Vous pouvez aussi retrouver toutes les « Chroniques de Fabienne » directement sur sont blog « Le Journal d’une chômeuse »
Viendez ! C’est gratuit, ce n’est pas contagieux et vous n’êtes même pas obligés d’être inscrit à Pôle Emploi pour me lire.
Chronique N° 189 du 05/10/2017 : Nager dans le bonheur
L’air de rien, j’arrive doucettement à la moitié de mon CDD.
Et après un an de chômage, je touchais il y a quelques jours… ma première paie pleine et entière ! Ô joie, ô bonheur ! Qu’est-ce que ça fait du bien ! Pour peu, mon banquier m’enverrait des bisous sur Facebook tellement il est heureux pour moi. Puis aussi, je me dis que je vais pouvoir – enfin – me faire un peu plaise. Profiter. Lâcher la bride.
Eh ben non. Forcément, non.
Parce que voilà des mois qu’on funambulise nos dépenses et que – comme dans un jeu vidéo – on arrive de justesse au point de sauvegarde pour gagner quelques vies supplémentaires et donc le droit de continuer la partie. Résultat : si aujourd’hui après les mois de disette, entre chômage et maladie, on récupère des revenus disons corrects… ben faut éponger.
Notamment la taxe foncière qu’on n’a évidemment pas pu mettre de côté. Et encore, on ne va pas la régler en totalité. Quelle idée aussi d’être propriétaire, me direz-vous ! C’est vrai qu’on a été un peu cons, on n’avait pas anticipé il y a sept ans, les emmerdes qui allaient nous tomber sur le coin du museau.
Mais bon, on est vachement contents, on va se mettre à jour. Pis faut qu’on arrête de râler, car durant les deux mois suivants, on va vivre comme tout le monde devrait vivre. Avec ce qu’il faut. Juste ce qu’il faut.
Certes, mon CDD n’aura qu’un temps, il court jusqu’à fin décembre. Juste au moment où les revenus de mon mari prendront une claque pour d’autres raisons.
Alors on va prendre une grande, très grande inspiration. Comme à la piscine. Quand on s’apprête à plonger en espérant rester le plus longtemps possible sous l’eau sans reprendre son souffle.
Seul problème… je nage comme une pierre.
(dessin du chouette Loïc Faujour)
Chronique N° 190 du 07/10/2017 : Le petit Polo illustré
Comme vous le savez, même quand on a un CDD, on continue à être inscrit chez Pôlo, l’ami qui-ne-vous-veut-pas-que-du-bien.
Et régulièrement, tu reçois sa feuille de chou en ligne joliment intitulée « Mode d’emploi : le mag qui vous simplifie le travail » … J’ignore pour quelle raison ma boîte-mail, un peu chafouine, me le colle systématiquement dans les spams, sans doute que comme moi, elle a l’esprit mal tourné.
Bref. J’ai reçu le numéro 73 dont le thème est, ce mois-ci, le numérique et les « nouveaux réflexes à adopter pour réussir sa recherche d’emploi ». Et au milieu des conseils pour réseauter, il y a un encart intitulé : « Vous inspirer ». Le terme peut sembler étrange mais après un an au chômage, tu sais combien il faut être créatif pour espérer dénicher un job ! Et donc, copain Pôlo nous propose deux créneaux inspirants.
L’un s’appelle : « Entretien avec un robot-recruteur » et l’autre : « Trouver votre mentor ».
Pour le premier, on te file des lieux communs sur le fonctionnement des filtres robotisés et on termine en conclusion par : « Le chatbot offre un contact plus naturel et interactif qu’un formulaire sur une page web ». C’est vrai que c’est convivial. Sans déconner, me v’là drôlement avancé.
Mais… l’humain dans tout ça ? Ben t’as le second article sur le mentor. Ben voui. Comme indiqué : rien ne vaut les conseils d’un senior, un expert. Pour faire rigolo du ciboulot et détendu du gland, l’article commence par : « Jeune Padawan recherche Maître Jedi ». Et après ce bel et franc éclat de rire, toi qui as un sens de l’humour au taquet depuis ton licenciement, tu comprends qu’il te faut trouver ce fameux mentor dans ton réseau. Et que bien sûr la nana ou le gars qui va se casser les reins à t’aider (qui accessoirement « doit être bienveillant et à l’écoute, dans une posture d’ouverture ») le fera tout bénévolement parce que bon merde, les institutions et autres structures dédiées à l’emploi n’ont pas que ça à foutre ! Non mais.
J’ai terminé la lecture du magazine avec un sujet sur Michelin qui recrute à Cholet et la Fonction publique qui engage des apprentis, un job-dating en Occitanie et « Les 48 heures de l’emploi » en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Sérieux les gars, si vous voulez, engagez-moi dans votre journal
Je ne pourrais pas faire pire. Je le jure.
(dessin du chouette Deligne)
Chronique N° 191 du 07/10/2017 : Pensée complexe et décomplexée
En vérité, j’en ai un peu marre de recevoir des leçons des politiques.
