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ADSV.fr >Un regard lucide et décalé, toujours d’une rare pertinence sur le quotidien de tant d’entre nous. A lire pour s’informer, se détendre, rire (parfois jaune), et réfléchir.
Episode 220 du 16/01/2018 : Stages à gogo(s)
Peut-être que, comme moi, vous avez vu dans la presse cet article bien sympathique sur une jeune fille de 22 ans qui cherche un stage en communication. Et pour ce faire, elle a collé son CV sur sa voiture… Une mignonette 2CV. Car il en faut de l’imagination pour dénicher un stage de six mois en Markéting Événementiel Bac + 5. C’est au moins aussi compliqué que de trouver un job ! Faut dire que les entreprises ont de telles exigences sur le niveau du stagiaire qu’on croirait qu’elles passent une annonce pour un CDI.
Comme cette boite qui listait les missions à effectuer durant les fameux six mois : suivi de sourcing, validation des contrats commerciaux, suivi de la rédaction, suivi de la production Print, création de listing-partenaires, choix des photos, vérification des copyrights, relecture des livrets sous Indesign, correction des coquilles, suivi des offres sur le web, etc. Etant entendu (bien évidemment) que le stagiaire qui décrochera la timbale aura « le plaisir de travailler avec des collègues talentueux, motivés et dynamiques ».
C’est chouette, je trouve. D’autant que l’entreprise en question peut faire miroiter un avenir professionnel radieux audit stagiaire avec près de 300 collaborateurs dans le monde et un chiffre d’affaires de 200 millions d’euros. Sont bien urbains tout de même de mettre le pied à l’étrier de ces jeunes… Un vrai service qu’ils leur rendent ! Pas comme si ces gamins avaient un bagage leur permettant de faire le boulot d’un salarié.
Toujours sur le sujet, il y a aussi cette autre annonce, pour un stagiaire en « journalisme et secrétaire de rédaction »…
Là, je cite, car ça ne s’invente pas : « On compte sur toi » (ah oui, j’oubliais, le stagiaire est fun tout autant que l’entreprise, donc on se tutoie) pour « proposer et écrire du contenu original (print web), faire une vieille quotidienne sectorielle et concurrentielle, identifier les leaders d’opinion, relais d’audience, proposer des sujets à forte valeur SEO& trafic, suivi du community management et de la viralité des contenus sur les réseaux, participer à la création de nouveaux formats… »
Bref, comme vous le voyez, là encore, la barre est haute et les étudiants en recherche ont vraiment intérêt à avoir un CV béton pour espérer décrocher le Graal de six mois. Tout comme la petite jeune (celle à la 2CV) qui en arrive à devoir faire le buzz pour se faire remarquer.
De toute façon c’est pour leur bien, puisque ces stages sont obligatoires pour la validation de leurs diplômes. Alors soit, ce n’est pas payé cher. D’ailleurs ce n’est pas un salaire qui est versé mais une « gratification » qui, d’après les textes, est fixée à… 15 % du plafond horaire de la Sécurité sociale, à savoir 3,75 euros de l’heure en 2018 (donc 577,50 euros pour 154 h). Rapport qualité/prix imbattable.
Ah non, ne venez pas me dire que c’est payé des cacahuètes pour un équivalent temps plein !
Pour preuve de bonne volonté, dans la dernière annonce, il était même spécifié – notamment – dans les avantages consentis au stagiaire : « open bar sur les bonbons, café en perfusion ».
Ah, vous voyez comme vous êtes mauvaises langues…
(dessin du trop regretté Charb pour l’Humanité)
Episode 221 du 19/01/2018 : Tu tires ou tu pointes ?
Tu tires ou tu pointes ?
Après mes embrouilles de documents non-validés parce que c’est plus simple de faire compliqué, mes papiers de fin de contrat ont enfin été enregistrés par Pôle Emploi.
Alors, en bon petit soldat qui ne laisse pas traîner les choses, c’est d’un pas alerte que je suis allée hier à mon agence pour éclaircir une information que l’on m’avait donnée il y a quelques mois. En l’occurrence, le droit d’option.
Commençons par un peu de pédagogie. L’ARE (Allocation d’aide au Retour à l’Emploi) te permet de payer quelques menus besoins – comme manger ou payer ton loyer – pendant que tu cherches un nouveau job. Cette allocation est calculée en « fonction des périodes d’activités les plus récentes »… Moi par exemple, jusqu’en juillet dernier, mon activité récente était un mi-temps payé au smic pendant quatre ans. Du coup, mon ARE était de 18,29 euros par jour, soit 550 euros par mois. J’avais en juillet 2016 deux ans d’ARE devant moi. En toute logique, en juillet 2017, il ne me restait « plus » qu’une année.
