*Récit d’une absence et d’une reconstruction*
Je n’ai jamais connu mon père. Pas un souvenir, pas une voix, qui aurait pu me dire : « Voici d’où tu viens. » Il a été une absence totale, un vide si silencieux qu’il résonne encore dans certaines parts de moi.
Grandir sans père, c’est grandir avec des questions qui restent sans réponse. Pourquoi n’a-t-il pas voulu me connaître ? Est-ce qu’il a pensé à moi, un jour ? Qu’est-ce que j’ai fait – ou pas fait – pour qu’il reste aussi loin ? Ces pensées m’ont habité très tôt, souvent sans que je sache quoi en faire. Ce manque a pesé lourd, même dans les moments où je faisais semblant qu’il n’existait pas.
Cette absence a creusé en moi des failles invisibles. Elle m’a rendu plus fragile émotionnellement. J’ai souvent eu du mal à m’attacher, ou au contraire, je me suis accroché trop fort, par peur d’être à nouveau laissé de côté. J’ai vécu avec une peur constante de l’abandon, et cette peur m’a parfois poussé à accepter des relations bancales, simplement pour ne pas revivre ce vide.
on finit par croire qu’on ne mérite pas d’être aimé
Je sais aujourd’hui que mon estime de moi en a aussi souffert. Quand on est rejeté avant même d’avoir eu une chance d’être connu, on finit par croire qu’on ne mérite pas d’être aimé. Pendant longtemps, j’ai cherché des preuves que j’existais vraiment, que j’avais de la valeur. Et parfois, j’ai essayé de combler ce manque de manière destructrice, dans les excès, les dépendances, les comportements qui masquaient la douleur sans la guérir.
Mais un jour, j’ai compris que je ne pouvais pas passer ma vie à vivre en fonction d’une absence. C’est là que la reconstruction a commencé.
La première étape a été d’accepter la souffrance. Ne plus la nier, ne plus la minimiser. J’ai arrêté de me dire que « ce n’est pas si grave », ou que « je devrais être passé à autre chose ». La vérité, c’est que cette douleur était réelle, et que j’avais le droit de la ressentir. L’accueillir a été une libération.
Puis, j’ai compris une chose essentielle : je ne suis pas responsable de son absence. Ce choix n’a jamais été le mien. Ce n’est pas à moi de porter le poids de ses décisions, de son éloignement, de son silence. J’ai commencé à me défaire de cette culpabilité invisible qui m’avait collé à la peau pendant tant d’années.
J’ai aussi pris le temps d’observer l’impact concret que cette absence avait eu sur ma vie : mes réactions excessives, mes peurs, mes blocages affectifs. Mettre des mots dessus, comprendre l’origine de ces mécanismes, m’a permis de mieux les apprivoiser.
Le soutien psychologique a été une étape cruciale. En thérapie, j’ai pu parler librement, sans filtre, sans peur d’être jugé. J’y ai appris à remettre chaque pièce de mon histoire à sa place, à regarder mes blessures sans les laisser me définir. Ça m’a aidé à retrouver une forme de paix intérieure.
Petit à petit, j’ai commencé à reconnaître les présences positives autour de moi. Des gens qui m’avaient offert de l’amour, de la stabilité, parfois sans que je m’en rende compte sur le moment : un proche, un ami, un membre de la famille. Ces relations ont été des points d’ancrage essentiels.
Et surtout, j’ai fait le choix de ne pas reproduire ce que j’ai subi. De devenir un adulte capable d’amour, de présence, de constance. De me montrer bienveillant envers moi-même. D’offrir ce que je n’ai pas reçu. C’est dans cette volonté que j’ai trouvé une force nouvelle.
Reconstruire, ce n’est pas effacer. C’est apprendre à vivre avec. L’absence de mon père fera toujours partie de mon histoire, mais elle ne dicte plus mon présent. J’avance, avec mes cicatrices, oui – mais surtout avec la volonté de ne plus vivre dans le manque.
Aujourd’hui, je choisis d’exister pour moi, de m’aimer malgré ce vide initial, de créer ma propre stabilité. Et c’est dans ce choix quotidien que je trouve, enfin, un peu de paix.
Michel Catoire Fariello – 6 août 2025

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