« Il faut baisser le coût du travail « ! C’est le refrain à la mode. On ne peut pas ouvrir un journal ni entamer une conversation de bistrot sans prendre dans les dents cette incantation lancinante comme le ronronnement d’un moulin à prières. C’est un bruit sourd qui couvre tout. Vous avez beau vous mettre des bouchons dans les oreilles, le bourdonnement se glisse dans vos pensées les plus éloignées des préoccupations bassement matérielles
On ne peut pas envisager d’acheter un objet quelconque, sans se poser la question de savoir si on ne pourrait pas obtenir la même chose pour trois centimes de moins en le faisant venir de l’autre bout du monde, en le payant en quatre fois sans frais si possible …
Il en résulte que la simple idée de payer un centime de trop met en sueur la moitié de l’humanité, qui est prête à prendre le fusil pour défendre son pouvoir d’achat sur le dos de l’autre moitié, sans se rendre compte qu’en mettant la pression pour obtenir tout sans rien payer, cette moitié creuse sa tombe et engloutit ce qui lui reste de dignité en s’essuyant les pieds sur le dos de ceux qui triment toujours plus, toujours plus vite et toujours plus bon marché… Et justifie que d’autres plus puissants s’essuient les pieds sur leur dos à eux …
Car du travail, il y en a plus, ma bonne dame ! Et nous sommes si nombreux à en chercher, qu’il faut bien trouver quelque chose pour faire la différence : Ceux-là de l’autre côté de la Planète, ils font ça pour un bol de riz. Alors nous qu’est ce que vous voulez, on n’a pas l’habitude, et le patron, l’investisseur, celui qui crée la richesse, quoi, il s’en va créer des emplois là où ça lui coûte moins cher, et que ça rapporte plus…
Faut le comprendre aussi, le pauvre riche, avec tous les impôts qu’on lui pique dans notre enfer fiscal, il voudrait bien, mais il peut plus, c’est Pierre du MEDEF qui l’a dit à Jupiter : Les français n’ont toujours rien compris : les Allemands et les Anglais, eux, sont en avance sur nous, question résignation : ils l’ont dit à leurs Tatcher, Merkel et tutti quanti : ça va, on a compris, arrêtez de taper, on y va au boulot, donnez-nous ce que vous pouvez, de toutes façons on n’a besoin de rien, du moment que vous ne partez pas avec la caisse, alors si à la limite vous voulez qu’on bosse gratos, ok si c’est bon pour la compétitivité de notre économie…
Enfin, surtout des vôtres, d’économies, mais bon on est tous dans le même bateau, non ? Vous au pont promenade et nous dans la soute à charbon, mais au fond, quelle différence ? Au moins on est l’abri des coups de soleil !
Bosser gratis, répond l’entrepreneur responsable social philanthrope créateur d’emplois ? Ca va pas, non ? Et si on ne vous paie pas, avec quoi vous allez payer le loyer, les courses et tout ça ? Non, non, on va vous donner juste de quoi pas crever tout de suite, si vous vous débrouillez bien, un mois vous mangerez, mais vous dormirez dans la voiture, et le mois suivant, le contraire : rien à becqueter, mais dodo dans un lit pour ne pas avoir la lombalgie recroquevillé toute la nuit sur la banquette gelée de la bagnole …Parce que quand même il faut le rendement au boulot, hein ?
Et puis, rassurez-vous, les restos du coeur c’est pas fait que pour les chiens : pour les chiennes aussi pendant les mois sans bouffe !
Mais finalement, ce n’est pas une si mauvaise idée, de faire travailler les gens à l’oeil ! Si tout le monde acceptait de ne pas être payé, on pourrait rapatrier les usines en France, et non seulement on ferait des économies sur les salaires puisqu’on vous donnerait les pièces jaunes qui restent au fond des poches une fois qu’on a déposé les liasses à la banque … Mais en plus on ferait des économies de transport, puisque les marchandises n’auraient plus besoin de passer des semaines sur les mers avant de rejoindre les têtes de gondole !
Sans compter que ce serait bon pour le climat ces économies de fuel, vous voyez qu’on y pense à ces satanés gaz à effet de serre !
