A moins de 3 semaines des élections européennes, Alain Guézou chausse à nouveau ses sandales et prend la route, ce jeudi 19 mai 2019, au départ de Bruxelles pour se rendre à pied à Strasbourg.  500 km de vagabondage pour ce « Sans-Voix » qui se surnomme lui-même « le Don Quichotte au béret ». Retrouvez ICI la présentation de son projet dans un article publié avant son départ. Par ses « billets » postés chaque soir quand les conditions l’autorisent, il nous permet de suivre son cheminement d’homme et de militant infatigable.

Billet 4 – Mardi 14 mai 2019

Bonjour à toutes et à tous,
C’est au fonds d’un café au nom de circonstance : » le Saint Hu’bar » à Saint Hubert, que je commence ce billet. Déjà 5 jours que je marche au départ de Bruxelles avec 4 jours de pluie, de brouillard et de froid et voilà que les Ardennes se présentent sous leur meilleur jour, avec un grand soleil.
Mais pourquoi marchez-vous ? Vous n’avez pas de voiture ? Mais vous n’avez pas d’animal ? Vous n’êtes pas un sans abri ? Mais quel est l’intérêt de marcher ? Vous n’avez rien d’autre à faire ? Mais quel âge avez-vous ? N’êtes-vous pas trop âgé ? Voilà quelques interrogations qui reviennent dans mes rencontres avec les gens qui croisent ma route…. Alors en général comme l’a chanté Jacques Brel, eh oui encore lui, je leur dis que n’ai pas envie de me satisfaire « d’aller du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit », que je refuse de perdre ma liberté d’agir au détriment de la dépendance, alors je marche, tant qu’il est encore temps. D’ailleurs je me demande, ce soir, si il n’est pas temps pour moi de passer la main et de cesser de vivre à 150 km/h en m’impliquant dans des activités diverses pour combler des vides de mon existence. Promouvoir la marche comme outil de guérison du corps et de réveil spirituel. Libérer les endorphines pour retrouver de la joie de vivre et éliminer les toxines de toutes sortes. Bon, j’ai encore un peu de temps de réflexions puisque j’atteindrai Strasbourg que le 26 de ce mois.
Et ce d’autant plus que la marche n’est pas une pratique optionnelle car notre corps est programmé pour marcher. Alors quel meilleur exercice pour réparer tous nos dysfonctionnements. Mais il y a un petit plus. Je ne sais plus qui a dit  » qu’il n’y a que les pieds pour laver l’âme  » et je peux vous confirmer que c’est vrai. Ce n’est pas qu’après ces quelques jours je me sentes plus propre, sourire, mais ce qui est sûr c’est bien que l’entreprise de nettoyage a commencé dès Bruxelles à décaper mon esprit. Ancres à la terres, par nature, ils sont naturellement les médiateurs entre le visible et l’invisible, entre la matière et l’esprit….
Sur cette affirmation philosophique,  je vous laisse réfléchir, je ramasserai les copies un peut plus tard,
Fougueusement, l’embrassade
Je vous quitte
Alain


Billet 5 – Mercredi 15 mai 2019

Bonjour à toutes et à tous,
Ces deux dernières nuits ont été étranges. Avant-hier, premier jours de soleil depuis mon départ, j’ai récolté une insolation, ne souriez pas s’il vous plaît. Mes nuits ont été hachées par la chaleur de ma tête des rêves cinglés avec pour conséquences que depuis deux jours je me traîne avec un sac qui me laboure le dos et cette question lancinante qui abreuve ma marche « mais quel intérêt à marteler de tout mon poids ces routes presque buissonnière belge. Je viens juste de trouver la réponse. Pour rien justement.
Et puis ce n’est pas cher payé pour pouvoir marcher rêveusement escorté seulement de pensées bienveillantes. Je marche seul dans le silence, sans aucune publicité que la vôtre, peut-être, à l’image du Chartreux qui prie dans la solitude de sa cellule pour tous les être vivants de cette planète.  Je marche pour celles et ceux qui sont à l’arrêt dans leur vie. Je marche pour atteindre un horizon que l’on nous interdit aujourd’hui. Ainsi je me tiens éloigné des experts du RSA, c’est à dire de spécialistes de l’invérifiable, et je redonne un sens à mon engagement personnel. Si la pauvreté n’est pas une grâce, ce n’est pas non plus une malédiction tant qu’une femme ou un homme saura se lever, se mettre en danger et marcher.
Ces même experts qui font de nous de bons petits soldats obéissants, mais toujours des hommes remplaçables qui veulent nous fondre dans un moule pour qu’eux même se protègent ainsi de leurs peurs. Ils veulent rassurer leur société moderne et libérale en nous faisant rentrer de force dans une conformité sociale. Pour mieux nous étouffer ils se nourrissent de mots savants formant ainsi un langage impossible. Seul nous reste une expression radicale. En marchant je veux leur apprendre la gaieté, le bonheur, le plaisir de s’essuyer la bouche d’un revers de la manche, je veux leur rendre la jouissance  de perdre du temps pour regarder un paysage, un oiseau.
Mes pieds m’appellent, il est l’heure de quitter la fraîcheur de ce ruisseau pour rejoindre l’étape de ce soir.
Prenez bien soin de vous et n’hésitez pas à vous arrêter, même une minute, pour vous écouter respirer….
Votre Alain


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