23/07/2017

Hier soir, on a fêté l’anniversaire de deux de nos gamins. On avait prévu un barbecue dans le jardin mais le temps ne s’y prêtait plus. Alors on s’est rencardés dans la maison. L’aîné était venu avec sa petite amie. Ma fille avec son copain. Il y avait un autre de nos fils, lui aussi accompagné.

Après les merguez et les chipos de rigueur, en mode barbecue intérieur, on a chanté Happy Birthday à ma grande qui soufflait ses vingt-deux printemps. Elle bosse, son conjoint aussi. L’autre de nos enfants débute lui sa vingt-sixième année avec un énième CDD. Pas toujours la joie mais il alterne chômage et intérim de façon régulière. Ce n’est pas si mal. Notre autre gamin, lui, rame beaucoup plus. Il a pourtant deux Bac derrière lui ainsi qu’un service civique de neuf mois. Et aujourd’hui, avec sa moitié – qui, elle, est en Garantie Jeunes – il pointent vaillamment aux Restos du Cœur.

Tous se marrent. Tous savent profiter des choses simples. Alors on fume une cigarette dans le jardin balayé par le vent. Ils jouent avec leurs cadets puis me félicitent pour mon invitation à signer mon livre à la Fête de l’Huma. Ils me charrient en disant que je vais devenir célèbre et, un jour, pleine de pognon.

Mais ils ne sont pas cons. Contrairement à d’autres, ils savent que la vitrine n’a rien à voir avec l’arrière-boutique. Que j’ai sans doute vendu 60 bouquins et que si tout va bien, j’arriverais dans un an à 200 exemplaires écoulés. Ils savent aussi que mon CDD ne me sauvera sans doute pas la vie. Comme ils savent que, sous son apparente bonne humeur, leur père vient de se voir confirmer sa longue maladie. Comme lui et moi, nous savons pertinemment que sous leurs rires et leurs verres qui trinquent, sous leur allure poliment détachée, nos enfants
rament dans les courants forts pour garder la tête hors de l’eau.

Malgré leurs problèmes, ils ne jugent jamais sans savoir. Parce qu’ils ont de la bouteille. Ils ont déjà morflé. Mais surtout ils ont de l’élégance. Et quelque chose qui ressemble à de l’empathie.
On coupe le gâteau, les bougies s’éteignent. Ma fille, celle qui bosse, a offert avec son ami un VTT à notre ado de 14 ans. Pour le récompenser de son Brevet. Parce que nous n’avons pas les moyens de lui offrir ce vélo dont il rêve depuis des mois. D’ici quelques jours, on devrait pouvoir dépanner de quelques billets notre petit couple qui a du cœur.

Sans doute faisons-nous partie de ces riens. Qui gardent la tête haute au risque de faire croire qu’ils vont bien.

Sans doute faisons-nous partie de ceux qui ne devraient pas se plaindre, car ils l’ont bien cherché.

(dessin de incontournable Rodho)