Alors après tout, le salarié à zéro Euro, c’est peut-être pas si con que ça …
Ce qui serait chouette, c’est qu’on ne lui donne plus de paie … On pourrait demander à l’Etat de lui verser une obole, rapport à la nourriture et à la couchette, et qu’en échange il nous le prète pour remplacer tous ces emplois qu’on a bêtement perdus pour dégraisser tous ces fainéants qui veulent de l’argent pour travailler, alors qu’y a pas que le fric dans la vie..!
Mais on ne va pas faire ça d’un seul coup, ils seraient capables de comprendre de travers comme d’habitude … On va commencer petit : les petits boulots qu’on ne peut pas faire faire chez les zendéveloppement interminable, comme vider les pots de chambre des pensionnaires des maisons de retraite, on va y mettre des bénévoles : des assistés qui touchent le RSA et qui seront bien contents de se rendre utiles pour le même prix !
Et puis, une fois que le pli est pris, on pourra monter en gamme et faite conduire les trains par des bénévoles, par exemple, surtout les jours de grève, c’est pas si compliqué d’appuyer sur l’accélérateur et le frein, même des fois y a des cadres qui remplacent les conducteurs collectivistes rouges gréviculteurs le couteau entre les dents, c’est dire !
Après ce n’est plus qu’une question de doigté : c’est sûr qu’il sera plus difficile de convaincre un préfet de région de travailler bénévolement, qu’une caissière de super marché ! lui pourra se permettre de tenir un siège de plusieurs mois avec ses économies, mais pas la caissière ! Mais à la fin, ils vont tous s’habituer à l’idée, ce n’est qu’une question de temps, et le temps c’est comme l’argent, il y a ceux qui en ont, et ceux à qui il en manque… Et nous on a tout le temps et tout l’argent, alors on connaît déjà la fin du film…
Mais c’est qu’il y va du sens de notre vie, qui est de gagner la compétition du plus gros portefeuille du monde : nous sommes 39 français à avoir atteint le milliard d’Euros, c’est déjà bon en soi pour la fierté nationale…
Mais on ne peut en rester là ! il y a des concurrents beaucoup mieux placés dans la course, et il ne s’agit pas de terminer derrière un américain, un mexicain ou un chinois ! Alors on ne va pas se laisser entraver par des boulets de charges, des chaînes d’impôts et des sacs de salaires, quand d’autres ont des patins à roulettes et les mains dans les poches, et se font pousser dans le dos, en toute concurrence libre et non faussée !
Il faut que l’ensemble du pays le comprenne, nous les investisseurs, les créateurs de richesses, ne pouvons plus nous permettre le luxe de rémunérer le travail sous peine de nous traîner dans les bas-fonds avec les petits milliardaires de rien du tout , il faut que chacun(e) se porte volontaire pour travailler bénévolement, sans attendre que nous prenions des mesures coercitives, qui coûteraient très cher au pays en frais de justice et interventions policières, alors qu’il est déjà très endetté !
il faut que l’exemple vienne d’en haut
Pour atteindre rapidement ce but, il faut que l’exemple vienne d’en haut : Il faut que le Président entende notre cri de détresse, et cesse immédiatement de percevoir un salaire en échange de son travail : Il faut que le Président signe un contrat d’engagement bénévole de cinq ans à la tête de l’Etat. Ainsi, entraîné(e)s par son exemple, les françaises et les français, du haut en bas de l’échelle sociale se précipiteront pour transformer leur contrat de travail en contrat d’engagement bénévole !
Ainsi sera résolu définitivement cette question ridicule de la rémunération du travail, qui empêche les gros actionnaires des grandes entreprises de jouir sereinement de leurs dividendes sans la menace d’une ponction insupportable sur le fruit de leur dur et long travail de sape, qui n’a jamais été si près d’aboutir…
Et encore merci aux dirigeants syndicaux atteints du syndrome de la signature compulsive, ils ont beaucoup travaillé à convaincre les travailleurs qu’il était inutile de se battre contre le sens de l’Histoire, et d’ailleurs nous savons leur manifester notre gratitude, la Tzarine en sait quelque chose !
Alors camarades non-syndiqués, je vous le dis, vous avez pris la bonne décision: au lieu de revendiquer des hausses de salaire, vous réclamez la baisse des prix, ce qui ne peut que réduire encore la part de rémunération du travail ! Continuez comme ça, ne changez rien, et vive le Bénévolat qui sauvera le Capitalisme !
André BARNOIN dit « Dédé » (68 – Mulhouse)
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