Vous pouvez retrouver toutes les « Chroniques de Fabienne » directement sur sont blog « Le Journal d’une chômeuse »

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ADSV.fr >Un regard lucide et décalé, toujours d’une rare pertinence sur le quotidien de tant d’entre nous. A lire pour s’informer, se détendre, rire (parfois jaune), et réfléchir.

 

Episode 215 du 21/12/2017 : Improductif

Y’a un nouveau mot à la mode en ce moment en matière de recherche d’emploi, c’est « proactif ». Dans les annonces, ça pullule comme les politiques opportunistes collent au train de Macron. Une véritable épidémie !

Alors bon, je disais les recruteurs cherchent des « proactifs ». Cela sonne un peu comme un produit ménager ou un bain-de-bouche, mais pourquoi pas.

Actif, je voyais bien le concept. Tu bouges ton cul, tu bosses. Soit. Sauf que maintenant, les futurs recruteurs veulent que tu sois mieux que ça : il faut que tu sois « proactif ». Ce qui ne veut pas dire – gaffe – que tu es un pro très actif.

« Pro » est un radical.
Il peut vouloir dire « en faveur de ». Bon admettons : « en faveur de l’actif »… pourquoi pas. Ce qui voudrait dire que ton boss veut que tu sois « pour être actif ». Ce qui l’arrangerait bien, plutôt que de te voir glander toute la journée. Car, dans ce cas, tu serais un anti-actif. Ce qui est tout de même très contreproductif quand tu bosses.
Sinon « pro » veut aussi dire « à la place de »…. Heu bon… « à la place de l’actif » ça rime pas vraiment à grand-chose… Car être à la place de l’actif, devrait vouloir dire qu’on est déjà actif, donc aucune plus-value pour le patron. Opération blanche.
Et enfin, « pro » veut dire « avant ». Ah, ben voilà, on y est ! Cela veut donc dire qu’on est capable d’anticipation. Anticiper avant d’agir.

Sauf que « proactif », qui est donc devenu un élément de langage pour faire djeun’ et moderne, est un néologisme tiré de la psychologie pour qualifier « une personne qui prend sa vie en main et refuse de se laisser diriger par les évènements extérieurs ».

En fait, tout le contraire du chômeur qui est un incapable notoire, qui ne vit que des allocs et achète des écrans plasma à tour de bras. Puis « refuser de se laisser diriger par les événements extérieurs » c’est aussi tout le contraire de ce qu’on demande aux moutons que nous devenons.

En gros, le proactif est un peu un genre de disruptif vivant sur Jupiter.

Ben si, vous savez, le disruptif ! Le mec innovant. Bon, en vrai, ça se dit lorsque l’électricité traverse un isolant en l’altérant provisoirement ou durablement… Mais même si tu fais cramer la baraque, tu l’as fait en innovant, c’est toujours mieux que ne rien foutre ! Comme Jupiter.

Bon, allez, je pinaille mais faut que je vous laisse.
Je ne veux pas que le blurring me pousse au burnout. Je pense que je vais intégrer, dans une démarche proactive, un cluster en coworking. Puis avec le recrutement prédictif, je suis certaine qu’avec l’ubérisation – et grâce au mentorat inversé et au micro Learning – des tas de helpers me permettront d’y voir plus clair.

Ou pas.

Car je me demande si finalement, dans la start-up nation, y’a pas un disruptif qu’a encore fait sauter les plombs.

(dessin de Fix Dessinateur que je viens de découvrir, allez y)

 

Episode 216 du 26/12/2017 : En promo

Je suis une chômeuse qu’a écrit un livre. A moins que mes chroniques aient fait de moi une écrivaine. Bref. L’un dans l’autre, je tente de faire un peu de promo pour mon merveilleux bouquin qui – d’après les derniers résultats officiels – aurait atteint le chiffre record de 120 exemplaires vendus en six mois.

Je ne vais pas vous raconter de conneries, dire que j’en ai vendu mille et que mon éditeur n’en peut plus de faire des retirages… D’ailleurs, sachez une chose, lorsqu’un petit, un sans-grade, vous annonce sur les réseaux sociaux qu’il a écoulé la totalité de son stock à la vitesse du son, soit il ment pour flatter son ego (et créer un effet boule-de-neige), soit il a une super grande famille !

