À l’instar de ce qui existe déjà pour les monuments et les réserves naturelles, il m’a paru urgent de créer un outil permettant de répertorier dans un « Inventaire Mondial du Patrimoine Social de l’Humanité » les dispositifs exemplaires formels et informels de solidarité publique gouvernementale ou non-gouvernementale. Une souscription mondiale sera lancée pour appuyer ce projet.
Il existe des systèmes de protection sociale dans le monde. Ils sont plus ou moins efficaces, plus ou moins importants en volumes, plus ou moins philanthropiques. Chaque société, depuis l’origine des peuples, a, à un moment ou à un autre, développé des règles communautaires comportant des clauses de protection et de solidarité, contractuelles ou non. Ces sociétés l’ont fait en s’appuyant sur des concepts culturels originaux. Cela a abouti à une grande diversité de ces systèmes.
Il s’agirait de recenser ces particularités sociales, passées et présentes, sous le seul angle d’une solidarité déclinée en termes d’aide ou d’entraide, d’accueil, d’hospitalité, de protection, de redistribution ou de gratuité. Beaucoup de politiques ont pour but unique de maintenir les populations en état de produire des richesses et de consommer. En instaurant des dispositifs de protection contre les aléas de l’existence, elles ne font qu’acheter la paix sociale et l’assujettissement au prix le plus bas de manière à faire perdurer les systèmes économiques en vigueur. Il n’y a là rien d’altruiste. C’est là que les solidarités nationales et fédérales trouvent leurs limites. On constate actuellement une érosion des acquis sociaux liée à un virage à droite de nombreux gouvernements. Leur inventaire et leur évaluation en termes d’impact et de permanence permettraient de protéger et de consolider ces acquis.
Approuvés et intégrés en tant que patrimoine social de l’humanité, ils devront être considérés mondialement comme inaliénables, prioritaires, voire transposables. Ils seront placés sous la responsabilité des États signataires au sein d’un organisme de surveillance de droit international que l’on pourrait nommer « United Nations for Enhancement of Social Protection Organization », Organisation des Nations Unies pour l’amélioration de la protection sociale, ou UNESPO.
À titre d’exemple de cette diversité, citons le système de santé encore en vigueur en Oregon, USA – pour combien de temps encore ? -, connu pour son pouvoir d’attraction sur les populations américaines défavorisées. Pour compenser les défaillances du système de protection sociale nord-américaine, elles s’arrangent pour y travailler quelques mois. Le temps de leur séjour dans cet État, elles bénéficient gratuitement d’une réfection de leur dentition, d’une obtention de lunettes ou d’opérations chirurgicales délicates.
Certains aspects de la solidarité sociale « à la française » méritent également d’être mentionnés. Celle-ci me semble – pour combien de temps encore ? -, la plus intéressée au bien-être de ses membres les plus pauvres. Les organismes tels que Pôle-emploi ou la Caisse d’Allocation Familiale peuvent se révéler difficiles d’accès. Les prestations nationales comme la CMU, l’AAH (Allocation pour adultes handicapés), le RSA, entre autres, sont sans doute inégales et faibles au regard des prix en vigueur pour jouir d’une habitation, d’une alimentation et d’une santé correctes. Elles ont au moins le mérite d’exister et la particularité d’exister de manière institutionnelle, contractuelle, légale. Elles permettent à des millions de personnes de vivre plus décemment. Rappelons que la France occupe la deuxième place mondiale, juste derrière les pays scandinaves, pour la qualité de son aide sociale et son taux de redistribution par rapport à son PIB, loin devant la moyenne européenne et très loin devant beaucoup d’états d’Amérique du Nord et devant l’Australie. Une analyse fine permet cependant de relativiser son efficacité pour les populations les plus fragiles. Cette aide profite surtout aux classes moyennes ; 16 % seulement du volume des prestations sociales françaises vont aux plus pauvres.
Aujourd’hui, nos préoccupations ne sont plus tant de protéger les individus, que de protéger (et améliorer) les systèmes censés les protéger ! Il s’agit bel et bien de parvenir à une pérennisation des avancées sociales les plus positives et les plus équitables dans le monde jusqu’à les à considérer comme normales de droit et de fait. Leur évolution naturelle dans la durée pouvant notamment aboutir à l’instauration d’un revenu universel de subsistance en complément des couvertures maladies. Le projet est ambitieux. En plus de la participation des populations aux enquêtes, Il fait appel aux compétences pluridisciplinaires d’universitaires internationaux, anthropologues, économistes, sociologues, psychologues, démographes, spécialistes de la protection sociale, historiens, géographes, notamment,, qui apporteraient une aide précieuse pour le recensement mondial et l’évaluation des systèmes et des pratiques de solidarité. Ces recherches pourraient réserver bien des surprises…
Alors que d’aucuns défendent un darwinisme social basé sur la domination des plus forts, et ce, malgré l’existence reconnue de phénomènes de solidarité chez plusieurs espèces d’animaux sauvages, Bernard Maris, dans sa pièce « Si les fourmis n’étaient rien sans les cigales », rappelle que Charles Darwin dans certains écrits d’ailleurs peu publiés, n’avait jamais prétendu que chez les humains la « loi de la jungle » est le seul critère permettant une évolution positive de l’espèce, mais qu’au contraire il y a en plus chez l’être humain la capacité cérébrale de contribuer techniquement à la survie et à l’épanouissement des plus faibles.
R.W. (67) Chercheur indépendant
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