24/08/2017

En vérité, je me comporte comme un poisson rouge. Du moins, même si je ne tourne plus en rond dans mon bocal de chômeuse, j’ai grosso-modo la mémoire de Dory dans Némo.

Je bosse. Je turbine. Je taffe. Bref je travaille. Les couloirs et les bureaux commencent à m’être familiers et mon agenda à se remplir. Je projette, je planifie mes articles pour dans trois jours, une semaine, un mois. Je laisse mes coordonnées, je demande à ce qu’on me rappelle.

Et puis arrive le moment où je descends fumer ma clope… et où d’un coup, je me souviens que tout ceci est provisoire. D’un coup, je me souviens avoir entendu la veille aux infos que le Code du travail va bientôt passer à la casserole. Que la rentrée sera dans les manifestations ou ne sera pas. D’un coup, je me dis que je ne dois pas oublier de m’actualiser chez l’ami Pôlo, malgré mon carnet de rendez-vous professionnel déjà bien garni.

Alors durant deux-trois minutes, je me revois devant mon PC à grosses touches (ah oui, au fait, je me suis finalement très bien habituée au Mac du boulot) à courir d’improbables annonces. Le temps de quelques bouffées tièdes, je me retrouve dans la peau de la chômeuse que j’ai enfilée – la peau, pas la chômeuse – durant ces treize derniers mois. Puis j’éteins ma cigarette, retourne à mon bureau et ma mémoire flanche à nouveau.

Et je bosse. Je turbine. Je taffe. Bref je travaille.

J’ai bien la mémoire d’un poisson mais la peau d’un serpent… Et je ne suis pas pressée, mais alors pas du tout, de voir venir la date de la prochaine mue. A moins que l’on me passe le budget maquillage de Jupiter (26 000 euros en trois mois). A ce prix ma peau ne travaillera plus.

(dessin du formidable Charb)