Ainsi, toute cette histoire de marche vers le Nouveau Monde n’était qu’une histoire de fric. Remarquez qu’on s’en doutait un peu, tout au moins les sceptiques malintentionnés qui voient le mal partout …

Trente ans qu’on nous chante sur tous les tons la supériorité de l’égoïsme sur la générosité, cette « fausse bonne idée », du réalisme économique sur les rêvasseries philosophiques, de la nécessaire inégalité pour que les riches deviennent encore plus riches si on ne veut pas que les pauvres crèvent la bouche ouverte.s

On aura tout entendu : Il faut bouger, il faut changer, il faut accepter de travailler plus pour gagner moins, de se couper un bras pour que l’autre grossisse, de saluer bien bas son seigneur actionnaire et cracher sur le pauvre hère qui dort dans la rue et qui ne parle pas français, d’accepter de bouffer de la merde, mais pas trop, car il faut choisir entre manger, se loger ou s’habiller, le coût du travail étant par définition et pour l’éternité, trop élevé. Et il faut accepter de travailler même s’il n’y a pas de travail. Il paraît que la société sans violence est à ce prix.

Car le barbier à l’écharpe rouge sang ne supporte pas la violence. Il le répète à longueur de colonnes dans le journaux où sa prose s’étale à toutes les pages, et sur tous les plateaux télé où il dispose du micro comme le gastronome a son rond de serviette dans les meilleurs restaurants.

Pas de débat, pas de forum, pas de colloque, pas de polémique sans la noble figure de ce  pacifiste à tout crin qui ferait passer Soeur Emmanuelle pour une va-t-en guerre enragée.

Il suffit qu’un boxeur à gilet jaune agresse un bleu harnaché de kevlar jusqu’aux sourcils et plus habitué à tirer des LBD à 30 mètres qu’à parer des coups de poing avec un bouclier, pour que notre héraut de la paix sociale dénonce le déchaînement de la barbarie dans nos rues.

Le licenciement de 900 salariés de Danone suivi d’une hausse du cours de bourse, l’épuisement des soignants dans les services d’urgence où la moitié des patients sont là faute de praticiens privés en nombre suffisant, ou l’épidémie de suicides à France Télécom pour cause de création de valeur compulsive ne lui inspire par contre aucune compassion.

Pour frère Christophe, la longue marche des travailleurs vers la précarité est une tendance historique. Les britanniques, les Allemands l’ont compris avant tout le monde et l’ont accepté, et même l’ont devancée, dans la discipline et sinon la bonne humeur, du moins le serein renoncement à la  vaine sécurité de l’emploi et au vain choix de son travail qui complique inutilement les calculs de rentabilité des investisseurs, seuls légitimes à revendiquer le maintien de leur niveau de vie et même l’accroissement infini de leur pouvoir d’achat.

Et c’est pourquoi sur les écrans plats de toutes dimensions les commentateurs avec ou sans écharpe rouge ont pu indéfiniment citer en exemple ces deux expériences réussies de résorption du chômage par la généralisation de la précarité.

Il n’y a que ces têtes de pioche de Français qui n’ont toujours pas compris que le Monde était entré dans le 3ème Millénaire en marche arrière, et continuent contre toute décence à prétendre au progrès social et au partage des richesses.

C’est ce que n’a pas supporté l’apôtre de la non-violence. Rouge comme son écharpe emblématique, il ne l’a pas envoyé dire aux fainéants addicts aux prestations de Pôle Emploi, chômeurs par goût, par profession et par vocation : Monsieur le Barbier Servile a sorti son coupe-choux en déplorant la mollesse du gouvernement dans le choix de ses armes contre les chômeurs : « ce n’est pas avec de telles demi-mesures qu’on va y arriver ! » Laissez-moi faire, chez Jupiter, et ces traîne-savates auront vite repris le chemin de l’emploi sur les bancs de leur galère !

Il faut qu’ils apprennent une fois pour toutes, ces moins-que-rien, que notre patience est à bout et que les éléments de langage ne parvenant pas à les persuader de nos bonnes intentions, le moment est venu de sortir les mitrailleuses lourdes. Nous n’avons pas noué de profitables relations d’affaires avec la Chine Communiste pour se laisser étouffer par les scrupules et renoncer s’il le faut  à un Tien an Men place de la République ou au premier rond-point un peu trop embouteillé … !

Vu son glorieux passé de DRH dans les plus profitables entreprises de notre CAC 40, il faut que vous sachiez que nous n’avons pas mis Madame Pénicaud au Ministère du Travail pour jouer les assistantes sociales.

Le temps n’est plus aux minauderies et s’ils continuent encore un ou deux samedis à narguer les forces d’insécurité, les gilets jaunes vont s’orner bientôt de rayures et de mouchetures de la couleur de mon écharpe.

Et c’est un adepte acharné de la non-violence qui vous le dit !

André BARNOIN dit Dédé, de Mulhouse (68)

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