Déjà Sarkozy voulait qu’on travaille plus pour gagner plus. Encore fallait-il pour cela avoir du boulot. Tiens, aujourd’hui, je me suis actualisée pour ne pas être radiée avant la fin de mon CDD. Lorsque j’ai ouvert la page de chez Pôlo, il y avait très exactement 559.388 offres d’emploi disponibles. Et dans la Nièvre – vert pays qui est le mien – précisément 1219. Sachant qu’en France, il a au (très) bas mot 3,5 millions de chômeurs de catégorie A, on voit bien qu’il y a un léger décalage entre l’offre et la demande.
Qu’est-ce que je disais ? Ah oui, les politiques…
Mais qui sont ces gens ? Vivent-ils sur la même planète que nous ? Et si oui, quelles drogues prennent-ils (parce que j’en veux bien un peu) ? Je sais que nous sommes un ramassis de feignasses, de riens, de fouteurs de bordel, incapables d’avaler 180 kilomètres pour aller bosser, mais quand même… Par quelle lucarne voient-ils le monde ? Quand Jupiter dit : « Le chômage de masse c’est parce que les travailleurs sont trop protégés » ou bien : « Si j’étais chômeur je n’attendrais pas tout de l’autre, j’essaierais de me battre d’abord »… Sa pensée (complexe et décomplexée) me sidère. Autre exemple, comment est-il humainement possible de dire qu’il vaut mieux supprimer les emplois aidés sous prétexte qu’ils ne constituent pas une solution viable ? Enfin, pas viables… ça marchait quand même, selon une enquête, pour 41% des gens embauchés sur ce modèle-là. Ce n’est pas la majorité, ok, mais à ce que je sache, si on recompte le nombre de personnes ayant voté pour Macron, on n’est loin de pouvoir dire qu’il a été élu à la majorité.
Le mépris a ses limites. Les illettrés sans costard savent tout à fait quand on les prend pour des cons.
L’autre jour, notre ministre de l’intérieur, Gérard Collomb a déclaré sur BFMTV : « Ce n’est pas le problème de 180 kilomètres (…) Je viens de Lyon, je n’ai pas de problème pour venir chez vous (à Paris, ndlr) ». Que répondre à une connerie aussi magistrale ? Que penser d’un type aussi dédaigneux ? (Au passage, un petit appel aux Lyonnais : ce serait sympa de le reprendre votre Gérard, ça nous ferait des vacances…)
Pourtant l’ineptie n’est pas unilatérale. Macron et son Premier ministre viennent en effet de remonter dans les sondages. Preuve que certains trouvent tout ceci, parfaitement cohérent ! Reste à savoir à qui on pose la question.
(dessin de la grande Coco Corinne Rey)
Chronique N° 192 du 11/10/2017 : Théâtre de marionnettes
Comme en plus de la filière chômeuse, j’ai opté pour l’option « philosophie de comptoir », je vais partager avec vous quelques réflexions de haute portée intellectuelle.
De toute façon, c’est mon journal, j’écris ce que je veux. Voilà.
Hier, je regardais au 20h les images des défilés de manifestants… 200.000 selon la police, 400.000 selon les syndicats. Je m’interrogeais sur la chorégraphie (jouée depuis des dizaines d’années) du rapport de force gouvernants/gouvernés. Je ne parle pas des figurants qui préparent banderoles et autres slogans avec un vieux carton, un morceau de drap et les feutres du petit dernier. Non, je parle des premiers rôles. Des syndicalistes et des politiques qui font de leur engagement un vrai métier. Qui se connaissent depuis, vingt, trente, quarante ans. Qui nous font – comme un rôle appris par cœur – la comédie de l’opposition puis de la discussion. Petits pas de danse maîtrisés sur l’air de « Si tu avances ou si tu recules, comment veux-tu, comment veux-tu… » Ces têtes d’affiche qui touchent des cachets conséquents pour ces rôles si bien tenus alors que nous nous contentons de jouer gratuitement dans ce cinéma de la contestation.
Cela me fait penser au tee-shirt à l’effigie du Che. Je sais, c’est un peu tordu comme transition, mais en philosophe de comptoir qui se respecte, et après quelques verres, j’ai la pensée saugrenue. Je ne veux pas parler du fond mais de la forme. De ce révolutionnaire, mort pour ses idées, devenu icône de l’industrie textile. Et vous l’ignorez peut-être, mais lorsque le Che fut arrêté, il avait une montre… une Rolex oui, qui a disparu au moment de son exécution.
Aujourd’hui, je me dis qu’on ne risque plus grand-chose dans le jeu de rôles de la lutte. Que les Rolex sont plus répandues que les révolutionnaires et que – hormis quelques sincères défenseurs des droits battant pavé – la majorité du casting ne fait que jouer des dialogues écrits d’avance. Un soap tout à fait attendu, aux rebondissements tout aussi prévisibles, mais qui jamais ne finit sur une Happy End. Car une fois le rideau médiatique retombé, les comédiens se serrent la main, trinquent un coup et se disent à la prochaine.
Ce n’est pas demain la veille que nous pourrons couper les fils qui nous font gesticuler, nous tristes marionnettes de cette mauvaise pièce.
Allez, venez donc… que je vous resserve un verre.
C’est ma tournée !
(dessin du topissime Rodho)