs proches et leurs sympathisant·e·s ;

Quant à la troisième question nous avions suggéré :

  • l’organisation d’un collectif citoyen.
  • une conférence de presse annonçant notre initiative
  • une succession de réunions à thèmes sur des thèmes qui rentraient dans le cadre de la politique locale et municipale
  • des appels à candidatures
  • une assemblée générale permettant à certain·e·s de se présenter et à d’autres de s’investir en tant que citoyen·n·e·s actif·s·ves dans le cadre d’un conseil citoyen
  • de désigner par consensus ou à défaut par vote les candidates et les candidats et rien ne devait nous empêcher de désigner par exemple 1/3 par tirage au sort

Et c’est ainsi que tout s’est mis en route : des personnes issues d’organisations telles que Europe- Écologie- les Verts, le PCF ; La France insoumise, Génération.s (le mouvement de Hamon), Place Publique, même le PS et évidemment Alternatives et Autogestion et aussi des citoyennes et des citoyens en dehors des partis.

Les uns manifestaient leur intérêt à s’engager par voie électorale, les autres étaient prêts à mener des réflexions et des actions dans le cadre d’une citoyenneté critique et active.

Les rencontres mensuelles étaient suivies par un public certes modeste (environ 20 à 30 personnes) mais fidèle et, me semblait-il déterminé à aller au bout de l’aventure.

Au début on ne parlait pas du tout de liste, ni de place sur la liste, certain·e·s (tels les membres du PS) venaient s’informer et repartaient ailleurs ; d’autres s’informaient ailleurs et …revenaient !!!

Ce n’était pas toujours l’enthousiasme, mais la démarche se poursuivait, devenait plausible et réaliste. Certes on ressentait parfois un climat tendu, des rivalités apparaissaient, mais … on tenait bon !

En ce qui concerne la composition de la liste et du conseil citoyen nous avions proposé que celles et ceux qui avaient participé à nos rencontres pouvaient faire acte de candidature soit pour être présent sur la liste en vue des élections, soit pour faire partie du conseil citoyen dont le rôle était d’accompagner, dans une démarche à la fois critique et constructive, les personnes figurant sur la liste pendant et après la campagne électorale.

Par la suite, et après validation de la liste des candidatures, il était proposé de présenter les personnes qui semblaient susceptibles de figurer dans les premières places de la liste de manière à permettre à l’ensemble des éventuelles composantes d’être représentées. Ce premier exercice s’était déroulé de manière correcte, nous avions réussi, après quelques hésitations, à établir une liste de personnes représentant l’ensemble des courants politiques précités, y compris le courant citoyen.

Par la suite nous envisagions de procéder à un premier tour de vote pour désigner la tête de liste et à tour de rôle les places suivantes. Et …c’est là que les rivalités se firent sentir, et nous avions compris qu’il fallait créer un choc permettant de maintenir la cohésion du groupe. Et c’est ainsi qu’au niveau des Alternatifs nous avions annoncé que nous retirions notre candidature pour la première place afin de créer un consensus permettant de présenter une seule candidature. Ceci a été suivi d’effet et une personne représentant les verts a été élue à l’unanimité. S’agissant d’un homme, il fallait présenter une femme pour la deuxième place et là aussi nous avions réussi à nous mettre d’accord pour une candidate issue de Génération.s ; dans la foulée une candidate issue de la société civile a également été désignée pour la quatrième place, il s’agit en l’occurrence de notre amie Isabelle Maurer.

Nous pensions sincèrement que le candidat des Alternatifs pour la troisième ne poserait pas de problème étant donné qu’il s’était désisté pour la première, qu’il avait participé activement à nos réunions préparatoires et … qu’il était connu et reconnu.

Mais le PCF, soutenu par les Verts et Génération.s était d’un avis différent, le naturel reprenant le dessus en quelque sorte.

Il n’était hélas plus question de consensus, et … les arrangements, les contacts entre partis traditionnels, les rapports de force refirent leur apparition !!!

Alors que nous reste-t-il à faire ?

Abandonner le navire ou accepter la place qu’on veut bien nous laisser ? À l’heure où j’écris ces quelques lignes je n’en sais trop rien.

Reste peut-être la possibilité de repousser au maximum la désignation pour les dix ou quinze premières places (à l’exception de celles déjà acceptées), relancer des citoyennes et des citoyens hors partis et provoquer une Assemblée générale permettant à toutes et à tous de faire les choix définitifs en réservant évidemment des places aux non-encartés. Et rien ne devrait nous empêcher de prévoir qu’une partie soit désignée par tirage au sort !!!

Il s’agit évidemment d’une proposition totalement à contre-courant qui aura néanmoins le mérite de secouer le cocotier et de démontrer que la politique, c’est l’affaire de tout le monde.

En cas de refus de la part de nos partenaires (ce qui est fort possible à l’exception des représentants de la France Insoumise et de la représentante de la société civile) eh bien on restera sur la liste, en maintenant notre candidature pour une place dans les trois premiers, mais en acceptant éventuellement une autre place tout en mettant un peu la pédale douce pour notre investissement.

Cette histoire démontre à mon avis que la marge de manœuvre reste réduite pour des personnes qui veulent sortir des sentiers battus.

Dans les petites communes les possibilités sont évidemment plus grandes et il faudra nous attacher à rechercher et à trouver des localités où de telles idées peuvent être prises en compte.

Mais … dans les villes moyennes et les grandes villes les partis bloqueront toute démarche innovante et… à mon avis ils ne servent plus à grand-chose, ils restent programmés pour prendre, gérer ou reprendre LE POUVOIR et laisseront des miettes à celles et ceux qui sortent du rang.

Il s’agira donc de chercher à se passer de leur concours en rendant visibles les invisibles.

Et partant du principe que partout il y a des personnes ou des groupes de personnes qui réfléchissent, luttent, expérimentent, proposent, mettent en action leurs utopies qui deviennent parfois réalistes, il s’agit de prendre conscience de cet état de fait, de les laisser agir, d’apprendre à s’écouter (pour mieux se comprendre) de créer du lien et …. de provoquer ainsi un rapport de force capable de renverser cette montagne d’égoïsme qui opprime ces femmes et ces hommes qui bien souvent vivent dans l’exclusion et la précarité ou d’autres qui manifestent leur solidarité active.

Et … en s’appuyant sur ce potentiel on peut imaginer des rencontres à intervalles réguliers où l’on échangera nos idées et nos réalisations et où on apprendra à se serrer les coudes, au lieu de jouer des coudes !!!

Voilà la conclusion globale que je tire de cette expérience mulhousienne.

J’espère que j’ai été clair et compréhensible et vous dis comme en 68 : « Continuons le combat »

Roger Winterhalter – Citoyen du monde