Chaque jour, Alain adresse à l’Archipel des Sans-Voix un « billet » et parfois des images pour que nous puissions les publier ici en son nom.

Vendredi 3 août : GRENOBLE !

Bonjour,
Laissez-moi vous adresser un Petit Billet d’Humeur, en ce vendredi matin, pour vous donner quelques nouvelles du chemin.

Comme je ne vous l’ai pas caché j’ai arrêté à Pavie en ce début de semaine pour venir apporter des réponses à un huissier qui est chargé de liquider un dossier de contrat aidé, vieux de 3ans et alors que l’association est dissoute depuis plus de deux ans. Etant dans un état d’esprit positif, et voulant le rester le plus longtemps possible, je ne vous imposerai pas la lecture de mes péripéties pour vous annoncer que je repars demain.

En rentrant sur Grenoble, le risque était grand de ne pas trouver la force ou l’envie de repartir. La boite à lettres me réservait-elle quelques bonnes nouvelles ? Etait-ce une bonne idée que de rentrer et de vouloir régler ce problème ? A ces deux questions entre autres ma réponse est la même OUI!!! Ne pas se défiler, arrêter de remettre à demain ce que je peux faire aujourd’hui, montrer mon front plus que mon dos pour laisser flotter l’étendard de ma situation, démontrer que je n’ai pas peur et que face à la bêtise de leurs règlements, ils me trouveront toujours devant eux avec le sourire.

Donc départ pour Briançon puis Montgenèvre et le col de l’Echelle dans la variante la plus montagneuse qui soit. Ainsi, grâce à vous et avec vous, j’aurais assumé les deux entrées de la via Francigena pour entrer en Italie. Autant être en transit à Grenoble m’a mis malade l’aise, le projet d’aller à Rome ne pourra être mené à son terme cette année, autant je sais désormais que c’est bien en me mettant au centre de toutes mes préoccupations que je serai à ma place. Désormais, je sais que ce n’est pas en allant ailleurs que je résolverai les problèmes d’ici.

Voilà pourquoi dés demain, je vais pour le plaisir, pour moi et le bonheur de découvrir et vivre des situations qui me confirmeront ma place.
Je vous embrasse
Alain

Dimanche 5 Août : Quelque part dans les Hautes Alpes

Salut et Fraternité,
Me voilà de nouveau sur le chemin. Je suis pas loin de Briançon d’où je vais rejoindre le col du Montgenèvre que je vais passer demain. J’ai donc une semaine devant moi, et je vais en profiter pour effectuer une variante de la via Francigena et rentrer de nouveau en Italie. A défaut de pouvoir rejoindre Rome, cette année, j’aurais au moins pratiqué, toutes les possibilités et ce jusqu’à Pavie. Mes pas m’amèneront à Turin cette fois-çi et je me réjouis de vous faire partager ce petit voyage.
Au plaisir, je vous embrasse.
Alain

Billet 14 – Dimanche 5 Août : (Grenoble >) Briançon > Montgenèvre
(12 Km – Cumul 292 Km)

Salut et Fraternité
Nous voici donc le dimanche 5 août 2018 et c’est avec beaucoup de bonheur que je me lance à nouveau dans une pérégrination de la lenteur où le règne du chemin est le seul accepté. Dire que l’émotion est au rendez-vous serait grandement exagéré, mais une certaine fébrilité non plutôt une certaine excitation m’habite.

N’ayant pas le temps et surtout je vais être honnête la condition physique de traverser l’Oisans à pied, c’est par le train que je suis arrivé hier soir à Briançon avant de relier le col de Montgenèvre, à pied cette fois-ci et d’arriver devant le gîte juste au moment où un énorme orage commençait à éclater.

Journée placée sous le signe de l’émotion en ce qui me concerne car à Briançon, de 6 à 10 ans, j’ai vécu dans ce que l’on appelait à l’epoque un home d’enfants ce qui dissimulait hypocritement en fait un vivier de petits garçons ayant moins de 12 ans innocents et malades. Nous étions à la merci de professeurs qui ainsi disposaient d’une multitude de cobayes prêt à obéir, puisque ce sont nos parents qui nous y avaient amenés et nous subissions les conséquences des ratés de la médecine expérimentales. Pas de téléton à l’époque. D’ailleurs la télé n’existait pas encore sauf dans quelques foyers privilégiés. Chez ceux là-même qui ne cessaient de crier que la science était prête à éradiquer l’asthme …

Donc, c’est assez rapidement que j’ai quitté le Champs de Mars, la vieille ville – la fameuse Gargouille – son hôpital pour aller m’isoler dans les forêts qui montent vers Montgenèvre et enfin lâcher toutes ses larmes, ses cris, ses épouvantes que le nom des Airelles (appelation de mon enfer) retenait insidieusement en moi depuis toutes ses années. Est ce que cela m’a fait du bien ? Non pas sur l’instant mais vous pouvez me faire confiance pour contrôler mon tour de taille dans les jours qui viennent !!!!!

Conséquence je n’ai pas rien vu du paysage qui durant tout le voyage c’est résumé cependant à un sentier forestier qui débouche sur un magnifique terrain de golf…..
Je vous embrasse
Alain

Billet 15 – Lundi 6 Août : Montgenèvre > Oulx
(19 Km – Cumul 311 Km)

Préambule 🙂
Pardon pour ma prose d’hier mais parfois la marche ce révèle une démarche auquel le chemin me soumet. C’est alors une vraie machine à laver où la lessive est remplacée par des pierres ponces qui récurent, oxygènent la mémoire et notre passé surtout quand celui-ci a enduré des traumatismes. Ce qui explique cela hier soir et encore de façon édulcorée.
Salut et Fraternité,

Alors ce lundi 6 août ? Parti tard, vers 8 heures, j’ai passé la majeure partie de la journée au fond d’une gorge d’abord parce que c’était au programme de la journée mais aussi surtout parce que je me suis trompé en reprenant le chemin pour Saint Jacques de Compostelle et non celui pour Rome qui ici dans la région de Suza est le même mais dans un fléchage de différentes couleurs.

Et là, ce que je pense de la marche, à savoir que c’est une idée, une émotion qui s’impose, une volonté qui part de la tête pour descendre doucement vers le cœur, et bien m’a été fortement utile. Au lieu de tourner à gauche j’ai pris le chemin qui allait à l’opposé et ce uniquement à cause de mes certitudes et de mon désir d’avoir toujours raison. Et l’obligation d’humilité, de reconnaître mon tord et de l’avouer à haute voix à un autre marcheur m’est venu après une dizaine de kilomètres, soit un peu plus de deux heures, et une ampoule en plus. Quelle présomption de croire qu’un tracé sur une carte moderne peut remplacer la trace de ces centaines de pèlerins qui de leurs sandales ont laissé une empreinte indélébile sur la terre.

Jamais plus je ne dirais que c’est de la faute de l’autre car la douleur dans ma chair, même si c’est une ampoule, m’a appris à assumer mes erreurs. Le chemin m’a dégrossi un peu plus hier. Il me rend joyeux. Pourtant je dois le reconnaître je ne me sens pas pèlerin mais bien un chemineaux. Je suis sûr que les macro sites ne me voleront pas ce mot car trop péjoratif pour elles et eux. Et pourtant chemineaux est celui qui chemine……
Je vous embrasse
Alain

*** Chronique à suivre … pas à pas ***

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