De toute façon – c’est mon expression fétiche – le talent est aujourd’hui une question de réseau. Non pas que de réseaux sociaux. Du vrai réseau. Comme, par exemple, quand t’as des potes qui bossent dans la presse ou que t’as accès à un prime time. Et oui, pour décréter un talent, nul besoin d’aller chez Pivot (comment ça il n’a plus d’émission ?)… Il suffit de passer dans un télé-achat entre deux aspirateurs pour que les gens te reconnaissent dans un salon et achètent un peu ton précieux.

Sinon, y’ une autre solution : faire toi-même ta promo.

Mâ non ! Pas en faisant des partages sur Facebook ou en envoyant (à tes frais) des bouquins dans les rédactions en espérant qu’ils finissent ailleurs qu’à la poubelle. Non. Plutôt en écrivant toi-même un article qui parle de ton CD, de ton livre ou de ton expo. En bien, évidemment.

Ah si, je vous jure, ça existe ! C’est encore arrivé ici pas plus tard que la semaine dernière. Et le pire, c’est que le tour est carrément assumé. Signé par un autre mais avoué par l’auteur partout ailleurs.

Remarquez, pourquoi se gêner ? C’est ainsi que le monde de la promo fonctionne. Presse nationale ou locale, même topo ! Festival où tu t’auto-invites. Radio où tu diffuses tes potes. Magazine où tu parles de toi…

Bon, en vérité, ce n’est pas grave tout ça. Perso, je ne fais pas autre chose sur cette page. Je parle de moi à longueur de semaines. Je ne mets en avant que ceux que j’aime. Et, j’avoue, je ne promeus que ceux qui me bottent.

Mais à une différence près : je ne vous fais jamais prendre des vessies pour des lanternes.

Bon alors, y’en a un qui va l’acheter le 121ième ?
Rhhoo, j’vous jure… Faut tout faire soi-même !

(dessin du chouette Antoine Chereau pour ActuaLitté. Allez voir sur sa page. Il soutient Le Refuge et ça, ben c’est bien)

 

Episode 217 du 27/12/2017 : Dindon de la farce

On n’a pas fini de balayer les papiers-cadeaux que déjà on apprend par le Canard Enchaîné que le gouvernement Macron – au lieu de farcir la dinde – veut farcir du chômeur. Notez, ce n’est pas une surprise, c’était dans le programme du gamin.

D’après l’hebdo, une note du le ministère du Travail indique qu’une « recherche insuffisante, un refus de formation ou un refus de deux offres d’emplois jugées raisonnables, entraînerait une réduction des allocations de 50% pendant deux mois. En cas de récidive, elles seraient supprimées pour deux mois ».

Bam. Directement dans le porte-monnaie ! Un peu le contraire de l’ISF. Nous, on ne ruisselle pas, donc pour nous motiver faut nous taper du fric. Puis comme on est des délinquants (des « récidivistes ») ça sera bien fait pour notre gueule.

Alors pour ne prendre que mon exemple (désolée, je n’ai que le mien sous la main) depuis mon licenciement économique en juillet 2016 j’ai reçu… walou proposition de la part de Pôlo. Aucune, que dalle, rien, zéro. D’ailleurs, sans faire ma crâneuse, le CDD que je viens de terminer, c’est mézigue qui l’avait trouvé… sur le site de Pôle Emploi ! Pourtant, même un algorithme un peu con pouvait me le proposer puisque dans l’intitulé de l’annonce il y avait écrit « journaliste ». Et que je cherche un job de… journaliste. Mais ni l’ordi ni le conseiller n’ont su me le signaler.

En vérité, je n’ai reçu qu’une proposition directe en 18 mois. Elle m’est parvenue début décembre via Pôlo directement sur ma boîte mails par un type qui voulait que je fasse… du recouvrement de loyer.

Sinon, dans les fuites du Canard, on apprend aussi que Jupiter annonce que « chaque demandeur d’emploi devra remplir un «rapport d’activités mensuel», listant l’ensemble des démarches effectuées pour favoriser son retour à l’emploi ». Un « rapport d’activités » comme une entreprise ou une association. Start-up nation on vous dit !

Bref, comme à l’école. Martine fait ses devoirs. Martine écume Linkedin. Martine refait son CV. Si on prend la fourchette basse, cela voudrait dire que chaque mois, 3,5 millions de rapports vont arriver dans les boîtes-mails de Pôle Emploi. 42 millions par an.

Sachant qu’ils n’ont déjà pas le temps de te trouver du boulot, ça va friser le burnout dans les agences.

Jupiter, si tu veux mon avis, va falloir songer à embaucher.

(dessin du chouette Mutio)