Jusqu’ici c’est assez simple.
Car les droits au chômage sont rechargeables. Comme un fusil. Si tu chopes des nouvelles cartouches, tu peux tirer plus longtemps. Et c’est là qu’intervient mon CDD de quatre mois et demi débuté en juillet dernier et grassement payé en comparaison de mon demi-smic. Car sous certaines conditions (je vous passe les détails), le chômeur – euh pardon, le demandeur d’emploi – peut solliciter « le droit d’option ». Vous suivez toujours ? Parfait. Donc en gros, cela signifie profiter immédiatement d’une ARE plus conséquente et qui prend en compte tout de suite le chouette salaire que tu touchais récemment. Ce qui était mon cas.
Mais voilà, comme me l’a expliqué la jeune femme qui m’a reçue hier chez Pôlo : gaffe à faire le bon choix ! Pour faire simple, j’avais deux possibilités. Etre indemnisée pendant un an à 550 euros puis quatre mois et demi à 1.200 euros (ah ben je vous avais dit que j’étais bien payée). Sinon, je pouvais opter pour le fameux droit d’option et toucher immédiatement mon ARE de 1.200 euros mais seulement… pendant quatre mois et demi ! Ensuite, plus rien. Ceinture, nada.
Alors on ne peut pas dire que j’ai réfléchi bien longtemps.
Je vais garder les 550 euros et le filet de sécurité de dix-huit mois.
Parce que je pense qu’au rythme où vont les choses, va falloir que j’économise mes cartouches.
(dessin du regretté Chimulus Dessinateur)
Episode 222 du 23/01/2018 : Retour vers le futur
Le jeune Jupiter veut donc relancer l’emploi avec, par exemple, les plans de départ volontaires.
Volontaire… terme qui sous-entend que tu es d’accord. Ou pas. Car, ne te trompe pas vil manant, les mots ont un sens ! En effet, si on lit la définition du Larousse, volontaire signifie aussi : « qui accepte de son plein gré une mission difficile ou dangereuse. Une tâche ou un service bénévole ». Ce qui – à part « de son plein gré » – colle vachement mieux à la réalité.
Tout est une question de point de vue. Prenons l’exemple de Sebastian Thrun, fondateur de la start-up (tiens donc) Udacity… Eh bien, ce monsieur ne licencie pas ses collaborateurs, il les « libère ». Oui, oui. C’est lui qui le dit.
Donc, en ce moment, on libère à tour de bras ! Pimkie, PSA, Société Générale, et aujourd’hui Carrefour. Y’a pléthore de salariés qui commencent à compter leurs abattis et leurs futures allocations-chômage. Tu m’étonnes que le sommet « Choose France » organisé par l’Elysée à Versailles (excusez du peu) rayonne… Il irradie, même ! L’objectif de cette petite sauterie étant de convaincre 140 patrons de multinationales d’investir ici en toute confiance. Oh ben, je pense qu’ils commencent à être convaincus. Ils doivent même se dire que la France renoue hardiment avec le Moyen-âge. Enfin, côté exploitation. Parce que côté grands patrons et actionnaires, c’est plutôt la vie de château…
A tel point que Macron veut justement rouvrir les chasses présidentielles au château de Chambord. Là où il fêtait récemment ses 40 ans. Parce que bon, tu ne peux pas comprendre, pauvre de toi, assis sur ton clic-clac dans ton HLM, mais les chasses présidentielles sont un instrument diplomatique de premier ordre ! Ben si, on dirait bien que tuer du faisan est une activité en vogue chez les faisans qui nous dirigent.
Alors pendant que les syndicats négocient (ou pas) les plans de départ volontaires, Oxfam France sort – comme tous les ans – son précieux rapport sur les inégalités. On y lit que : « 82 % de la richesse créée dans le monde a terminé entre les mains du 1 % le plus riche de la population de la planète. 3,7 milliards de personnes, soit 50 % de la population mondiale, n’ont pas touché le moindre bénéfice de la croissance (…) Le nombre de milliardaires dans le monde a connu l’année dernière sa plus forte hausse de l’Histoire. Dans l’hexagone, les 10% des français les plus riches détiennent plus de la moitié des richesses nationales quand 50% des plus pauvres se partagent 5% du gâteau ».
Donc disons-le : tout va au mieux dans le meilleur des mondes possibles. Espérons toutefois que les chasses présidentielles se « contenteront » de tirer des cerfs.
A moins qu’ils envisagent aussi de nous dézinguer… Nous qui ressemblons de plus en plus aux cocus de l’histoire. Nous, braves serfs du 21ème siècle.
(dessin du décidément très bon Babouse)